Une bactérie pourrait protéger le microbiote des effets des additifs alimentaires

Des millions de personnes consomment chaque jour des agents émulsifiants, qui sont des additifs alimentaires présents dans plusieurs produits transformés, comme les gâteaux, la crème glacée, les barres chocolatées, les vinaigrettes et les crèmes. Par exemple, des émulsifiants comme la lécithine et les polysorbates permettent de produire la texture onctueuse des crèmes glacées. Or, selon de précédents travaux menés en France par des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la consommation de ces additifs entraîne une altération du microbiote intestinal et de son interaction avec l’appareil digestif. Plus précisément, ces recherches ont montré que «la consommation d’émulsifiants alimentaires induisait la capacité de certains éléments du microbiote à entrer en contact étroit avec l’épithélium», la première ligne de défense contre les menaces biologiques et chimiques traversant notre tube digestif. «On s’est rendu compte que la bactérie Akkermansia municiphila fortifiait la couche de mucus qui est situé entre l’épithélium et le microbiote. Dans les faits, cette bactérie agirait comme une barrière et viendrait protéger le microbiote de l’impact négatif des émulsifiants», indique Benoît Chassaing, chercheur à l’Inserm, de l’Université de Paris Cité, en entrevue à ProfessionSanté.ca. Toutefois, la quantité de cette bactérie est diminuée à la suite de la consommation d’agents émulsifiants. C’est pourquoi la supplémentation de cette bactérie pour contrer les inflammations intestinales est une voie prometteuse. Des essais cliniques concluants Le chercheur et son équipe ont voulu mettre à l’épreuve cette hypothèse en réalisant des essais cliniques sur des souris. Des groupes de souris ont donc reçu des agents émulsifiants par le biais de leur alimentation, en plus de recevoir une dose quotidienne d’Akkermansia municiphila. D’autres groupes, qui représentaient les groupes contrôles, ont consommé des agents émulsifiants, mais n’ont pas reçu une dose de la bactérie. «On s’est rendu compte que le fait de donner quotidiennement ces bactéries était nécessaire et suffisant pour complètement prévenir l’inflammation induite par les agents émulsifiants. Ces groupes n’avaient plus d’inflammation», explique Benoît Chassaing. Selon lui, ces travaux confortent la notion que l’utilisation de cette bactérie en tant que probiotique pourrait être une approche pour maintenir la santé métabolique et intestinale contre les agents émulsifiants. Personnaliser le traitement La prochaine étape pour le groupe de chercheurs sera de comprendre si tous les microbiotes humains répondront exactement de la même manière à ce probiotique de nouvelle génération. Selon le chercheur, l’utilisation de la bactérie pourrait fortifier cette barrière chez les patients ayant certaines prédispositions, notamment ceux souffrant d’obésité. D’ailleurs, des essais cliniques sont en ce moment effectués chez les hommes qui sont atteints de diabète et d'obésité. «Il y a plein de probiotiques sur le marché. Le problème est qu’ils s’appliquent à la population en général. Il y a des données qui prouvent que ça ne fonctionne pas. Nous devons plutôt avoir une approche personnalisée en fonction des prédispositions génétiques ou de la santé de chacun. Nous avons tous un microbiote qui nous est propre. Le but est d’identifier quel probiotique pourrait être bénéfique à tel ou tel moment de notre vie», explique le chercheur français. Ce dernier cite des études de l’Institut Weizmann de la science en Israël qui a démontré que les probiotiques pourraient être inutiles lorsqu’elles étaient consommées «à l’échelle d’une population». «Une bactérie magique pour toute la population, qui traite l’ensemble des pathologies, est une utopie. Ça n’arrivera jamais. Ce qu’il faut, c’est identifier quel groupe de patients, pour telle pathologie, pourrait bénéficier d’une supplémentation par la bactérie», termine Benoît Chassaing. La nouvelle étude de l’Inserm a été publiée dans le journal Gut.

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