Un pharmacien lourdement sanctionné pour une succession d’infractions majeures

Rétrofacturation de médicaments, absence d’étude pharmacologique, dossiers patients renseignés a posteriori, transmission de données confidentielles à une entreprise gérant des programmes de soutien au patient, entrave au travail du syndic, etc. Le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) a dernièrement instruit un dossier accablant qui s’est conclu par de lourdes sanctions à l’égard de Noël-Alexandre Bertout. Pour l'ensemble de ses infractions, le pharmacien a écopé de cinq mois de radiation et d’une amende de 30 000 dollars. L’intéressé, propriétaire de quatre pharmacies à Montréal, Boucherville et Longueuil à l’époque des faits, devait en tout répondre de six chefs d’accusation. Des infractions «graves et sérieuses (…) au cœur de la pratique des pharmaciens», selon le Conseil qui estime «qu’une telle conduite nuit à l’image et à la crédibilité de la profession» et qu’elle «mine aussi la confiance du public», d’autant plus que les manquements en question se sont étalés sur des périodes allant de un à cinq ans. Un avis partagé par Noël-Alexandre Bertout qui a reconnu les faits et plaidé coupable avant de s’entendre avec le syndic sur les sanctions à lui imposer. L’enquête menée à son encontre a révélé que le pharmacien, qui a complété sa formation en France en 2000 avant d’être inscrit au tableau de l’OPQ en 2013, a transmis des doses de BotoxMD et XeominMD à onze médecins exerçant dans sept cliniques différentes afin qu’ils les injectent à leurs patients. Des doses fournies par des sociétés pharmaceutiques à titre d’échantillons que le professionnel remplaçait ensuite, sans rencontrer les patients concernés ni procéder à l’étude pharmacologique de leur dossier qu’il mettait à jour après leurs injections, ce qui contrevient à l’article 9 du Règlement sur les conditions et modalités de vente des médicaments. Pour Noël-Alexandre Bertout, il s’agissait d’opérations de «renflouement», le syndic préférant quant à lui le terme de «rétrofacturation». Entre le 17 décembre 2019 et le 21 octobre 2021, cette pratique irrégulière a concerné 114 patients, pour un total de 136 «renflouements». Non-respect d’un engagement Par ailleurs, le 6 mai 2019, le pharmacien s’était engagé auprès du syndic adjoint de l’Ordre à ne plus maintenir les offres d’achat qu’il avait mises en place pour les patients de ces sept cliniques. Il y a contrevenu allègrement, puisque l’enquête a démontré qu’entre la date de son engagement et le 18 novembre 2021, ses agissements répréhensibles ont visé 640 patients pour environ 3500 services. Services qui ont, au total, représenté la somme de 2 720 407,71 $, selon un rapport d’une société pharmaceutique obtenu par l’enquêteur du syndic. À lire aussi: Un pharmacien sanctionné pour de nombreux médicaments périmés Autre manquement reproché au pharmacien, il a illégalement accepté que des médicaments inutilisés — par des patients ne prenant pas leurs traitements ou parce ceux-ci étaient modifiés par leur médecin — lui soient retournés à d’autres fins que leur destruction. Noël-Alexandre Bertout les réinscrivait à son inventaire et les revendait ensuite à d’autres patients. Selon lui, ces contraventions à l’article 58 du Code de déontologie des pharmaciens «se comptent sur les doigts d’une main». Fait cependant aggravant, le professionnel a d’abord déclaré, dans un courriel adressé au syndic durant l’enquête, qu’il détruisait bien les doses de Botox et de Xeomin retournés à sa pharmacie avant de se rétracter et de concéder son méfait. Ce mensonge constitue une entrave au travail du syndic, ce que Noël-Alexandre Bertout a reconnu en indiquant qu’il a agi sous le coup de la panique et du stress pour expliquer son manque de jugement. Bris de confidentialité Comme si cela ne suffisait pas, le pharmacien a de plus dérogé à ses obligations de confidentialité. Il a communiqué à STI Technologies Limited, une entreprise basée en Nouvelle-Écosse qui gère des programmes de soutien au patient (PSP), des données personnelles de 283 de ses clients. Ces transmissions ont été effectuées dans le cadre de demandes de PSP qu’il formulait au nom de ses patients pour des injections de toxines botuliques. Dans chaque formulaire, le professionnel mentionnait le nom des patients, leurs adresses physique et courriel, leur date de naissance, le nom du médicament ainsi que sa date d’utilisation. Ses clients n’y avaient pas consenti spécifiquement, contrairement à ce pensait Noël-Alexandre Bertout qui a par là même dérogé à l’article 62 du Code. Enfin, le professionnel a donné des formulaires d’ordonnances l’identifiant à titre de pharmacien propriétaire à des médecins de quatre cliniques qu’il desservait. Il a aussi permis à ces derniers de le mentionner sur leurs prescriptions. Une pratique proscrite par l’article 54 du Code. À l’audience, comme durant l’enquête, Noël-Alexandre Bertout s’est dit désolé et a exprimé des regrets concernant les infractions commises. De plus, il a affirmé avoir apporté de nombreux changements à sa pratique pour éviter d’enfreindre à nouveau la déontologie pharmaceutique. Il a ajouté que le processus disciplinaire a eu un effet dissuasif sur lui et qu’il en a tiré des leçons. Le pharmacien considère ainsi que son risque de récidive peut être qualifié de «faible». Le Conseil l’estime plutôt «faible à modéré».

Un pharmacien lourdement sanctionné pour une succession d’infractions majeures

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