Spécialiste ou généraliste?

Cela fait plus de 30 ans qu’on parle de la spécialisation en pharmacie d’établissement. Au sein de notre profession, considérant les connaissances additionnelles de la maîtrise en pharmacothérapie avancée et la réalité de leur pratique, il est clair dans la tête de tous que les pharmaciens d’établissement sont, depuis longtemps, des spécialistes en pharmacothérapie. Quelque part, cela fait peut-être aussi partie du problème: pour l’employeur, pourquoi reconnaître une spécialisation à des employés qui accomplissent déjà le travail? Avec le risque que ceux-ci commencent à bouder la polyvalence (faire de la distribution ou des gardes, par exemple) et augmentent leurs attentes salariales. Pourquoi diable un employeur ferait-il cela? Où est son avantage? Si la réponse à cette question était plus discutable il y a 10 ou 15 ans, l’évolution de la profession et l’élargissement des champs d’activités des pharmaciens rendent maintenant la spécialisation incontournable. C’est une question d’organisation et d’efficience. Si on fait un parallèle avec nos collègues médecins, aujourd’hui, viendrait-il à l’esprit d’un administrateur de mettre un hémato-oncologue de garde à l’urgence? Non, pour les raisons suivantes: Le temps qu’il passerait à l’urgence, il ne le passerait pas à donner des soins spécialisés que lui seul peut donner. Pour travailler à l’urgence, il devrait maintenir un niveau de «généraliste» suffisant. Ce faisant, il ne pourrait pas se concentrer sur sa spécialité et maintenir son expertise. Pourquoi cette réflexion ne s’appliquerait-elle pas aux pharmaciens d’établissement? Il y a déjà des pharmaciens sans maîtrise dans les établissements, et il y en aura de plus en plus si le MSSS arrive à trouver des pharmaciens pour les CHSLD comme cela est prévu. Il ne serait pas si complexe de créer deux titres d’emploi (il faudra aussi prévoir une reconnaissance des acquis et des compétences (RAC), mais c’est un autre sujet). La pénurie de pharmaciens d’établissement est criante depuis longtemps, et les salaires actuels en pharmacie communautaire (notamment en dépannage) poussent certains jeunes à bouder la maîtrise. Une spécialisation, bien définie, aiderait sûrement à gommer une partie des désavantages. Avec l’arrivée des techniciens en pharmacie, il va y avoir une réorganisation des milieux. L’objectif est de pouvoir s’appuyer sur une équipe technique de confiance afin que les pharmaciens se concentrent davantage sur la pharmacothérapie et qu’ils offrent plus de soins directs aux patients. Cela me semble l’occasion parfaite de permettre aux pharmaciens qui sont déjà spécialisés de pouvoir l’être pleinement, en titre, comme dans les faits. Ce ne sera pas facile, il y aura des frictions, même au sein des services de pharmacie, car une réorganisation n’est jamais sans heurt. Peu importe, il est grand temps. Pour finir, bien que je sois convaincu qu’il faut se battre pour la spécialisation, cela ne va pas de pair avec une dévalorisation des généralistes. Il faut garder à l’esprit que ce sont bien souvent eux qui font «tourner la machine». C’est vrai en médecine et ce le sera en pharmacie. En tant que pharmacien communautaire, je me vois comme un généraliste et j’en suis fier. Je m’intéresse à tout et, quand cela dépasse mes compétences, je ne crains pas de consulter mes confrères hospitaliers, ou plutôt «spécialistes».

Québec pharmacie

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Derrière ce blogue:

Christophe Augé

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