Arrêter un traitement amaigrissant à long terme comme le Wegovy, une illusion?

De nombreux patients souhaitent interrompre leur traitement pour la perte de poids mais craignent, à juste titre, de reprendre les kilos perdus et de revenir à leurs anciennes habitudes; une peur d'ailleurs justifiée par plusieurs essais cliniques. Alors au lieu d’arrêter net leur médication, certains parient sur des stratégies bien à eux, comme le fait d’espacer les doses, de prendre le médicament de manière discontinue ou encore de le reprendre en cas de besoin après l’avoir arrêté.«Pour moi, c'est une aide, une assistance», confie Donna Cooper, 62 ans, habitante de Front Royal, en Virginie. Elle a perdu près de 20 kilos en neuf mois grâce à Wegovy, combiné à un régime et à de l’exercice physique. «Mais à un moment donné, il faut arrêter. Je ne veux pas les prendre pour toujours.»Plus de 3 millions d'ordonnances pour ces nouveaux médicaments sont délivrées chaque mois aux États-Unis, selon des données récentes de la société de technologie de la santé IQVIA. Il s'agit du sémaglutide, analogue du GLP-1 contenu dans l’Ozempic et le Wegovy, et du tirzépatide, la molécule contenue dans Mounjaro et Zepbound.À lire aussi: Obésité: aider les patients à trouver leur poids idéalMais nombreux sont ceux qui abandonnent leur traitement en cours de route. Selon une étude récente publiée dans la revue Obesity, seuls 40% des patients s’étant vus prescrire et délivrer du Wegovy en 2021 ou 2022 le prenaient encore un an plus tard.Les médecins spécialistes de l’obésité soulignent pourtant qu'il s'agit d'une maladie chronique nécessitant une prise en charge sine die, à l’instar des maladies cardiaques ou de l'hypertension artérielle. Ces nouveaux médicaments injectables agissent en imitant les hormones de l'intestin et du cerveau qui régulent l'appétit et la sensation de satiété. Ils ont été conçus – et testés – pour être pris en continu, rappellent les experts.«Nous ne sommes pas un magasin d'injections, s’agace le Dr Andres Acosta, chercheur spécialiste de l'obésité et conseiller médical à la Mayo Clinic de Rochester (Minnesota). Selon moi, ces médicaments ne devraient pas être pris de manière intermittente. Ils n’ont pas été approuvés pour cela et ne fonctionnent pas de cette manière.»Malgré ces consignes, certains patients ayant atteint leurs objectifs de santé et de poids grâce à ces médicaments cherchent tout de même une voie de sortie, affirme la Dre Amy Rothberg, endocrinologue à l'Université du Michigan, qui dirige un programme de gestion du poids et de traitement du diabète. «Ils sont nombreux à vouloir diminuer leurs doses, pour à terme arrêter leur traitement», ajoute-t-elle.«Souffler un peu»«Les raisons d’interrompre un traitement sont multiples, estime la Dre Katherine Saunders, experte en obésité pour la Weill Cornell Medicine, établissement d’enseignement basé à New-York, et cofondatrice de la société Intellihealth, spécialisée dans le traitement de l'obésité. Certains patients n'apprécient pas les effets secondaires comme les nausées et la constipation. D'autres veulent arrêter pour les vacances ou une occasion spéciale – ou tout simplement parce qu'ils ne veulent pas subir les piqûres hebdomadaires pour le reste de leur vie.»L'un des patients de la Dre Saunders, un New-Yorkais de 53 ans, a perdu plus de 70 livres l'année dernière en utilisant Mounjaro. Il a alors confié à sa médecin vouloir «souffler un peu» pour voir comment son corps réagirait à l’absence de traitement. Sur les conseils de la Dre Saunders, il a alors espacé ses injections de 10 jours ou deux semaines, au lieu d'une semaine, depuis le mois de décembre.D'autres patients ont été contraints de rationner ou d'arrêter de prendre leurs doses parce que les médicaments leur coûtent trop cher – 1000 à 1300$US par mois aux États-Unis – et que la couverture d'assurance varie, ou parce que la demande a largement dépassé l'offre, observe la Dre Amy Rothberg. «C’est une situation qu’ils subissent, et ces patients n’ont pas d’autre choix que d’arrêter leur traitement et de se débrouiller autrement», a-t-elle déploré. À lire aussi: Le corps dispose déjà d'un système intégré de perte de poids qui fonctionne comme l’Ozempic ou le MounjaroMais les experts sont formels: espérer que les bienfaits des médicaments perdurent même après l’arrêt du traitement serait ignorer la biologie fondamentale de l'obésité. En effet, la maladie affecte la façon dont le corps traite et stocke l'énergie, ce qui entraîne une accumulation de poids. Les nouveaux médicaments modifient ce processus, mais lorsque les patients arrêtent de les prendre, la maladie réapparaît, souvent en force.De nombreuses personnes en cessation de traitement font ainsi état d’une forte augmentation des symptômes de l'obésité. Ils évoquent notamment ce que l'on appelle «le bruit de la nourriture» ou les pensées intrusives liées à la nourriture, mais aussi de violentes fringales et une diminution de la sensation de satiété lorsqu'ils mangent.«Ces médicaments ne sont qu'un super-suppresseur de ces signaux naturels, alerte la Dre Rothberg. Et nous devons nous attendre à ce que de telles conséquences se produisent.»En Floride, Tara Rothenhoefer, 48 ans, a perdu plus de 200 livres après avoir participé à un essai clinique sur le Mounjaro il y a près de quatre ans. Elle prend désormais la dose la plus faible du médicament toutes les quatre à huit semaines, mais s'inquiète lorsque son poids fluctue de quelques kilos. «Je suis terrifiée à l'idée de voir les chiffres augmenter sur ma balance», souffle-t-elle.À lire aussi: Les médicaments officiellement indiqués pour l’obésité au CanadaCertains patients qui arrêtent les médicaments et les reprennent ensuite se rendent compte qu'ils ne les tolèrent plus, et finissent par souffrir de graves effets secondaires gastro-intestinaux, révèle le Dr Andres Acosta. D'autres encore trouvent que les médicaments n'agissent plus aussi bien qu’avant. Mais il n'existe à ce jour aucunes données sur les effets à long terme d’un usage intermittent.«Cela pourrait être une option pour certains patients, même si je ne pense pas qu’il s'agisse d'une stratégie efficace pour la plupart d’entre eux», indique la Dre Saunders.Donna Cooper, elle, a entendu dire que les gens reprenaient du poids lorsqu'ils arrêtaient les médicaments, mais elle espère encore être une exception. La sexagénaire en est à sa dernière boîte d'injections de Wegovy. Une fois qu'elle l’aura terminée, elle assure qu’elle continuera de suivre un régime strict et à faire de l'exercice. «J'avais juste besoin d'une béquille pour me mettre sur de bons rails, argue Donna Cooper, passée d'une taille 16 à une taille 10. Et je suis ravie d'en avoir terminé.»

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