Une ophtalmologiste radiée pour suivi inadéquat d’une opération de la cataracte

D’ordinaire, la Dre Barbara Teboul opère ses patients les mercredis au Centre hospitalier de St. Mary, à Montréal, et elle effectue ses suivis postopératoires le lendemain, durant sa journée de clinique du jeudi. Le 21 septembre 2015, l’ophtalmologiste a dérogé à son habitude en procédant à une exérèse de cataracte un lundi, tout en maintenant le rendez-vous de suivi le jeudi suivant. Dans l’intervalle, la patiente a eu une complication qui a nécessité une chirurgie pour éliminer une infection intraoculaire.Poursuivie en déontologie neuf ans après, la médecin vient d’être radiée un mois par le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (CMQ) pour «suivi inadéquat». Une sanction prononcée conformément à la recommandation conjointe présentée par la syndique et la Dre Teboul, qui a plaidé coupable en faisant preuve «d’un remords et d’un repentir sincère», signale la décision du Conseil qui souligne également «qu’elle a pris très au sérieux les événements faisant l’objet de la plainte, qu’elle a réfléchi à sa pratique, tout en y apportant des modifications».Ce 21 septembre 2015, l’ophtalmologiste opère une femme pour une cataracte de l’œil droit, après l’avoir opérée de l’œil gauche le mois précédant, sans aucune complication. Lors de la chirurgie survient une rupture de la capsule postérieure avec perte de vitrée, une complication banale liée à un risque inhérent à la chirurgie de cataracte. La Dre Teboul procède alors à une vitrectomie antérieure et à l’insertion d’une lentille intraoculaire.À la fin de l’opération, la clinicienne applique des gouttes antibiotiques pour diminuer le risque d’infection et prescrit à sa patiente de l’acétazolamide pour réduire le risque de pression oculaire élevée. Elle lui donne rendez-vous trois jours après en lui conseillant de se rendre à l’urgence si elle ressent de la douleur ou constate de la rougeur, une baisse de la vision ou l’apparition soudaine de corps flottants.Victime de douleurs, de nausées et de vomissements, la femme se présente à l’urgence du Centre hospitalier St. Mary le lendemain. Relevant une pression intraoculaire élevée, l’ophtalmologiste de garde la traite avec des agents hypotenseurs puis lui donne un rendez-vous de suivi le mercredi matin. Lors de celui-ci, il observe une inflammation de l’œil qui lui fait craindre une endophtalmie. La patiente est alors référée le jour même à l’Hôpital général juif où elle reçoit des injections d’antibiotiques intraoculaires puis subit une chirurgie pour éliminer l’infection.La décision du Conseil mentionne qu’«on ne saurait conclure que le sort de la patiente […] aurait été différent si (la Dre Teboul) avait prévu un rendez-vous de suivi le lendemain de la chirurgie. L’endophtalmie se présente généralement entre trois à cinq jours suivant la chirurgie.» Cependant, les lignes directrices canadiennes sur la chirurgie de la cataracte, qui datent de 2008, recommandent un suivi postopératoire dans les 24 à 48 heures et dans les 24 heures, en cas de complications. Par ailleurs, «le formulaire d’ordonnance de l’hôpital prévoyait un suivi le lendemain de la chirurgie, ce qui reflète la norme de pratique», a noté lors de l'audience la syndique-adjointe du CMQ qui s'est occupée de ce dossier disciplinaire. Cette dernière conclut ainsi à un «suivi inadéquat de la patiente», une infraction intrinsèquement grave qui risque, selon elle, de «miner la confiance du public envers la profession». La syndique-adjointe ajoute qu’elle «s’attendait à ce que (l’ophtalmologiste), qui n’est pas novice [elle est inscrite au tableau de l’Ordre depuis 1996], en plus d’être chargée de cours à l’Université de McGill, adopte une conduite conforme à cette norme». Elle rappelle enfin que l’obligation de suivre un patient est «intimement liée à son traitement, d’autant plus lorsqu’il fait l’objet de complications au moment de la chirurgie».Lire aussi: Culpabilité confirmée, amende minorée pour un ophtalmologisteDes circonstances particulièresEn accord avec le portrait dressé par la syndique, la Dre Teboul estime qu’elle n’a pas été négligente. Sans nier sa responsabilité — elle a admis sa culpabilité à la première occasion —, la médecin explique que la situation en question, en plus d’être isolée, «découle de circonstances particulières» puisqu’elle a exceptionnellement opéré sa patiente un lundi en lui prévoyant un rendez-vous de suivi postopératoire lors de sa journée de clinique le jeudi, soit trois jours plus tard. Depuis, elle a pris des dispositions pour qu’une telle situation ne se reproduise pas. Convaincue de l’introspection effectuée par l’ophtalmologiste, dont elle a qualifié la collaboration à son enquête «d’excellente, voire optimale», la syndique-adjointe du CMQ est d’avis que le processus disciplinaire a déjà eu l’effet escompté sur la Dre Teboul. Elle évalue que son risque de récidive est «très faible».Des arguments qui ont convaincu le Conseil de discipline d’entériner la recommandation conjointe qui lui a été présentée le 15 mai dernier. La radiation temporaire d’un mois de la Dre Teboul sera effective à compter du vendredi 19 juillet 2024, à moins qu’elle ne fasse d’ici là appel de la décision, ce qui, au vu de son attitude durant l’enquête et à l’audience, semble improbable.

Une ophtalmologiste radiée pour suivi inadéquat d’une opération de la cataracte

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