Nutrition: un guide pour optimiser la prise en charge de la perte de poids

Alors que 46% de la population du Québec a tenté de perdre du poids au cours de la dernière année et qu’une personne sur cinq rapporte que la gestion de son poids l’obsède, d'après les données de l'Association de santé publique du Québec (ASPQ), il était plus que temps de mettre au clair les tenants et aboutissants de la perte de poids. «Nous avons perçu un besoin du public, qui était un peu perdu parmi les différentes approches proposées, explique la présidente de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec (ODNQ), Joëlle Emond. Il fallait harmoniser les messages, parfois extrêmement contradictoires, véhiculés par les différents professionnels de la santé.» C’est pourquoi l’Ordre a élaboré cette trousse à outils, comprenant un guide, mais aussi une fiche synthèse et une fiche d’information sur le rôle des diététistes-nutritionnistes dans la pharmacothérapie, disponibles sur son site internet. «Il est primordial de baser notre pratique sur des données probantes ainsi que sur les besoins de la personne. La bonne approche pour la bonne personne au bon moment», résume Joëlle Emond. Une approche basée sur le consentement et les données probantesVous ne trouverez toutefois aucune ligne directrice pour un traitement optimal de la perte de poids dans ce guide. À problème complexe, solutions complexes, répond Joëlle Emond. «Les sources de gain de poids sont variées. Et on continue d’en apprendre tous les jours sur le métabolisme, les mécanismes impliqués dans le poids. Il ne s'agit pas d'un recensement des approches les plus efficaces, mais d'outils pour les professionnels et le public.» Différentes approches de traitement et leurs conséquences sur la santé physique et mentale des personnes sont ainsi passées en revue: Modification quantitative des apports nutritionnels (restriction énergétique, modification des apports en macronutriments, jeûne intermittent)Modification qualitative des apports nutritionnels (alimentation méditerranéenne, alimentation végétarienne) Activité physiquePharmacothérapie (pour les quatre médicaments approuvés pour la perte de poids au Canada)Chirurgie bariatriquePsychothérapieProduits amaigrissants (consommation non recommandée)Santé à tous les poids (sans diète non axée sur la perte de poids)Alimentation intuitive (sans diète non axée sur la perte de poids)Le document de l’ODNQ établit aussi les grands principes de la relation clinique:Établir une relation de confiance avec les patientsObtenir le consentement des patients avant d’aborder le poidsChoisir des interventions fondées sur les données actuelles de la scienceReconnaître ses limites et biais personnels et professionnelsPrévenir la grossophobieLa notion de consentement est particulièrement importante pour la présidente de l’ODNQ, puisqu’à l’image de tous les autres soins, un traitement de perte de poids ne peut s’initier sans l’accord et la volonté du patient. «On ne connaît pas l’histoire des gens, les causes de l’obésité sont multifactorielles et peuvent être liées à un traumatisme qu’on est pas forcément prêt à adresser.» À lire aussi: Les régimes amaigrissants ou un usage détourné de médicaments tels qu’Ozempic peuvent contribuer aux troubles alimentairesJoëlle Emond souligne par ailleurs l’importance pour les soignants de faire face à leurs propres biais avant de parler de leur poids aux patients. «Les professionnels de la santé sont exposés comme tout le monde à une désinformation en matière de poids. Mais être mince ne veut pas dire être en bonne santé, et une personne en surpoids peut avoir initié un parcours de saines habitudes de vie.» La présidente de l’ODNQ conseille à ce sujet la campagne Apparences trompeuses, à l’initiative de l’ASPQ. Enfin, ce guide rappelle le grand rôle de la nutrition conjuguée à la pharmacothérapie, même si les deux approches peuvent à première vue sembler antinomiques. «On les oppose souvent, ce que je trouve toujours aberrant car les deux peuvent et doivent coexister, observe Joëlle Emond. Toutes les monographies recommandent un suivi en nutrition et un changement des habitudes de vie. Par ailleurs, certaines molécules comme le sémaglutide provoquent beaucoup d’effets secondaires qu’un plan de traitement nutritionnel peut permettre d’atténuer.» Collaborer pour mieux soignerDestiné en priorité aux professionnels de la nutrition, le guide s’adresse ainsi à tous les membres du réseau, puisque les conversations sur le poids interviennent dans de nombreux contextes – la physiothérapie ou la pharmacie par exemple. «Il faut faire attention, car ces professionnels ne sont pas forcément intégrés dans une équipe interdisciplinaire», prévient la présidente de l’ODNQ, qui prône la collaboration et le référencement des patients. «La formation des professionnels de la santé sur la nutrition n’est pas très grande. Il ne faut pas hésiter à interpeller les diététistes-nutritionnistes car c’est notre travail!», rappelle-t-elle. À lire aussi: Troubles de l'alimentation: pour un dépistage systématique de tous les adolescentsMais l’accès du public aux services des diététistes-nutritionnistes reste très difficile, concède Joëlle Emond, avec de longues listes d’attentes dans le réseau et des consultations parfois onéreuses dans le privé. Mais, elle en est convaincue, la demande est présente. «L’obésité et les maladies chroniques vont en augmentant. Nous appelons depuis longtemps à un dépistage systématique de la dénutrition ou de la malnutrition quand une personne accède au réseau de la santé, pour cibler l’action les priorités des diététistes-nutritionnistes.» Selon les données publiées par l'ODNQ, les connaissances et les compétences des diététistes-nutritionnistes dans le réseau de la santé peuvent réduire de 2 à 10 jours le temps d’hospitalisation, et diminuer le taux de mortalité de 3,3 à 29%, en plus de réaliser des économies en soins de santé. La nutritionniste espère par exemple que le gouvernement déploie les normes élaborées par l’Organistion des normes en santé (HSO) pour le repérage de la malnutrition en établissements de soins, alors que 45% des patients adultes et 19,5% des enfants sont dénutris lors d’une admission de courte durée, ainsi que 45% des résidents en CHSLD d'après les chiffres de l'Ordre.

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