Vous avez dit santé durable?

Si l’expression est sur toutes les lèvres depuis déjà quelques années, sait-on vraiment ce qu’est la «santé durable»? Thomas Bastien, directeur général de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) nous en donne une première idée: «faire que les personnes vivent bien». Mais encore? «D’après nous, mieux vaut prévenir la maladie que seulement la guérir, pour avoir une population et un système de santé, en santé.» Le ton de ce deuxième Sommet de la santé durable est donné. Organisé simultanément à Montréal, à Québec et en ligne les 30 et 31 janvier derniers, l’événement a permis d’aborder des thèmes aussi divers que la gouvernance en santé, la crise des surdoses, la pauvreté, le bien-être des aînés et le juste usage des médicaments. La prévention, enjeu crucial pour soulager le système de santé«Ce sommet met en avant des initiatives de terrain et des histoires vécues, poursuit Thomas Bastien. Nous sommes plus forts en réseau, et cette deuxième édition nous a permis de bâtir une équipe davantage pluridisciplinaire. Beaucoup d’autres événements portent sur la maladie, mais pas dans une optique de solutions et de qualité de vie de la population comme ce que nous prônons.»Une discussion plus que nécessaire, si l’on en croit l’intervention inaugurale de Carole Jabet, directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec Santé (FRQS). «L’organisation de nos sociétés en termes de soins et de services ne permettent pas de soutenir convenablement la santé humaine»Carole Jabet insiste sur la nécessité de promouvoir la prévention et les interventions précoces avec une meilleure prise en compte des déterminants de santé au-delà du champ biomédical (facteurs socioéconomiques, génétique, prestations en soins de santé) et une transformation des corridors de services notamment, afin d’y inclure de nouveaux acteurs. En bref, un changement de paradigme total.À lire aussi: Saines habitudes de vie: comment les faire enfin adopter par les patients?Mais le Sommet sur la santé durable n’est pas qu’un lieu de discussions et d’échange d’idées. L’ASPQ veut agir concrètement sur les politiques actuelles et semble avoir l’attention du ministre de la Santé, Christian Dubé, dernier invité (surprise, et en virtuel) de ces deux jours: «nous devons changer la culture dans notre réseau de la santé et de services sociaux, et réduire la pression sur le personnel et le système de santé, pour le rendre plus durable», a-t-il affirmé. À lire aussi: Prévenir les cancers du col de l’utérus une dose à la foisLe ministre a réitéré son ambition d’être «proactif en matière de prévention», enjeu majeur de la santé québécoise 3.0. David Raynaud, gestionnaire principal Québec – Défense de l’intérêt public, Société canadienne du cancer, expliquait par exemple que «la prévention permet de détecter de manière précoce quatre cancers sur 10, donc d’améliorer la survie des patients et de désengorger le système de santé». Un message porté par d’autres invités politiques présents sur la scène du Jardin botanique, comme Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, et Horacio Arruda, sous-ministre adjoint en prévention, promotion, planification et protection en santé publique à la Direction générale de la santé publique. «La nécessité de réduire la pression sur le système de santé fait consensus»Des prises de parole engageantes pour Thomas Bastien. «Le ministère doit se repositionner. La nécessité de réduire la pression sur notre système de santé fait consensus aujourd’hui. Nos urgences sont en surcapacité alors que nous ne sommes même pas en situation exceptionnelle, ça ne peut pas durer.» Selon les dernières données d’Index Santé, le taux d’occupation actuel des urgences au Québec est de 121%. Le président de l’ASPQ voit ainsi d’un très bon œil la création imminente de Santé Québec: «c’est une opportunité incroyable de revoir notre vision de la maladie, de la prendre en charge et de la guérir, dans un monde aujourd’hui construit en silos». L’association appelle par ailleurs à une meilleure gestion du budget de la santé et à la création d’un organisme consultatif dédié à la prévention et à la promotion de la santé. «La moitié du budget de la santé est aujourd’hui alloué à la gestion de la maladie. Mais on peut diminuer le besoin et la dépense en soins tout en continuant d’offrir de bons services, en investissant davantage dans la prévention et la promotion de la santé», poursuit Thomas Bastien. «Il faut agir davantage sur les causes évitables des maladies. L’une des principales est la pauvreté. Investir dans l’éducation, dans la jeunesse, dans la lutte contre les iniquités, c’est donc assurer une meilleure santé et un meilleur avenir.» Et après? Si Thomas Bastien assure qu’une troisième édition du Sommet est déjà en préparation, il ne peut pas en dire davantage sur la forme qu’elle prendra. En attendant, la Semaine de la santé durable aura lieu à Gatineau du 1er au 7 avril (accessible en virtuel). «Nous devons poursuivre la conversation», assure le président de l’ASPQ.

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