Une femme poursuit des médecins de Toronto pour avoir prétendument ignoré le souhait du père de rester en vie

Un procès civil doit commencer cette semaine pour deux médecins accusés d'avoir ignoré le souhait d'un homme âgé de rester en vie et d'avoir imposé un ordre de non-réanimation (DNR) sans l'avoir consulté, ni lui ni sa mandataire.La poursuite réclame 2,2 millions de dollars aux docteurs Donald Livingston et Martin Chapman, qu'elle accuse de négligence ou de faute professionnelle dans le décès du vétéran de la Seconde Guerre mondiale, Douglas DeGuerre.La plainte, déposée par Joy Wawrzyniak, la fille de M. DeGuerre, allègue que les médecins sont passés outre la décision de la famille de continuer le traitement du patient.Elle invoque aussi que les médecins ont changé le niveau d'intervention médicale de M. DeGuerre de «soins maximaux» (soit faire tous les efforts raisonnables pour maintenir le patient en vie) à «ne pas réanimer», sans demander au patient ni consulter Joy Wawrzyniak, qui avait été chargée de prendre les décisions en son nom.Les avocats représentant les deux médecins n'ont émis aucun commentaire sur le procès, qui commence lundi.Les avocats de Joy Wawrzyniak ont quant à eux déclaré que l'affaire est importante dans la mesure où elle peut rappeler aux médecins qu'ils n'ont pas le droit de "se prendre pour Dieu"."Nous portons cette affaire devant les tribunaux pour signifier clairement aux médecins qu'ils sont tenus d'obtenir un consentement exprès avant de rédiger un ordre DNR», a déclaré l'avocat Barry Swadron dans un communiqué.Les deux parties s'accordent sur les antécédents médicaux de M. DeGuerre les mois précédant son décès; l'homme de 88 ans souffrait de plusieurs affections sévères en 2008, notamment de diabète, d'insuffisance rénale et de gangrène.En novembre 2007, il a signé un document désignant sa fille comme mandataire, afin qu'elle prenne des décisions sur sa santé s’il n'était pas en état de le faire.Les deux parties conviennent qu'au même moment, M. DeGuerre a signé un document indiquant qu'il ne souhaitait pas être réanimé dans le cas d'une mort imminente.La déposition de Joy Wawrzyniak affirme toutefois que M. DeGuerre a changé d'avis au cours des mois suivants et a répété à plusieurs reprises son désir d'obtenir des soins maximaux. Certaines de ces déclarations ont eu lieu après que M. DeGuerre a été admis à l'hôpital Sunnybrook de Toronto dans une aile réservée aux anciens combattants, indique le communiqué.Donald Livingston, le médecin de M. DeGuerre à l'aile des vétérans, a déclaré qu'il aurait besoin d'être amputé des deux jambes au-dessus du genou. Selon la déclaration de la poursuite, il aurait eu une discussion avec Joy Wawrzyniak, qui a déclaré que les médecins devaient tenter de réanimer son père s'il avait une crise cardiaque pendant l'opération.La demande de soins maximaux de M. DeGuerre a été réaffirmée après l'intervention, a ajouté la partie plaignante, ajoutant que les annotations au dossier reflétaient fidèlement ses souhaits.Néanmoins, quelques jours plus tard, le 22 septembre, les Drs Livingston et Chapman auraient pris les choses en main, selon la poursuite.«À l'insu de M. DeGuerre ou de la demanderesse, Livingstone et Chapman ont modifié le plan de traitement de M. DeGuerre [...] en changeant le niveau d'intervention médicale de soins maximaux à DNR», affirme l'allégation. «Le changement de niveau a été apporté… sans le consentement de DeGuerre ou de la plaignante.»La poursuite prétend que le Dr Chapman a laissé un message à Joy Wawrzyniak indiquant qu'il souhaitait discuter de l'état de son père, mais n'a fait aucune mention du changement de statut et l'informait que «rien n'avait vraiment changé».Madame Wawrzyniak s'est rendue à l'hôpital plus tard dans la journée et a découvert que son père avait des difficultés à respirer et que son état de santé se détériorait rapidement en présence du personnel médical, selon la plainte.Celle-ci allègue qu'elle a demandé à plusieurs reprises au personnel d'intervenir, pour se faire dire par le Dr Chapman que le fait de ne rien faire était «pour le bien de son père».Selon le communiqué, Joy Wawrzyniak, qui est infirmière, a essayé elle-même de lui apporter de l'aide, mais sans succès. M. DeGuerre est décédé peu de temps après.La poursuite prétend que les agissements des médecins constituent «un abus de pouvoir, une infliction intentionnelle et négligente de souffrance morale», des accusations que les deux médecins réfutent.La défense a déclaré que les médecins avaient choisi de modifier le niveau d'intervention médicale de M. DeGuerre après avoir revu son pronostic médical et avoir noté qu'il semblait souffrir de «douleurs intenses».«D'un point de vue médical, les Drs Chapman et Livingstone étaient d'accord que l'état de M. DeGuerre ne comportait aucun élément réversible», lit-on dans la déclaration de la défense.«Conformément aux politiques applicables, le Dr Chapman a entré de façon appropriée un ordre DNR dans le dossier de M. DeGuerre.»Les médecins ont déclaré que les soins reçus par M. DeGuerre étaient «prudents» et «compétents», et ont nié toute obligation de diligence envers Joy Wawrzyniak, puisqu'elle n'était pas leur patiente.Cette dernière a déjà déposé à deux reprises des plaintes auprès de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario, mais aucune n'a abouti en cour.En 2014, toutefois, la Commission d'appel et de révision des professions de la santé de la province a statué que le collège n'avait pas examiné la question clé de l'affaire.«La question dont le Comité était saisi était de savoir s'il était conforme aux normes d'exercice de la profession de rendre une telle ordonnance sans consentement (de la part de Mme Wawrzyniak)» a écrit le Comité. «En d'autres termes, qui prend les décisions relatives au plan de traitement du patient?»Selon les documents du Comité, la Collège a changé d'avis en 2015, précisant que même si les docteurs avaient fait preuve d'un bon jugement clinique, ils avaient failli à leur devoir en omettant de prévenir Madame Wawrzyniak du changement de statut de son père. Le Collège a choisi de ne pas prendre de mesures disciplinaires à l'endroit des médecins, mais a mis à jour sa politique concernant la fin de vie.

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