Un traitement pour le système de santé

Le système de santé québécois est malade. Réseau engorgé et hospitalocentrique, outils informatiques inadaptés, manque de communication, travail en silo, modes de rémunération désuets, etc. Les symptômes du mal-être du réseau de la santé sont nombreux et le diagnostic a été posé il y a déjà plusieurs années. Persuadées d’avoir atteint un point de non-retour, quatre organisations aux prises de position divergentes ont décidé d’aplanir leurs différends pour trouver ensemble un traitement choc. Si je représente les médecins membres de l’AMQ, notre collectif comprend également des patients (Alliance des patients pour la santé), des travailleurs (Confédération des syndicats nationaux) et des gestionnaires (Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux).Nous nous sommes assis autour d’une table et nous avons discuté jusqu’à ce que nous soyons capables de nous entendre sur des axes d’intervention incontournables.Nous estimons qu’il est indispensable d’agir sur la première ligne. La situation des aînés et des personnes vulnérables est particulièrement problématique, nous devons donc améliorer et mieux financer les soins à domicile.Délaissées en raison de la priorité accordée aux soins aigus et parents pauvres de la santé, la prévention et la promotion des saines habitudes de vie doivent enfin bénéficier d’un budget qui leur est dédié. La littérature scientifique et plusieurs expériences à l’étranger l’ont prouvé depuis des années, il faut agir sur les déterminants sociaux pour améliorer la santé des populations. Pourtant, si l’on consacre actuellement plus de 50 % des dépenses du gouvernement à la santé et aux services sociaux, seule une infime part de cet argent va à la prévention.Pour investir dans ces deux axes d’intervention, il va bien sûr falloir revoir le financement de la santé. Nous devons notamment nous doter d’indicateurs de performance et d’évaluation des besoins de la population pour être en mesure de réviser et stabiliser l’allocation des ressources. Cela passe aussi par la mise en place d’un régime universel et public d’assurance médicaments et l’obligation de rééquilibrer les modes de rémunération des médecins. Nous ne disons pas qu’il faut jeter à la poubelle le paiement à l’acte et que le salariat sauvera le système de santé. Les études montrent que chaque mode de rémunération, comme chaque mode de financement, présente des avantages et des inconvénients. En bref, le salariat n’est pas la panacée et le paiement à l’acte ne mérite pas d’être diabolisé comme il l’est, mais ils peuvent être combinés et bonifiés avec des modulateurs de performance.En matière de financement de la santé, plusieurs provinces et pays nous ont montré dernièrement qu’il était possible d’innover. En Alberta, les médecins ont pris acte des difficultés financière, organisationnelle et administrative de leur province. Ils se sont engagés à générer des économies et à plafonner la croissance des dépenses tout en proposant des solutions en matière de réorganisation et de pertinence des soins. Cela fonctionne, puisque le ministre de la Santé de l’Alberta a annoncé dernièrement que cette entente avait permis de réaliser des économies de l’ordre de 500 millions de dollars. Au Nouveau-Brunswick, les médecins de famille sont en train de réorganiser la première ligne. Ils veulent favoriser une meilleure collaboration entre les médecins, valoriser le travail d’équipe et dynamiser la cogestion médecins-infirmières. Ils se disent aussi prêts, dans le cadre de ce nouveau modèle, à rembourser les soins des patients qu’ils ne réussissent pas à prendre en charge. Par ailleurs, les médecins de cette province réfléchissent déjà à la façon de transformer leur mode de rémunération, notamment en facilitant la rémunération d’équipes interdisciplinaires.Pour s’attaquer aux problèmes persistants du système de santé et des services sociaux, il faut se mettre en mode solution et accepter de s’unir pour agir avec les autres acteurs du système de santé ainsi que le politique.L’Alliance des patients pour la santé, l’Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux, l’Association médicale du Québec et la Confédération des syndicats nationaux ont rencontré tous les partis politiques québécois pour leur présenter les 15 solutions qui, selon elles, permettront d’améliorer la situation.Et si vous doutez de l’urgence d’agir, regardez les chiffres sur l’essoufflement des gestionnaires et des professionnels de la santé. Le Programme d'aide aux médecins du Québec (PAMQ) reçoit de plus en plus de demandes d’aide, une bonne chose puisque les médecins sont plus nombreux à faire appel à ses médecins-conseils. Malheureusement, les médecins continuent néanmoins de se suicider davantage que le reste de la population. Une détresse que l’on associe de plus en plus à des enjeux liés à l'organisation des soins.Les travailleurs des établissements aussi paient un prix très coûteux en matière de santé. Ils disent vivre de l’essoufflement et une surcharge de travail. Les congés pour maladie psychologique ont augmenté de 10 % jusqu’à 47 % selon les établissements entre 2012 et 2017, mettant encore plus de pression sur le personnel en place. Les cadres, de leur côté, disent travailler toujours plus avec moins de moyens et en ayant l’insatisfaction d’un travail inaccompli ou inachevé. Selon les régions, il peut y avoir une augmentation du taux d’absentéisme jusqu’à 100%, voire 200 %, pour cause psychologique dans ce groupe précis.Si nous ne voulons pas voir notre système de santé continuer de dépérir et ses joueurs tomber les uns après les autres, il faut dès à présent commencer à injecter les remèdes nécessaires pour lui permettre de se remettre.Les solutions existent, il faut maintenant se donner les moyens de les mettre en place.Dr Hugo Viens, B. Sc., M. D., FRCSCPrésident de l’AMQ

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