Un médecin qui a survécu à COVID-19, déconcerté par le mépris du public

©Associated PressBirmingham, Alabama - Le Dr Michael Saag passe une grande partie de son temps à traiter des patients qui luttent pour leur vie et à travailler avec des collègues submergés et épuisés par la bataille incessante contre la pandémie de COVID-19.Mais il pénètre dans un monde différent quand il sort de sa clinique en Alabama: une clinique où beaucoup ne portent pas de masque, ne se tiennent pas à distance des autres ou ne semblent même pas conscients de la lutte intense menée contre un virus qui a coûté la vie à environ 140 000 personnes dans tout le pays et rendu tant de personnes - y compris le médecin – gravement malades.La déconnexion est dévastatrice.«C’est un mélange d’émotions, allant de la colère à la démoralisation en passant par la perplexité et la frustration», explique le Dr Saag.Les cas confirmés de COVID-19 ont augmenté en moyenne de plus de 1500 par jour au cours de la semaine dernière en Alabama, portant le total à plus de 62 100 depuis le début de la pandémie en mars. Au moins 1 230 personnes sont décédées et les responsables de la santé disent que moins de 15% des lits de soins intensifs de l’État sont disponibles pour les nouveaux patients. Certains hôpitaux n'ont plus de place.Ce n’est pas seulement un problème en Alabama. À environ 400 kilomètres de Birmingham, le Dr Chad Dowell prévient que son hôpital de la petite ville d'Indianola, Mississippi, se remplit, tout comme d'autres, ce qui rend difficile de localiser des lits pour les patients les plus malades alors même que les gens débattent sur les réseaux sociaux pour savoir si la pandémie est réelle.À l'intérieur de l'hôpital de l'Université de l'Alabama à Birmingham, des médecins et des infirmières en tenue de protection se précipitent d'une urgence à une autre. Ils ont du mal à réconforter les visiteurs au cœur brisé qui doivent dire au revoir à leurs proches mourants via leur téléphone cellulaire, tout en devant gérer leur stress de savoir s'ils seront les suivants à être infectés, raconte le Dr Saag.La forte augmentation des cas confirmés en Alabama a coïncidé avec la réouverture des restaurants, bars, théâtres, gymnases, ligues sportives et églises qui ont tous été fermés lorsque le virus a frappé pour la première fois. Bien que la plupart aient ouvert avec une capacité réduite et des restrictions en place, de nombreux clients n'ont pas suivi les recommandations.Dans la région métropolitaine de Birmingham, où vit le Dr Saag, il est courant de voir moins de la moitié des gens à l'intérieur des magasins porter un masque. Le médecin a déclaré qu'il avait été particulièrement découragé récemment après s'être arrêté dans un restaurant en revenant du travail pour prendre une commande de sushis à emporter. Il y avait jusqu'à 60 personnes à l'intérieur, lance-t-il.«Nous étions deux à porter un masque. Et tous les autres, non seulement ils ne portaient pas de masque, mais ils se tenaient proches», dit-il. «Et ils me regardaient comme si j'étais une sorte de paria portant un masque.»Pour faire face à la situation, la gouverneure de l'Alabama Kay Ivey a ordonné cette semaine à tous les résidents de l'État de 6 ans et plus de porter un masque lorsqu'ils sont en public et à moins de 2 mètres de quelqu'un qui n'est pas un membre de la famille. Cette décision contre une pandémie devenue de plus en plus politique a suscité à la fois des éloges en tant que mesure potentiellement salvatrice et des critiques sévères, certains la qualifiant d'affront inutile à la liberté.Le Dr Saag espère que l'ordonnance aidera, mais tout dépend de l'observance. Kay Ivey elle-même a déclaré que la règle serait difficile à appliquer, et certains bureaux de police et de shérif ont déclaré qu'ils n'essaieraient même pas.Au début de l'épidémie, les médecins et les infirmières ont été salués comme des héros dans la lutte contre la COVID-19. Certains disent qu'ils se sentent aujourd'hui davantage comme de la chair à canon dans une guerre qui est devenue de plus en plus source de divisions.«Les gens continuent de considérer le virus comme un stratagème politique ou une théorie du complot. Les gens continuent d’ignorer les directives recommandées sur la façon de ralentir la propagation du virus. Les gens continuent de se plaindre du port d'un masque. Nous devons faire mieux en tant que communauté», a écrit le Dr Chad Dowell, le médecin du Mississippi, dans un message Facebook publié par l'hôpital du comté de South Sunflower.Pour le Dr Saag, le combat est personnel. Début mars, lui et son fils adulte ont attrapé le virus après un voyage à Manhattan alors que l'épidémie y faisait rage. Il y eut d'abord une toux, suivie de fièvre, de maux de tête, de courbatures et de ce que Saag appelait une «pensée floue», ou une incapacité à se concentrer.«Les matins, je me sentais bien, je pensais que c'était fini. Et puis tous les soirs, ça revenait comme si ce n'était que le début», dit-il. "La partie la plus difficile la nuit était cette sensation d'essoufflement et le fait de ne pas savoir si cela allait empirer."Durant ces huit nuits à suffoquer, le Dr Saag n’était pas sûr qu’il survivrait sans ventilateur. Il n'en a finalement pas eu besoin. Il est maintenant complètement rétabli et se sent plus proche que jamais des personnes qu'il soigne.«Quand je parle à un patient et que je dis: 'Hé, je l'ai eu aussi', c'est comme si nous étions connectés d'une manière que je n'ai vraiment, honnêtement jamais ressentie avec les patients – et je suis médecin depuis 40 ans», confie le Dr Saag.À l’extérieur de la salle d’examen, le Dr Saag a participé à des conférences de presse et fait des entrevues avec les médias pour encourager les pratiques de base en santé publique, mais il sait que beaucoup de gens n’écoutent tout simplement pas.Il trouve décourageant de voir un mépris généralisé pour les mesures sanitaires et s'inquiète de l'avenir de l'Alabama à un moment où le virus pose plus que jamais une menace.«Je pense juste:«Oh, mon Dieu. Nous allons avoir des problèmes très bientôt», a déclaré le Dr Saag.

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