Un médecin sanctionné pour s’être limité dans l’élaboration de son diagnostic

Le Dr Alain Veilleux, médecin de famille, a écopé d’une radiation temporaire de cinq mois pour avoir négligé « d’élaborer avec la plus grande attention son diagnostic et d’assurer le suivi médical requis par l’état » d’un patient admis à l’urgence du Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (CHRTR) pour un symptôme peu spécifique qu’il a associé à de l’anxiété. Cette décision disciplinaire, rendue par le Conseil de discipline le 25 octobre dernier, sera effective à compter du 29 novembre 2017, si aucune requête n’est déposée avant le délai imparti. La plainte du syndic adjoint du CMQ, le Dr Michel Joyal, fait état de gestes fautifs survenus en 2011.Rappel des événementsLe 11 septembre 2011, le patient de 65 ans se rend à l’urgence du CHRTR. Il signale au triage qu'il présente des symptômes d’anxiété, de nausée, d’insomnie, de perte de mémoire, en plus d’avoir eu des vomissements. Le rapport du Conseil de discipline indique que le patient quitte l’hôpital après le triage, sans avoir subi d’évaluation médicale.Plus tard dans la nuit, le patient est transporté en ambulance à l’urgence du CHRTR, où le Dr Veilleux assume le quart de garde. Le rapport de l’ambulancier n’indique aucun signe cardiovasculaire, mais mentionne que le patient ne mange plus et ne dort plus.Cette fois-ci, la note de triage fait état de plaintes essentiellement liées à l’anxiété et à l’insomnie. On y évoque aussi que le patient est dialysé trois fois par semaine et qu’il s’alimente peu. Comme son état n’est pas jugé inquiétant, il est redirigé vers la salle d’attente.Plusieurs heures passent avant qu’une réévaluation soit faite. Vers 4 heures du matin, le 12 septembre 2011, l’infirmière note «que le patient, qui est alors installé sur une civière pour son confort, s’impatiente».Ce dernier rencontre le Dr Veilleux peu de temps après. Lors de cette consultation, l’intimé pose quelques questions au patient, sans toutefois faire d’examen physique ni demander de bilan paraclinique. Ce dernier pose alors un diagnostic d’anxiété et lui donne congé de l’hôpital avec une ordonnance de Xanax.De retour chez lui, le patient décède subitement quelques heures plus tard. Le rapport d’autopsie indique que le patient souffrait de deux conditions aigües: un syndrome coronarien caractérisé par plusieurs micro-infarctus récents et une insuffisance cardiaque évoluant depuis au moins une semaine.Démarche insuffisanteDans le rapport d’expertise qu’il a déposé au Conseil de discipline du CMQ, le spécialiste en médecine d’urgence, le Dr Alain Vadeboncoeur, rappelle qu’un médecin d’urgence «ne peut se contenter de limiter sa démarche à celle du diagnostic le plus apparent».Selon lui, il arrive régulièrement que des patients se présentent à l’urgence pour des symptômes apparents bénins, qui cachent dans les faits des conditions plus graves. C’est à l’urgentologue d’en déceler l’existence, estime-t-il. Pour ce faire, il doit procéder à un questionnaire plus approfondi, un examen physique approprié et des tests appropriés.Pour le Dr Vadeboncoeur, «plusieurs informations disponibles et pertinentes, se retrouvant au dossier antérieur de ce patient, auraient pu orienter l’évaluation».«La démarche clinique du Dr Veilleux apparaît insuffisante et ne respecte pas les normes attendues en médecine d’urgence», conclut-il.Pas la première foisLe dossier de l’intimé n’est pas sans tâche. En effet, en janvier 1986, ce dernier reçoit une lettre de la part du bureau du syndic relatant un diagnostic fautif chez une patiente suivie pour hypertension artérielle. Le Collège lui rappelle alors de faire preuve d’une plus grande prudence.Dix ans plus tard, soit en 1996, le Comité d’inspection professionnelle communique avec lui concernant son manque de disponibilité lors des appels au service d’urgence lorsqu’il est en garde la nuit. On lui rappelle alors qu’il ne peut déléguer une partie de ses fonctions aux infirmières.Plus récemment, en août 2007, le bureau du syndic écrit à l’intimé au sujet d’une résolution du Conseil d’administration du CHRTR lui imposant une réprimande en raison de sa négligence en décidant de mettre fin prématurément au protocole d’électrisation d’un patient à l’urgence.En 2012, l’intimé aurait fait défaut de demander un test sanguin qui aurait confirmé le diagnostic de la malaria chez un patient fiévreux revenant d’un voyage au Madagascar. Le Conseil d’administration du Centre de santé et des services sociaux de Trois-Rivières lui avait alors imposé une suspension de ses privilèges pendant quatre mois. Le 23 octobre 2015, l’intimé faisait l’objet d’une radiation temporaire de trois mois imposée par le Conseil de discipline du CMQ.Le 15 mai 2015, le président du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Mauricie–Centre-du-Québec impose une suspension de ses privilèges pour une durée de six mois. Le Dr Veilleux aurait fait preuve de négligence grossière en omettant de référer une patiente en ophtalmologie alors que ses symptômes s’intensifiaient.Limitation de la pratiqueDans le cadre d’une enquête concernant une autre patiente en décembre 2015, l’intimé s’engage volontairement à se soumettre à un stage d’évaluation ou de perfectionnement en médecine familiale. De plus, il s’engage un mois plus tard, en janvier 2016, à une limitation de sa pratique en cabinet.En juin 2016, le Dr Veilleux réussit son stage. Le maître de stage note une amélioration chez l’intimé, assurant qu’il est «clairement capable d’un raisonnement systématique».Bien que la limite de pratique souscrite par l’intimé diminue considérablement le risque de récidive, le Conseil de discipline croit que celui-ci demeure.

Un médecin sanctionné pour s’être limité dans l’élaboration de son diagnostic

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