PL 15: Un rendez-vous manqué avec les médecins de famille

Monsieur le ministre Dubé, Vous avez misé, pour l’application de votre projet de loi 15, sur deux pôles majeurs: une grande modalité opérationnelle qu’est la trajectoire de soins et un tout nouveau système de gouvernance clinique. Je constate, à la lumière des travaux en commission parlementaire, que les irritants reliés au rôle et aux responsabilités du CMDPSF et à la composition du conseil interdisciplinaire d’évaluation des trajectoires et de l’organisation clinique peuvent être aplanis sans qu’on déchire sa chemise. C’est une bonne nouvelle. Mais c’est une autre paire de manches pour ce qui a trait à la gouvernance clinique. Les réactions du corps médical, notamment la FMOQ, n’ont pas tardé et c’est tout à fait compréhensible et justifié. Sans vous prêter de mauvaise intention, je considère que la nouvelle mécanique que vous souhaitez mettre en place est quelque peu machiavélique: un médecin peut vouloir devenir membre du département territorial, mais s’il veut être rémunéré par le régime d’assurance maladie, il doit être membre de ce département. Et pour être membre, il doit détenir nomination, privilèges et obligations au sein de l’établissement du territoire. Je comprends cette idée qui reprend le rêve de tant de directeurs généraux d’établissement depuis des décennies à savoir que si on veut contrôler le travail des médecins, qu’on [nous] donne le budget de la RAMQ à même le budget de [notre] établissement. Dans votre projet de loi, l’enveloppe de rémunération n’est pas transférée bien sûr, mais les conditions pour être rémunérés sont fortement encadrées par votre nouvelle mécanique. Je crois que c’est une erreur en ce sens que le risque est de rater votre rendez-vous avec les médecins. Le vrai défi Le vrai défi, selon moi, monsieur le ministre, est de concilier deux responsabilités à première vue incompatibles: celle qui incombe aux gestionnaires, soit l’obligation de résultats en fonction des ressources humaines et financières qui leur sont confiées, et celle qui incombe aux médecins, soit l’obligation de moyens en fonction des besoins de leurs patients. Cette conciliation est possible, car l’une et l’autre des parties peuvent comprendre les obligations de chacun et trouver, ensemble, une solution qui converge vers l’efficience et la qualité. Cependant, l’appel à la collaboration est insuffisant. Seul un réel partenariat peut la mener à bien. La responsabilité de la santé populationnelle pourrait alors être l’objectif de tous. Cependant, ce partenariat ne pourrait être pleinement atteignable sur un horizon à court terme. Il est toutefois possible d’en établir les assises. Il faudra repenser certains modes de rémunération ainsi qu’un cadre permettant aux deux parties impliquées non seulement d’affronter les difficultés posées par un bon fonctionnement du système de santé, mais également de pouvoir bénéficier des succès obtenus. Des solutions concrètes Dans l’immédiat, pourquoi, par exemple, ne pas inviter les médecins de famille, les pharmaciens communautaires et les infirmières de première ligne à l’élaboration et au déploiement des premières trajectoires de soins. Je pense ici à des priorités parmi les plus coûteuses tant pour les patients que pour notre société, telles que les maladies cardiovasculaires, la santé mentale et le diabète. Qu’aurions-nous à perdre? La première ligne de soins a besoin de… bons soins. Experts après experts tiennent le même discours. Le cœur de la solution réside pourtant dans des trajectoires de soins bien ancrées dans les besoins de santé de la communauté et portées en priorité par une première ligne bien soutenue et bien coordonnée avec les services spécialisés et de réadaptation. Sinon, les trajectoires de soins élaborées dans nos grands établissements risquent de reproduire encore et encore un financement de programmes axés sur des indicateurs de volume hospitaliers et d’heures d’attente aux urgences, pour ne nommer que ceux-là. Qui plus est, et avant que Santé Québec se mette sur pied et que les établissements se réorganisent, on en a pour quelques années… J’espère, monsieur Dubé, que vous entendrez cette invitation. Respectueusement. Alain Larouche

Gouverne clinique

PL 15: Un rendez-vous manqué avec les médecins de famille

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Derrière ce blogue:

Alain Larouche

Catégories connexes