Saines habitudes de vie: comment les faire enfin adopter par les patients?

Une kyrielle d’organismes publics, municipaux, communautaires et privés font la promotion des saines habitudes de vie. Les campagnes publicitaires et les injonctions marketing se multiplient pour encourager la population à bien manger, bouger plus et prendre soin d'elle. Pourtant, les enquêtes sont formelles: l’obésité, la sédentarité et les problèmes de santé mentale se propagent à vitesse grand V au Québec. Comment inverser ces tendances et faire percoler les messages sur les saines habitudes de vie pour aider les gens à vivre heureux, longtemps et en santé? La Chaire de leadership en enseignement sur la promotion de saines habitudes de vie – Nautilus Plus créée dernièrement par l’Université Laval (UL) vise à trouver des solutions à cet enjeu de santé publique. Car c’est un fait avéré et documenté, l’alimentation et le sport contribuent au maintien de la santé ainsi qu’à la prévention d’une multitude d’affections et de maladies chroniques de même qu’ils participent au bien-être mental. Selon l'Enquête québécoise sur l'activité et le sport de 2018-2019, seuls 20% des enfants et des adolescents étaient actifs l'année précédente; 52% des adultes étaient moyennement ou peu actifs. L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015 montre que plus de 75% des adolescents et adultes québécois ne consomment pas le minimum de portions de fruits, de légumes et de lait recommandé. «On a beau dire aux gens ce qu’il faut faire, on ne voit pas tant de changements positifs dans les comportements», observe la professeure adjointe au département de kinésiologie de l’UL, Kadia Saint-Onge. La titulaire de cette nouvelle chaire pointe entre autres du doigt l’avénement du numérique et notre attirance pour les écrans. Peu importe l’âge, «c’est difficile de s’en défaire.» Selon elle, la pandémie de COVID-19 n’a pas aidé non plus. «On a développé de mauvaises habitudes. Depuis, on mange généralement moins bien et on bouge moins. Le mal-être a également grandi», souligne la professeure. Or, pour se prendre en main et changer, il faut de la motivation, ajoute-t-elle. «On sait que cela va nous faire du bien, mais c’est plus facile de se consoler en scrollant son écran ou en commandant à manger sur Uber Eats.» Devant ces réalités, les réponses à trouver et les actions à mettre en place ne sont pas si évidentes. La complexité tient notamment à la multitude d’acteurs impliqués. «Dans un quartier à Montréal, il peut y avoir une cinquantaine de structures qui font une forme de promotion des saines habitudes de vie», indique Kadia Saint-Onge à titre d’exemple. «On doit décloisonner tout ça pour que ce monde-là travaille ensemble, parle d’une voix unique et mène des actions cohérentes.» La difficulté réside aussi dans les disparités socio-économiques et spatiales qui peuvent entraver l’accès aux saines habitudes de vie et à leur adoption. «Il s'agit là d'un défi complexe», estime la professeure formée en psychologie communautaire et en santé publique, car il fait intervenir des caractéristiques individuelles, comme les attitudes et les motivations des personnes, mais aussi des facteurs externes comme l'environnement bâti et les facteurs économiques, sociaux, culturels et politiques. «Si l’alimentation n’est pas abordable ni accessible, ça ne sert à rien de dire aux gens de manger mieux.» Idem s’ils ne disposent pas d’infrastructures sportives à proximité de chez eux ou d’espaces verts pour se ressourcer dans la nature. «Ça vient mobiliser différentes compétences et différents acteurs. Si chacun travaille dans son coin, on le sait, ça marche moins», explique Kadia Saint-Onge. À lire aussi: Vous avez des objectifs santé? Voici quelques conseils pour les adopter et surtout, les conserver Repenser la communication Sur la forme, enfin, la professeure est convaincue de la nécessité de trouver de nouvelles stratégies de communication. «On n’aime pas qu’on nous dise quoi faire. Plus on nous dit "ne fais pas ci ou ça", plus on a envie de le faire. Et le fait est qu’on n’a pas tous les mêmes intérêts. Le sport ne goûte pas à tout le monde. On doit donc tenir des discours plus respectueux de la diversité et qui tiennent compte de la psychologie des changements de comportement», affirme-t-elle. De plus, les saines habitudes de vie sont souvent associées à la prévention de problèmes tels que les maladies cardiovasculaires ou l’arthrite, mais ce n’est pas engageant de communiquer sur des bénéfices qui se produiront dans 30, 40 ou 50 ans, souligne la titulaire de la chaire. Manger mieux et bouger plus, «ce n'est pas seulement pour éviter les conséquences à long terme. Nous devons aussi présenter les retombées positives, qui sont presque immédiates. Marcher une dizaine de minutes par jour permet d’être de meilleure humeur, de mieux dormir et ça aide à avoir de meilleures notes, d’être un bon parent ou de réaliser ses objectifs de carrière. C'est bien plus motivant pour s'engager.» À lire aussi: Ton médecin ne te guérira pas: plaidoyer pour l'adoption de saines habitudes de vie Appel aux cliniciens La Chaire de leadership en enseignement sur la promotion de saines habitudes de vie – Nautilus entend s’attaquer de front à tous ces enjeux avec un credo: s’appuyer sur les expertises et les expériences des différents acteurs qui s’impliquent sur le terrain. D’une part, pour profiter de leurs savoir-faire et, d’autre part, pour connaître leurs besoins de formation liés à leurs enjeux spécifiques. L’équipe que Kadia Saint-Onge est en train de former aura ainsi pour missions de diffuser les connaissances et bonnes pratiques, de produire des outils pédagogiques adaptés et de «former des agents de changement qui auront une influence positive dans leurs milieux», indique la professeure qui déborde d’enthousiasme. Elle invite d’ailleurs les médecins et pharmaciens à venir travailler avec eux. «On veut les mobiliser et les former, car ils sont bien placés pour en parler à leurs patients. Or les études montrent que peu de cliniciens le font à cause du manque de temps, mais aussi par manque de compétences. Ceux qui font la promotion des saines habitudes de vie sont généralement des sportifs. Les autres ne savent pas trop quoi prescrire comme exercices physiques, alors on veut développer leur littératie.»

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