Une pharmacienne remplaçante sanctionnée pour avoir négligé la seconde phase du traitement d’une patiente

Le manque d’habiletés avec un logiciel de gestion des dossiers patients d’une pharmacie n’est pas un argument valable pour justifier d’être passé à côté d’une ordonnance. C’est en substance la conclusion du Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec qui vient de sanctionner Mélanie Caouette, une pharmacienne chevronnée. Ses «15 années d’expérience professionnelle auraient dû l’alerter et l’amener à procéder à une vérification plus poussée, notamment avec les outils informatiques Vigilance ou Up to date, ou même de s’informer auprès de ses collègues». Quant à son manque de connaissances de RxPro, il «aurait dû l’amener à demander de l’aide pour naviguer dans celui-ci ou à carrément refuser le mandat d’effectuer un remplacement dans cette pharmacie», jugent ses pairs.Le 23 janvier 2023, la mère d’une enfant âgée de 11 ans se présente à la pharmacie Catherine Sanche et Alain Plourde, exploitée sous la bannière Brunet à Lévis. Sa fille a reçu un diagnostic de colite ulcéreuse et son médecin lui a remis une ordonnance consistant à amorcer le traitement avec de la prednisone en dose décroissante pendant sept semaines puis, à compter de la quatrième semaine — lorsque la dose de 20 mg par jour de prednisone est atteinte —, d’ajouter un anti-inflammatoire intestinal, soit du MezavantMD ou du PentasaMD.La mère est servie par une pharmacienne qui lui délivre la prednisone en lui donnant des explications complètes sur l’administration du médicament ainsi qu’un calendrier pour son dosage. Elle lui demande également de contacter la pharmacie le 13 février 2023 afin d’amorcer la deuxième phase du traitement. Une note à cet effet est alors consignée dans le dossier de la jeune patiente.Comme convenu, la mère appelle la pharmacie le 13 février et c’est Mélanie Caouette qui prend l’appel. Elle lui demande quel médicament sa fille doit commencer à prendre. La pharmacienne lui répond qu’elle ne doit pas prendre d’autre traitement et qu’il faut continuer de lui donner la prednisone et ensuite le CortefMD, un corticostéroïde. La mère insiste, mais la pharmacienne réitère qu’aucun autre médicament ne figure au dossier de sa fille.Le 15 mars 2023, une fois le traitement de prednisone terminé, la patiente présente à nouveau des symptômes de colite ulcéreuse. Sa mère téléphone aussitôt au gastro-entérologue qui suit sa fille, ainsi qu’à la pharmacie. Elle parle cette fois-ci à la pharmacienne qu’elle a rencontrée lors de sa première visite à la pharmacie, le 23 janvier. Cette dernière se rend compte que le MezavantMD, ou le PentasaMD n’ont pas été introduits dans la thérapie médicamenteuse. Le gastro-entérologue va alors ajuster sa prescription en conséquence afin de reprendre le schéma thérapeutique prévu.À l’audience, Mélanie Caouette a reconnu les faits et plaidé coupable en reconnaissant qu’elle a contrevenu à l’article 33 du Code de déontologie des pharmaciens qui stipule: «Lorsqu’il fournit un service pharmaceutique à un patient, le pharmacien doit évaluer et assurer l’usage approprié de sa thérapie médicamenteuse afin notamment de détecter et de prévenir les problèmes pharmacothérapeutiques.»Lire aussi: Une pharmacienne propriétaire radiée pour ventes factices de médicamentsApprentissage «sur le tas»La professionnelle indique qu’au moment des faits, elle était en attente de déménager en France. Elle travaillait alors l’équivalent d’une journée par semaine pour une agence qui l’envoyait faire des remplacements dans diverses pharmacies. Dans sa pratique, la pharmacienne utilisait le logiciel Assyst Rx, mais elle a admis qu’elle était peu familière avec RxPro, le logiciel utilisé par la pharmacie Catherine Sanche et Alain Plourde. Elle dit qu’elle était capable de consulter un dossier patient, mais qu’elle ne connaissait pas «toutes les fonctionnalités et les apprenait “sur le tas”», peut-on lire dans la décision du Conseil de discipline de l’OPQ.Le 13 février 2023, Mélanie Caouette ne se souvient pas d’avoir analysé l’ensemble du dossier de la patiente avant de prendre l’appel de sa mère. Elle concède qu’elle n’a pas été en mesure de le consulter dans RxPro et qu’elle ignorait donc la condition médicale de la patiente lors de sa discussion avec sa mère.Pour le Conseil, peu importe ses habiletés informatiques. La professionnelle a commis «un manquement grave, en lien avec la profession puisque (son infraction) concerne le fondement même de l’exercice de la profession. [...] En ne vérifiant pas l’ensemble du dossier de (la patiente), et ce, bien que la mère de l’enfant téléphone justement pour demander de préparer le deuxième médicament, (elle) manque à son devoir d’évaluer l’usage approprié pour ainsi détecter et prévenir les problèmes liés à son utilisation.»Ses pairs soulignent en outre que Mélanie Caouette a admis qu’elle n’était pas familière avec la maladie dont souffrait la patiente. «Or, son expérience aurait dû l’amener à s’informer de la thérapie médicamenteuse utilisée dans ce cas.»Lire aussi: Un pharmacien coupable d’avoir obtenu de la clientèle par l’intermédiaire de deux hôpitauxDans ces circonstances, la syndique de l’OPQ a plaidé pour que la pharmacienne se voie imposer une amende de 6000$, une sanction au-dessus de la fourchette des sanctions imposées en semblable matière. Elle estime que la professionnelle a fait preuve d’une «insouciance grossière» et «même d’un aveuglement volontaire» du fait qu’elle a accepté un mandat dans une pharmacie utilisant un logiciel qu’elle connaît peu et parce qu’elle a omis de s’informer au sujet de la thérapie médicamenteuse requise pour le traitement d’une maladie inflammatoire du colon chez un enfant.L’intéressée a pour sa part plaidé pour une amende de 3000$. Malgré la «gravité objective» de son infraction, le Conseil de discipline a estimé que les faits ne justifiaient pas de lui imposer une amende supérieure à la fourchette des sanctions imposées en pareil cas dans les deux dernières années. Mélanie Caouette devrait ainsi s’acquitter d’une amende de 5000$ dans un délai de trois mois, comme celle-ci le demandait.Ses pairs ont notamment considéré que son risque de récidive est faible étant donné que la pharmacienne vit maintenant en France et qu’elle ne compte pas revenir au Québec de sitôt. Ils soulignent par ailleurs que la pharmacienne a exprimé des remords et des regrets, qu’elle s’est livrée à une introspection et qu’avant de partir en France, elle n’avait accepté que des remplacements dans des pharmacies qui utilisaient le logiciel Assyst Rx.

Une pharmacienne remplaçante sanctionnée pour avoir négligé la seconde phase du traitement d’une patiente

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes