Une pharmacienne change de vie pour en métamorphoser d'autres

«Nous n’avons jamais, jamais pensé que nous ferions quelque chose comme ça. Ce n’était pas dans nos plans; ça nous est tombé dessus», raconte Sandy Hewitt qui ne s’était jamais douté qu’une émission télé changerait un jour sa vie. Début octobre 2014, la pharmacienne communautaire regarde 60 minutes sur CBS avec son mari Larry. Un reportage est diffusé sur l’ONG Mercy Ships et ses activités en Afrique. «Les images de ces enfants aux visages déformés par des tumeurs nous ont profondément déchirés et on a été vraiment impressionnés par le travail des bénévoles», se remémore la Britanno-Colombienne. Surtout, elle a réalisé que ses compétences professionnelles pouvaient secourir des gens ayant des conditions désespérées. «C’est facile pour les médecins et les infirmières de partir en mission humanitaire, beaucoup moins pour les pharmaciens», souligne la quinquagénaire en se souvenant avoir consulté dès la fin de 60 minutes les annonces de bénévolat sur le site Internet de Mercy Ships. Un an plus tard, Sandy et Larry, qui est technicien biomédical, mettaient le cap sur Madagascar pour embarquer sur l’Africa Mercy, le navire hôpital de l’ONG: «On a attendu que notre cadette finisse son secondaire, puis on a quitté nos emplois, vendu notre maison à Prince George et on est partis.» À lire aussi: Et vogue la médecine solidaire Au départ, le couple s’était engagé pour deux missions de dix mois, d’abord à Madagascar puis au Bénin. Sauf que cette nouvelle vie va tellement les combler qu’ils rempileront trois années de suite et se rendront au Cameroun (en 2018), en Guinée (en 2019) et finalement au Sénégal (début 2020) où leur mission sera écourtée en raison de la COVID-19. «On a trouvé du sens à nos métiers», explique simplement Sandy Hewitt. Cinq ans durant, elle va ainsi officier sur l’Africa Mercy comme pharmacienne principale. Elle y supervisait notamment les trois autres pharmaciens à bord, mais sa mission première consistait à veiller sur les stocks de médicaments. «Je m’assurais qu’on ait sur le navire la bonne médication au bon moment.» Une tâche plus compliquée qu’il n’y paraît en raison de la diversité des chirurgies pratiquées sur le navire, de leur planification serrée et des conditions d’approvisionnement. «Ce n’est jamais évident d’expédier des médicaments en Afrique. Il fallait que je les commande au moins quatre mois à l’avance pour parer aux nombreuses éventualités qui peuvent se présenter», indique la pharmacienne qui a découvert sur le tas, en mode solutions, les subtilités des douanes locales. Une métamorphose pour les patients Aujourd’hui, elle s’apprête à passer le relais en formant son successeur sur l’Africa Mercy depuis Toronto, où le couple réside depuis son retour précipité de Dakar en mars 2020. «À notre arrivée, Larry a fait un arrêt cardiaque, alors on ne va pas repartir en mission, mais on va aider autrement», signale Sandy Hewitt qui coordonne désormais les opérations de pharmacie de l’ONG. À lire aussi: Renouer avec l’esprit originel de la médecine Outre la dévotion de l’équipage et la franche camaraderie à bord, la pharmacienne se souvient surtout de ces dizaines et dizaines de patients dont elle a contribué à transformer le quotidien du tout au tout, particulièrement de ces femmes atteintes de fistule obstétrique: «Elles sont ostracisées par leurs familles et bannies de leur communauté. Quand elles arrivent sur le navire, on peut voir dans leurs yeux et sur leurs visages la tragédie qu’elles vivent. Les soins qu’on leur donne les métamorphosent, et on constate très vite qu’elles retrouvent le goût de vivre. Leur joie est formidable à voir.»

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