Un pharmacien radié un an pour 50 ordonnances falsifiées

Les conclusions du Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) sont patentes. Malgré la défense de Mohamed Hassan, qui a justifié ses actes en expliquant que ni lui ni les membres de sa famille n’avaient alors de médecin de famille, ses pairs jugent que le pharmacien a commis des «infractions objectivement très graves» qui justifient «l’imposition d’une sanction sévère». En produisant de fausses ordonnances pour des médicaments dont il a ensuite demandé le remboursement, alors que certains sont en vente libre, Mohamed Hassan a «dupé des médecins et un dentiste». Il a également «trahi la confiance» de ses employeurs, des tiers payeurs comme celle du public, estime le Conseil de discipline de l’OPQ qui lui reproche, tout particulièrement, de s’être accordé des passe-droits. «Un pharmacien ne doit pas tirer un avantage illicite de sa profession», rappelle la décision publiée au début du mois de février. Or le Conseil considère que les arguments de l’intéressé, selon lesquels sa famille n’avait pas de médecin de famille et qu’un de ses proches était immunodéprimé, «ne sont ni suffisants pour atténuer la gravité de ses infractions ni pour les justifier d’aucune manière». Au contraire, le Conseil juge que le pharmacien s’est donné, et a accordé aux membres de sa famille, «une place privilégiée dans la société qui ne tient pas compte du public ni des nombreuses personnes atteintes de maladies et qui, sans avoir la chance de pouvoir s’y soustraire, doivent naviguer dans le système de santé publique et ses aléas. En commettant les infractions, (M. Hassan) ne se préoccupe pas de l’intérêt de la population, mais uniquement de sa propre situation». De plus, les ordonnances émises par le pharmacien, qui a utilisé le nom et le numéro d’exercice de différents médecins, alors qu’il connaissait personnellement quelques-uns d’entre eux, «démontrent que (ses) gestes ne sont pas de simples cas de dépannage ponctuel ou d’urgence, ce qui serait quand même répréhensible, mais plutôt le fruit d’un stratagème mis en place pour éviter d’avoir à effectuer les mêmes démarches que celles de la majorité de la population pour avoir accès à un médecin et aux médicaments», souligne le Conseil de discipline. Pour toutes ces raisons, et parce qu’ils jugent que le risque de récidive ne peut être écarté, ses pairs ont imposé à Mohamed Hassan 10 périodes de radiation de 12 mois, à purger simultanément. Mea culpa relatif Les faits reprochés au pharmacien, qui n’avait pas d’antécédents disciplinaires jusque-là, se sont étalés de juin 2016 à juillet 2020 et se sont produits dans deux pharmacies, l’une à Montréal-Ouest et l’autre à Montréal-Nord, où il était employé. Durant ces quatre années, le professionnel a contrefait des ordonnances pour des antibiotiques, des anti-inflammatoires, des gargarismes, ainsi que des antidépresseurs pour lesquels il a prescrit des changements soudains de molécules et de posologie. Lors de l’enquête, déclenchée à la demande d’une des pharmaciennes propriétaires qui a constaté la supercherie après la fin de son emploi, Mohamed Hassan a d’emblée reconnu les faits ainsi que sa culpabilité. Le professionnel a indiqué qu’il n’avait pas de médecin de famille jusqu’en décembre 2018, les membres de sa famille en étant quant à eux dépourvus jusqu’en décembre 2019. Et pour justifier ses actes, il a expliqué que l’un d’eux souffrait de la maladie de Crohn et qu’il voulait le préserver des infections que lui, ou ses autres proches, auraient pu contracter en consultant des médecins dans les hôpitaux et les cliniques. Dans ce contexte, le pharmacien était convaincu qu’il n’avait d’autre choix que de procéder illégalement afin de le protéger. À lire aussi: Méthotrexate: l'erreur d'une pharmacienne cause l'hospitalisation d'une patiente Seul à subvenir aux besoins de sa famille à ce moment-là et également seul à pouvoir accompagner ses proches à la clinique ou aux urgences, il a déclaré qu’il ne pouvait pas se permettre de perdre de salaire en s’absentant du travail ou en tombant malade. Il ne voulait pas non plus risquer d’infecter sa famille. Cela dit, Mohamed Hassan a avoué qu’il a continué de falsifier des ordonnances après décembre 2018 et décembre 2019 en raison de la pandémie de COVID-19, toujours en raison du risque d’infection. Préoccupations du Conseil et rappel à l’ordre Pour le Conseil de discipline, peu importe les motivations de Mohamed Hassan puisqu’il a contrevenu à une règle de base de sa profession:«Chaque ordonnance reçue est le fruit d’une évaluation approfondie du patient, de ses besoins particuliers en matière de santé et d’un diagnostic. Sans ces étapes préalables importantes, la suite du processus de service et de prise de médicament peut être viciée et la sécurité du public menacée». En l’occurrence, le pharmacien «a fait fi de ces étapes fondamentales d’évaluation et de diagnostic et (il) a même usurpé le travail des médecins et des dentistes». Ce qui témoigne d’un manque d’intégrité. À lire aussi: Une pharmacienne dépendante aux opioïdes écope d'un an de radiation Si le professionnel dit avoir pris conscience de la gravité de ses gestes et qu’il devra désormais vivre avec, le Conseil de discipline n’en demeure pas moins préoccupé par le nouvel emploi du pharmacien, qui va exercer dans le Grand Nord. «Il sera soumis à un environnement moins contrôlé» où «la surveillance des pairs et de certaines instances de l’Ordre sera possiblement plus difficile à réaliser», observe le Conseil qui justifie les sanctions sévères qu’il impose à M. Hassan par les nombreux facteurs aggravants, son risque de récidive qu’il considère modéré et surtout par son manque de repentir. En guise de conclusion, la décision souligne que «les dernières années ont révélé un système de santé publique fragile qui doit être renforcé afin d’être préservé. Une des pierres angulaires de ce système, qu’est le respect du processus d’accès aux médecins et aux médicaments par l’ensemble du public, ne peut être ignorée. Ainsi, les pharmaciens ne peuvent pas se donner un accès prioritaire aux médicaments et faire fi de la législation qui établit les règles régissant les professions et le système de santé».

Un pharmacien radié un an pour 50 ordonnances falsifiées

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