Un premier contact virtuel à l’urgence

En santé, comme dans d’autres secteurs d’activité, la pandémie de Covid-19 a aussi eu des côtés positifs, entraînant ici et là des changements dans les façons de faire qui se sont inscrits dans la durée. L’accueil des patients à l’urgence du Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL) en est une illustration. Depuis mai 2022, leur premier contact est une infirmière qui télétravaille dans un bureau adjacent et s’occupe à plein temps du prétriage. Une réorganisation qui a permis une réduction significative des délais d’attente et de réévaluation des patients.Des enjeux de main d’œuvre sont à l’origine de cette initiative. «Au sortir de la pandémie, on manquait de personnel infirmier. Des professionnelles immunosupprimées, enceintes ou qui avaient des limitations physiques étaient réaffectées à des tâches administratives, car elles ne pouvaient pas s’occuper des personnes malades», relate Stéphane Tremblay, le directeur des soins critiques du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec-Université Laval, qui supervise les urgences des cinq hôpitaux de la Capitale-Nationale. Résultat, lors des pics d’achalandage, «il n’était pas rare qu’on ait quelques heures d’attente avant le prétriage et entre le prétriage et le triage».Pour y remédier, une station de prétriage virtuelle a été installée à l’entrée de l’urgence du CHUL. Elle est équipée d’un écran, d’une caméra web, d’un micro, d’un haut-parleur et d’un lecteur de carte d’assurance-maladie. À son arrivée, le patient interagit via l’application Teams avec une infirmière qui se trouve dans un bureau à proximité de la salle d’attente. Formée au triage, elle est uniquement dédiée à cette activité.Il s’agit d’«un ajout à l’équipe de base qui vient fluidifier l’ensemble du processus d’accueil et d’évaluation de la clientèle», explique Stéphane Tremblay en soulignant que les secteurs du prétriage et du triage sont habituellement des «goulots d’étranglement où peuvent s’accumuler les patients». Formalités administratives, première appréciation clinique et première cote attribuée à la personne selon la gravité de sa condition, cette infirmière soulage ainsi ses consœurs affectées au triage qui peuvent se consacrer entièrement à l’évaluation des patients pour déterminer les cas prioritaires.Résultats probantsDepuis le déploiement du prétriage virtuel au CHUL, il y a un peu plus de 20 mois, «les délais ont fondu», se réjouit le directeur des soins critiques du CHUQ-UL. Les patients sont désormais accueillis dès les 10 premières minutes suivant leur arrivée à l’urgence. Les temps d’attente entre le prétriage et le triage, qui oscillaient autrefois entre deux et trois heures, ont pour leur part été réduits à 40 minutes la première année et à 20 minutes en 2023. Par ricochet, la durée moyenne de séjour sur civière a diminué en moyenne d’une heure l’an dernier, indique Stéphane Tremblay, pour qui ce sont de «gros, gros gains».Autre bénéfice, inattendu celui-ci, les taux de réévaluation des patients qui attendent leur tour ont également été améliorés. Ils sont passés de 19% à 60%, toutes clientèles confondues (des P2 aux P5). «L’infirmière affectée au prétriage virtuel a en permanence une vision sur la salle d’attente. Si elle constate qu’un patient décline ou s’agite, elle peut le réévaluer fréquemment. Grâce à sa proximité physique avec le reste de l’équipe, elle peut au besoin activer rapidement des mesures d’urgence», signale le directeur en mentionnant qu’«avant, ces patients-là sollicitaient les infirmières au triage».Quant aux usagers, ils semblent satisfaits de cet accueil virtuel. Selon un sondage mené l’été dernier auprès de 100 patients qui ont utilisé ce nouveau service, 92 l’ont plébiscité. Pour les personnes moins à l’aise avec la technologie, les malentendants, les sourds et les aveugles, un préposé reste disponible pour les assister. Sinon, il est toujours possible d’effectuer le prétriage en présentiel.Lire aussi: Insuffisance cardiaque: une application permet de réduire les visites aux urgencesSur le plan des ressources humaines, Stéphane Tremblay note enfin que la présence de 7h45 à minuit d’une infirmière au prétriage virtuel réduit la pression exercée sur le reste de l’équipe de l’urgence du CHUL, qui a ressenti une baisse de la charge mentale associée au triage. «Les temps supplémentaires des infirmières ont également été réduits», remarque le directeur. Autant d’éléments qui, selon lui, favorisent la rétention du personnel.Depuis son expérimentation réussie au CHUL, le prétriage virtuel a été déployé à l’urgence de l’Hôpital du Saint-Sacrement ainsi qu’à celle de l’Hôpital de Chicoutimi. Il le sera dans le courant de l’année à l’Hôtel-Dieu de Québec. Pour les urgences de l’Enfant-Jésus et de l’Hôpital Saint-François d’Assise, la planification n’est pas encore définie.

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