Une maladie cardiaque n’est pas détectée chez un diabétique sur trois

En utilisant des biomarqueurs qui détectent les maladies cardiaques, des chercheurs ont découvert qu’une personne sur trois souffrant de diabète de type 2 (DT2) est atteinte d’une maladie cardiovasculaire subclinique. Ce constat pose la question de savoir si un dépistage plus poussé est justifié chez ces patients-là. «Notre étude est la première à montrer le fardeau élevé des maladies cardiaques précoces chez les adultes américains atteints de diabète, qui atteint 33%. Nous soulignons également l’utilité potentielle d’un dépistage de routine pour évaluer le risque chez ces patients», indique le coauteur de l’étude, Michael Fang, qui est professeur adjoint à l’École de santé publique Johns Hopkins Bloomberg, à Baltimore. L’étude en question, qui a utilisé les données de l’Enquête nationale sur la santé et la nutrition (NHANES, pour National Health and Nutrition Examination Survey) de participants ayant des mesures valides du peptide NT-proBNP, de la troponine hs-cTnT et des covariables, a été publiée dans le Journal of the American Heart Association. Le NHANES est un programme d’études conçu pour surveiller la santé de la population américaine, qui a débuté dans les années 1960. Alors qu’un rapport de consensus publié en 2022 par l’American Diabetes Association (ADA) recommandait un dépistage annuel de la hs-cTnT et du NT-proBNP (deux indicateurs de lésions cardiaques) pour faciliter la détection précoce, cette étude était nécessaire pour examiner une population plus représentative à l’échelle nationale. En même temps, les recommandations de dépistage de l’ADA «ne s’alignent pas sur certaines autres lignes directrices. Par exemple, les directives en cardiologie ne recommandent pas actuellement le dépistage systématique des biomarqueurs cardiaques dans la population générale, en raison du manque de preuves issues d’essais cliniques», souligne M. Fang par courriel. La plupart des recherches antérieures aux recommandations de l’ADA ont été menées sur des adultes blancs d’âge moyen ou plus âgés. Mais cette étude, qui s’appuie sur des données nationales, portait sur une population plus large. Les chercheurs ont utilisé les données de 10 304 adultes (parmi lesquels les femmes n’étaient pas enceintes), âgés de 20 ans ou plus, n’ayant pas déclaré de maladie cardiovasculaire entre 1999 et 2004. Parmi eux, 9273 ne souffraient pas de diabète (dont 47,1% d’hommes) et 1031 en souffraient (dont 51,1% d’hommes). Les non-diabétiques étaient plus jeunes et appartenaient à la catégorie des 20 à 44 ans (56,5% des non-diabétiques contre 21,3% des diabétiques). Au total, 31,3% des adultes non-diabétiques, contre 48,7%, étaient âgés de 45 à 64 ans, et 12,2% contre 30% des diabétiques étaient âgés de 65 ans ou plus. Une plus grande partie des diabétiques (53,3%), avaient un IMC de 30 kg/m2 et plus, comparé à 28,7% des non-diabétiques. Des différences particulièrement prononcées pour le taux de hs-cTnT Des données sur la mortalité ont également été obtenues. Le diabète a été confirmé par le taux d’HbA1c et sa durée a été prise en compte dans les différentes analyses de l’étude. Les taux de NT-proBN et de hs-cTnT ont été mesurés à partir d’échantillons de sérum conservés entre 2018 et 2020. Les maladies cardiovasculaires (MCV) subcliniques ont été définies comme ayant des niveaux élevés de troponines hs-cTnT (14 ng/L ou plus) ou de peptide NT-proBNP (125 pg/mL ou plus). Lire aussi: Vitamine K et diabète: une découverte prometteuse à Montréal Les résultats ont montré que 7% des individus sans antécédents de MCV étaient diabétiques. Mais, dans l’ensemble de la cohorte, les diabétiques étaient généralement plus âgés et présentaient un plus grand nombre de facteurs de risque cardiovasculaire. En ce qui concerne les taux de NT-proBN et de hs-cTnT, les niveaux médians des deux biomarqueurs étaient significativement plus élevés chez les diabétiques que chez les non-diabétiques. En fait, la prévalence de toute MCV subclinique, mise en évidence par des biomarqueurs élevés, était environ deux fois plus élevée chez les adultes diabétiques que chez les non-diabétiques: 33,4% contre 16,1%. «Les différences selon le statut diabétique étaient particulièrement prononcées pour le taux élevé de hs-cTnT (19% contre 5%). La prévalence des taux élevés de hs-cTnT et de NT-proBNP était faible, mais significativement plus élevée chez les adultes diabétiques que chez les non-diabétiques (9% contre 3%)», peut-on lire dans l’étude. Dans l’ensemble, celle-ci montre aussi qu’environ un adulte diabétique sur trois présentait une MCV subclinique, dont 19% avec des niveaux élevés de hs-cTnT, 23% avec des niveaux élevés de NT-proBNP et 9% avec des élévations des deux biomarqueurs cardiaques. Une prévalence «un peu choquante» «Nous avons commencé l’étude en pensant que le pourcentage d’adultes atteints de diabète et de maladies cardiaques précoces serait élevé… Il a été un peu choquant de voir que le chiffre réel de cette prévalence est de 33%», signale Michael Fang. Bien que le dépistage de tous les adultes atteints de diabète soit, en théorie, le plus bénéfique pour la santé publique, il ne s’agit pas d’une approche rentable, ajoute-t-il. L’hypothèse est que le dépistage conduirait à une intervention et à un traitement précoces qui permettraient de retarder et de prévenir les maladies cardiovasculaires. Lire aussi: La prise d’AINS peut augmenter le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque «Des données issues d’essais cliniques seraient le meilleur moyen de vérifier si c’est le cas», observe le chercheur, en ajoutant que «les cliniciens et les décideurs politiques devront se réunir et décider du bon équilibre entre le coût et la détection pour déterminer le seuil d’âge optimal pour un éventuel dépistage». Au Canada, le dépistage de la troponine et du NT-proBNP n’est pas recommandé, selon le Dr Kim Connelly, cardiologue et professeur agrégé de médecine à l’Université de Toronto. «À ce stade, nous préférerions que les médecins procèdent à une évaluation ciblée de ces biomarqueurs (tels que la troponine et le NT-proBNP) plutôt qu’à un dépistage systématique», estime l’ancien président du comité des recommandations de la Société canadienne de cardiologie (SCC). Les lignes directrices de pratique clinique de Diabète Canada décrivent une approche permettant d’identifier les personnes atteintes de la maladie et proposent des moyens de traiter les MCV une fois qu’elles sont apparues ou, plus important encore, de les prévenir. «Ces lignes directrices, ainsi que les récentes lignes directrices de la SCC concernant l’utilisation de nouveaux agents anti-hyperglycémiques, indiquent très clairement que les personnes doivent faire l’objet d’un dépistage systématique avec une anamnèse, un examen, puis des tests en cas de symptômes inquiétants. Les lignes directrices recommandent systématiquement un traitement pour réduire le risque et indiquent clairement quand utiliser les traitements», précise le Dr Connelly. «Si les recommandations canadiennes sont suivies, il n’est pas nécessaire de procéder à un dépistage de routine, car les médecins devraient déjà avoir identifié et commencé le traitement adéquat pour réduire le risque», indique le cardiologue.

Une maladie cardiaque n’est pas détectée chez un diabétique sur trois

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes