Violence conjugale: une médecin souhaite sensibiliser ses collègues

Dans le but de faire «ouvrir les yeux» à ses collègues sur ce fléau, la Dre Liliane Brassard a décidé de mettre sur pied une formation sur le sujet avec l’aide de Claudine Thibaudeau, travailleuse sociale et responsable de la formation et du soutien clinique de l'organisme SOS violence conjugale. «Nous voulions sensibiliser les médecins et leur dire que la violence conjugale est beaucoup plus fréquente qu’ils ne le pensent. Nous avons un rôle à jouer dans le dépistage de ces patientes», explique la Dre Brassard qui pratique à l’Hôpital Sainte-Croix à Drummondville. À lire aussi: Violence conjugale: le signalement obligatoire, une fausse bonne idée Dans la dernière année, l’Organisation mondiale de la santé a estimé qu’il y a eu une augmentation de 20 à 30 % de la violence conjugale, subie majoritairement par les femmes, partout sur la planète. Une statistique inquiétante lorsqu’on sait que ce problème social était déjà bien présent avant la crise sanitaire et le confinement. En effet, une femme sur trois disait avoir été victime de violence conjugale au moins une fois dans sa vie. De son côté, SOS violence conjugale a reçu 30 000 demandes d’aide pour le Québec en 2020, un chiffre en forte hausse depuis les trois dernières années. Ce problème est tellement répandu que le médecin doit pratiquement toujours garder en tête que la patiente devant lui peut subir ou a déjà subi de la violence conjugale à la maison. «Il faut vraiment y penser surtout pour une patiente qui consulte à répétition pour des symptômes pas toujours clairs, par exemple», mentionne la Dre Liliane Brassard. Ne pas chercher à jouer au sauveur Plusieurs femmes ne parleront pas de leur situation familiale, soit parce qu’elles ont honte ou ne reconnaissent pas qu’il s’agit de violence conjugale. C’est pourquoi le médecin doit explorer la relation conjugale de la patiente sans toutefois lui demander directement si elle subit de la violence conjugale afin de ne pas la braquer. Lorsque la patiente lui confie vivre une telle situation, la Dre Brassard conseille aux médecins de ne jamais tomber dans le jugement et de rester ouverts d’esprit. «Ça ne sert à rien de pousser la patiente à rompre avec son partenaire, ce n’est pas notre rôle de faire ça. Il faut plutôt l’accompagner et la diriger vers les bons services.» Selon l’obstétricienne-gynécologue, le rôle du médecin n’est pas d’être un sauveur, mais plutôt d’être une personne de confiance qui peut l’aider. Surtout que plusieurs femmes vivant cette situation sont isolées par leur partenaire; le médecin représente alors bien souvent la seule personne-ressource de confiance dans leur entourage. Selon la Dre Brassard, les facultés forment peu les médecins à dépister et à répondre aux victimes de violence conjugale. C’est pourquoi la formation qu’elle a créée est d’autant plus pertinente. L’importance de bien dépister La violence conjugale peut entraîner de l’anxiété, de l’insomnie, une dépression ou un stress post-traumatique, entre autres. Des études avancent que les victimes consultent de deux à trois fois plus le médecin de famille que ceux qui n’en sont pas victimes. Sans parler des visites à l’urgence plus nombreuses chez ces femmes. Un bon dépistage du médecin permet donc de mieux comprendre et de mieux traiter les problèmes chroniques de la patiente. «Savoir que la patiente vit de la violence conjugale peut clairement augmenter votre lien thérapeutique et vous permettre d’être plus efficace dans vos interventions», indique l’obstétricienne-gynécologue. Par exemple, celle-ci affirme que son approche lors d’un l’examen physique sera différente si elle sait que la patiente a été violée ou a subi des violences sexuelles. La Dre Liliane Brassard poursuivra son travail de sensibilisation auprès de ses collègues dans les prochains mois notamment en mettant sur pied une deuxième formation sur le sujet.

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