Une étude canadienne permet de mieux comprendre la résistance à la chimiothérapie

L'étude, publiée dans Cell Reports et menée par des chercheurs de l'Université d'Ottawa, montre, grâce à une modélisation spatio-temporelle, l'évolution de la chimiorésistance dans les tumeurs du sein, caractérisée par des changements transcriptomiques et métabolomiques dynamiques. Les chercheurs ont identifié deux gènes appelés SLC38A7 et SLC46A1, qui jouent un rôle important dans le développement de la chimiorésistance et pourraient constituer des cibles potentielles pour des traitements. Il est important de comprendre que dans une tumeur solide, il existe des concentrations de médicaments qui joue un rôle dans la chimiorésistance, explique Julie St-Pierre,vice-rectrice associée, Soutien à la recherche et à l'innovation à l'Université d'Ottawa, et professeure à la Faculté de médecine. Les cellules tumorales proches des vaisseaux sanguins reçoivent une forte concentration de médicament chimiothérapeutique et celles qui sont plus éloignées reçoivent des concentrations sublétales de médicament, ce qui permet aux cellules de mettre en place des mécanismes pour faire face au médicament, explique-t-elle. Lorsque les cellules proches des vaisseaux sanguins meurent, les autres cellules sont exposées à une concentration plus élevée de médicament, mais elles sont alors résistantes au médicament. Des études antérieures, y compris une étude du laboratoire de Julie St-Pierre publiée dans eLife en 2021, ont comparé les cellules cancéreuses sensibles à la chimiothérapie et celles qui y sont résistantes. Avec leur nouvelle méthode d'analyse, les chercheurs de l'Université d'Ottawa ont examiné des cellules cancéreuses exposées à une concentration faible, intermédiaire ou élevée de médicament chimiothérapeutique. L'équipe a modélisé une tumeur solide in vivo et a examiné les profils transcriptomiques et métabolomiques afin d'identifier des cibles thérapeutiques potentielles qui seraient pertinentes pour toutes les cellules de la tumeur. Nous avons considéré l'acquisition de la chimiorésistance comme un processus dynamique plutôt que spontané », explique Yannick Audet-Delage, premier auteur de l’étude. Cette nouvelle approche, qui consiste à considérer la chimiorésistance comme un processus dynamique, ouvre la porte à des travaux subséquents plus avancés. «Nous espérons que des études de ce type seront menées sur d'autres types de tumeurs solides», indique Julie St-Pierre. Dans l'étude de l'Université d'Ottawa, les chercheurs ont utilisé des cellules MCF7 de cancer du sein localement avancées et les ont exposées à des doses croissantes de doxorubicine ou d'épirubicine⎯deux anthracyclines couramment utilisées dans le traitement du cancer. Huit populations avec des cellules résistantes ont été créées pour chaque médicament, dont deux populations de contrôle. Des essais de compétition cellulaire par paire ont été utilisés pour tester l'évolution de la résistance à la chimiothérapie en relation avec une exposition graduelle aux médicaments chimiothérapeutiques. L'étude montre qu'une exposition antérieure à une concentration plus élevée de médicament a donné un avantage de prolifération à presque toutes les étapes de l'acquisition de la chimiorésistance, tant pour les populations résistantes à la doxorubicine que pour celles résistantes à l’épirubicine. La résistance croisée est un autre défi posé par les traitements anticancéreux. «Parfois, ces mécanismes de résistance à un composé sont similaires à la façon dont vous développez une résistance à d'autres composés, explique Julie St-Pierre. Cela crée un défi clinique assez important.» L'étude montre que les cellules résistantes à la doxorubicine et à l'épirubicine ont présenté une résistance au paclitaxel, un autre médicament de chimiothérapie de première ligne utilisé dans le traitement du cancer du sein. Cependant, les populations aux cellules résistantes à la doxorubicine et à l'épirubicine sont restées sensibles au traitement de deuxième intention, la gemcitabine. Pour trouver des cibles thérapeutiques pertinentes pour tous les groupes à l'étude, les chercheurs ont étudié les profils transcriptomiques et métabolomiques (intracellulaires et extracellulaires) au cours des différentes étapes de l'acquisition de la chimiorésistance. Ils ont ainsi mis en évidence la dépendance métabolique des cellules à l'égard des gènes (SLC). Plus précisément, l'expression de SLC38A7 (un transporteur lysosomal de glutamine et d'asparagine dépendant du sodium) et de SLC46A1 (un transporteur de folate dépendant des protons), dont l'expression a augmenté tout au long de l'évolution de la chimiorésistance dans les populations de cellules résistantes à la doxorubicine et à l’épirubicine. Pour les chercheurs, il était important de s'assurer que les cibles qu'ils modélisaient en laboratoire étaient cliniquement pertinentes. «Une fois que nous les avons identifiées, nous les avons exploitées dans des bases de données de patients», explique Julie St-Pierre. Ces bases de données contiennent les profils transcriptomiques des tumeurs de patientes atteintes d'un cancer du sein. «Nous avons cherché les cibles que nous avions identifiées dans notre modèle, et elles étaient en fait associées à un résultat moins bon chez ces patientes, nous savions donc qu'elles étaient importantes pour la chimiorésistance». Selon l'étude, une forte expression des deux gènes était associée à un pronostic encore plus défavorable. Les chercheurs ont constaté que la réduction de l'expression de SLC38A7 ou de SLC46A1 entraînait une diminution de la prolifération de toutes les populations de cellules résistantes à la doxorubicine et à l'épirubicine. Les résultats confirment que SLC38A7 et SLC46A1 sont des cibles potentielles pour inhiber la prolifération des cellules du cancer du sein tout au long de l'évolution spatio-temporelle de la chimiorésistance. M. Audet-Delage a récemment reçu le prix de la Bourse pour la relève scientifique décerné par la Société de recherche sur le cancer. Il souhaite continuer à modéliser la réponse dynamique à la chimiothérapie et la manière dont la chimiorésistance apparaît. L'objectif est de trouver le régime médicamenteux optimal dans le temps et dans l'espace, spécifique à la tumeur du patient, afin d'aider ce dernier à guérir du cancer. «J’aimerais concevoir une feuille de route. C'est l'objectif primordial de ma recherche».

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