PL20 et PL28: il est temps de passer des concepts aux actions

Dans la chronique que je signais dans L’actualité médicale du 28 novembre dernier1, je me suis amusé à faire un parallèle entre le projet de loi 10 et le secteur de l’assurance. Je la terminais en disant que le PDG d’une compagnie d’assurance santé avait de nouvelles mesures sur sa planche à dessin. J’invite donc les nouveaux lecteurs à la lire avant de poursuivre.Les prédictions que je faisais se sont avérées. Entre le moment où j’ai écrit la chronique et le jour de sa parution, deux projets de loi (PL) ont été déposés : le PL 28 et le PL 20. Le PL 28 est un projet de loi omnibus qui donne notamment au ministre le pouvoir de prévoir ou de modifier les modalités de rémunération applicables aux pharmaciens. Si, d’une part, l’article 185 du PL 28 donne enfin suite au projet de loi 41 modifiant la loi sur la pharmacie et entraînant des règlements pour permettre au pharmacien d’interpréter des tests de laboratoire, de prescrire certains médicaments, de prolonger des ordonnances, etc., ouvrant ainsi la possibilité de rémunérer les pharmaciens qui posent ces actes, d’autres dispositions prévoient que le ministre peut modifier à la baisse le taux de rémunération pour d’autres actes, ce qui a soulevé le tollé qu’on connaît chez les pharmaciens communautaires.Le PL 20 a quant à lui résonné comme un coup de tonnerre dans l’univers médical. Le ministre pourrait dorénavant fixer des normes quant au nombre de patients inscrits, au nombre d’heures d’activités, aux taux d’assiduité de la clientèle (pour les médecins de famille) et à diverses obligations dans la façon de rendre certains services (pour les spécialistes), à défaut de quoi leur rémunération serait amputée d’un certain pourcentage pouvant aller jusqu’à 30 %.La logique poursuivie par le ministre nous révèle une cohérence dans les actions, que nous soyons d’accord ou pas avec celles-ci : après avoir voulu restructurer le réseau de soins public (PL 10) pour en améliorer l’accessibilité, la fluidité, l’efficience et l’efficacité, voici qu’il aborde la question de l’accessibilité et de la productivité des travailleurs autonomes que sont les médecins et les pharmaciens en agissant sur les modalités de rémunération et les conditions d’exercice. Une réelle révolution.Bien qu’on entende très fort les cris de protestation de médecins et de pharmaciens, d’autres voix moins sonores dans les mêmes communautés se réjouissent que les choses changent. Mais un consensus rallie ces deux groupes : les choses ne seront plus jamais comme avant. Vous vous rappellerez sûrement qu’en des temps moins houleux, j’avais prédit qu’un point de rupture serait atteint. Nous y voilà. Je laisse à nos différents leaders le soin de contester ou de bonifier (c’est selon le point de vue…) le PL 28 et le PL 20. Car ne vous y trompez pas, il y aura des modifications qui seront négociées, mais le statu quo est une chimère, j’en suis convaincu.Les résultats de ces négociations devraient comporter des mesures qui amélioreraient de fait l’accessibilité aux médecins et aux pharmaciens, leur productivité et leur efficacité. Entre autres mesures :Doter les cliniques médicales (GMF ou pas) de plus de professionnels, mais pas pour leur déléguer des tâches pour lesquelles ils sont surqualifiés : préparer un patient pour une consultation médicale, prendre ses signes vitaux, etc. Des auxiliaires au médecin feraient l’affaire. Il faut au contraire que les médecins de famille comprennent que plus un patient est vulnérable (le patient chronique complexe dont j’ai souvent parlé), plus il doit être confié aux bons soins d’une équipe interdisciplinaire, beaucoup plus à même d’assurer un suivi en continu, de qualité, nécessitant une foule d’expertises. Le médecin demeure responsable, mais il doit consacrer l’essentiel de son action là où il excelle : le diagnostic et le traitement.Bannir le terme « prise en charge » (un clin d’œil à mon collègue François Vaillancourt, de Rouyn-Noranda, qui a écrit un billet inspirant sur le sujet2). Pourquoi ne pas parler uniquement d’inscription, d’accompagnement ou d’engagement. Car c’est de cela dont il s’agit. Le médecin doit cesser de se sentir responsable de tout et pouvoir compter sur une équipe pour l’aider, mais surtout aider le patient à se prendre en main.Donner l’accès, pour les médecins, les pharmaciens, les infirmières et tous les autres professionnels, à des outils de suivi personnalisés, à des trajectoires de soins informatisées, leur permettant, collectivement et selon leur rôle et leur compétence, d’agir au bon moment auprès des patients vulnérables, porteurs par définition de comorbidités. Ce que j’appelle la médecine de « précision » permet maintenant aux pharmaciens, voire aux patients eux-mêmes, de poser des diagnostics, de faire des ajustements thérapeutiques et de mesurer l’impact des traitements. Il serait illogique que cela se passe en vase clos, en silo, alors que le mode collaboratif fait l’unanimité chez tous les experts.Recourir à des tableaux de bord pour mesurer les résultats atteints et apporter les correctifs nécessaires. Dans tous les secteurs d’activité performants, la culture de la mesure existe. Nous ne pouvons y échapper.Ceux et celles d’entre vous qui se sont familiarisés avec la gestion du changement seront d’accord sur le fait que plusieurs médecins et pharmaciens sont dans la phase de prise de conscience où choc, déni, insécurité et confusion sont au rendez-vous. J’invite donc notre ministre et nos leaders à faire en sorte que nous puissions, collectivement, migrer vers les autres phases qui sont celles de la réaction, de l’ouverture, de l’action et de l’adoption. Il est temps de passer des concepts aux opérations, aux actions.1. http://www.professionsante.ca/medecins/opinions/blogues/blogue-a-part-par-le-dr-alain-larouche/projet-de-loi-10-la-transformation-de-notre-plus-grande-entreprise-quebecoise-329942. Les mots qui tuent, juin 2010, L’actualité médicale. http://www.professionsante.ca/medecins/opinions/opinions-des-lecteurs/les-mots-qui-tuent-72853. http://www.professionsante.ca/medecins/opinions/blogues/blogue-a-part-par-le-dr-alain-larouche/projet-de-loi-10-la-transformation-de-notre-plus-grande-entreprise-quebecoise-32994* Omnipraticien, le Dr Alain Larouche est président du Groupe santé Concerto, une organisation de conseils et de services en prévention et en gestion des maladies chroniques.

Gouverne clinique

PL20 et PL28: il est temps de passer des concepts aux actions

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Derrière ce blogue:

Alain Larouche