Le régime kéto, un allié contre les troubles psychiatriques

Un essai pilote sur l'effet d'un régime keto, ou régime cétogène, sur des personnes atteintes de schizophrénie ou de troubles bipolaires présentant des anomalies métaboliques a révélé des améliorations significatives de leurs conditions métaboliques et psychiatriques. Les participants ont suivi ce régime pendant quatre mois, alors qu’ils continuaient de prendre leurs traitements psychiatriques habituels. Selon les premières observations, les 4/5e d’entre eux présentaient une amélioration cliniquement significative de leurs symptômes psychiatriques; l’échelle d'évaluation des impressions cliniques globales (CGI), qui sert à mesurer la gravité des symptômes, s’était quant à elle améliorée de 31% en moyenne.Sur le plan physique, les participants ont perdu en moyenne 10% de leur poids. Si près d'un tiers des participants répondaient aux critères du syndrome métabolique au début de l'étude, aucun n'y répondait à la fin.À lire aussi:Quand l’alimentation améliore directement l’humeurLes effets secondaires qui ont pu être ressentis, comme des maux de tête, de la fatigue et de la constipation, n’ont pas persisté plus de trois semaines après le début du régime. L'essaiCet essai mono-bras a été dirigé par la Dre Shebani Sethi, fondatrice et directrice de la clinique de psychiatrie métabolique de la faculté de médecine de l’Université de Stanford. Elle a recruté cinq adultes atteints de schizophrénie et 16 de troubles bipolaires, qui prenaient tous des médicaments psychotropes et présentaient des problèmes métaboliques.Ils se répartissaient ainsi en deux groupes: soit ils présentaient un surpoids et avaient pris plus de 5% de leur poids total pendant qu’ils étaient sous traitement psychotrope; soit ils présentaient une ou plusieurs anomalies métaboliques, telles que la résistance à l'insuline.Les participants ont assisté pendant une heure à une séance d’informations sur le régime cétogène, et les chercheurs leur ont donné accès à un coach en santé, à des livres de cuisine ou encore à des recettes. À lire aussi: Schizophrénie: une nouvelle cible thérapeutique pour certains symptômes méconnusLa Dre Sethi s’est intéressée à ce qu'elle a appelé plus tard la psychiatrie métabolique après avoir constaté que les hallucinations auditives d'un patient atteint de schizophrénie résistante au traitement avaient diminué sous l’effet d’un régime cétogène. Elle a donc mené des recherches sur les effets de ce régime sur le cerveau, y compris des études de cas sur la schizophrénie et sur les crises d'épilepsie résistantes. La chercheuse s’est ensuite interrogée sur l’impact de tels régimes sur la santé mentale.De nombreux patients de la Dre Sethi souffrent à la fois d’obésité ou de syndrome métabolique, et de maladies mentales graves, explique-t-elle. «J’avais envie de savoir si des interventions métaboliques étaient en mesure de les aider. Ils veulent plus de soutien. Ils veulent juste se sentir mieux.»Amélioration de la santé mentaleTout au long de l'essai, 14 patients ont totalement respecté le traitement, comme l'a montré le dosage des corps cétoniques dans le sang. Six étaient semi-adhérents et un n'était pas adhérent. Le groupe avec le plus fort taux d’observance a enregistré des taux plus élevés d'amélioration de la santé mentale. Selon les évaluations du Clinical Mood Monitoring, 33% des participants étaient dans un état de rétablissement au début de l'étude, et 75% l'étaient à la fin. Tous les membres du groupe avec le plus fort taux d’observance au régime étaient rétablis au bout des quatre mois.Les personnes atteintes de schizophrénie ont vu leurs symptômes s'améliorer de 32% en moyenne, selon l'échelle de cotation psychiatrique brève (BPRS, pour Brief psychiatric rating scale). De leur côté, 69% des personnes souffrant de troubles bipolaires ont vu leur état s’améliorer de plus d’un point sur l’échelle des CGI. Par ailleurs, 17% des participants ont constaté un bien-être plus important et 19% ont fait état d'un meilleur sommeil. L'étude cite les participants à propos de l’amélioration de leur qualité de vie. «Honnêtement, ce régime peut vraiment sauver beaucoup de vies. Il a sauvé la mienne et m’a aidé à stabiliser mon humeur. Sans Keto, je ne serais pas ici aujourd'hui», confirme l’un des participants. Un autre estime que «la possibilité de participer [à cette étude] a changé ma vie. J'ai appris des choses, je suis redevenu valide et les symptômes de mes troubles de l'humeur et de l'alimentation se sont considérablement atténués. Je suis redevenu sexuellement actif après 16 ans de célibat.»Amélioration du métabolismeEn moyenne, les personnes qui ont suivi le régime ont perdu 12% de leur poids, 13% de leur tour de taille et 36% de leur tissu adipeux viscéral. Ils ont également enregistré une baisse de 27% de leur HOMA-IR (modèle d'évaluation de l'homéostasie pour estimer la résistance à l'insuline) et leur taux de triglycérides a baissé de 25%. La résistance à l'insuline et l'obésité sont des effets secondaires courants des médicaments antipsychotiques, qui peuvent amener certains patients à arrêter leur traitement. À lire aussi: La carence en fer aggraverait des maladies mentalesLes personnes souffrant de troubles mentaux majeurs présentent un risque plus élevé de diabète de type 2 et meurent prématurément, principalement de maladies cardiovasculaires. Et la résistance à l'insuline, qui a été associée à la schizophrénie, peut contribuer aux troubles cognitifs. Les chercheurs estiment aujourd’hui que d’autres études sont nécessaires, y compris des essais contrôlés randomisés, sur le régime cétogène et les personnes atteintes d'une maladie mentale grave, ainsi que sur le lien entre santé mentale et métabolique. «Ce que nous mangeons affecte le cerveau», assure la Dre Sethi. «Notre régime a des effets sur nos capacités cérébrales, notre cognition. Sur le plan mécanique, nous essayons de mieux comprendre pourquoi, mais ce projet pilote prouve que c’est une intervention encourageante au bénéfice des patients, qu’il s’agisse de ses résultats sur le plan psychiatrique, métabolique ou de ses effets sur les symptômes de santé mentale.»

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