Un médecin de famille radié 7 ans pour des inconduites sexuelles gravissimes

«Il est difficile de trouver une infraction d’inconduite sexuelle plus grave que celle commise par [le Dr Roger Philip LeBlanc. Il] a utilisé son titre et sa profession de médecin pour aller dans sa propre perversion. Il a outrageusement abusé de l’extrême vulnérabilité de son patient pour assouvir ses pulsions sexuelles, et ce, pendant une longue période.» Le réquisitoire du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (CMQ) est impitoyable. En plus de statuer que le médecin de famille a «manqué à tous ses devoirs d’intégrité et de loyauté envers son patient», ses pairs lui reprochent également de ne pas réaliser la gravité de ses gestes. Durant l’enquête, comme lors des audiences, le Dr LeBlanc n’a exprimé aucun remords ni regret, arguant que les relations intimes qu’il a entretenues avec son patient étaient consentantes. Une «attitude pour le moins déstabilisante», selon le Conseil qui se dit «très préoccupé» par le comportement du médecin et «demeure très inquiet pour la suite des choses», estimant que son risque de récidive est élevé. En conséquence, il lui impose une sanction remarquable: le médecin est radié pour une période de sept ans, soit deux années de plus que le minimum prévu par la loi de 2017 en matière d’inconduite sexuelle. «La présente décision doit faire office de message clair à l’ensemble des membres de la profession, à savoir qu’il n’y a pas de place pour ce genre de comportement et que ceux qui seront tentés d’agir de la même façon pourront se voir sanctionner sévèrement», justifie le Conseil. L’omnipraticien se voit également condamné à payer une amende de 5000$. Touché par le témoignage courageux de la victime et conscient des effets néfastes et dévastateurs que les fautes du Dr LeBlanc ont eues sur lui, le Conseil de discipline recommande au conseil d’administration du Collège de verser le montant de cette amende au patient. Ce dernier a rencontré l’omnipraticien en 2011 par l’entremise de son conjoint, dont le Dr LeBlanc était le médecin de famille. Il accepte de l’inscrire également comme patient. Deux ans plus tard, le clinicien lui diagnostique une maladie chronique. Il lui conseille alors de garder cette information secrète et de ne pas en parler à son entourage. Il lui propose également de faire partie d’un protocole de recherche qu’il dirige. C’est dans ce contexte que le Dr Leblanc voit son patient sur une base régulière, aux deux semaines environ, pour un suivi très serré. Au fil du temps, il fait en sorte qu’une familiarité et une proximité s’installent entre eux. Selon le témoignage de la victime, le médecin ne se gênait pas pour lui faire des commentaires à connotation sexuelle sur ses sous-vêtements, son corps et ses organes génitaux: «Ton pénis doit être gros en érection»; «I can fit an another finger in it and you will like it» [Je peux y mettre un doigt de plus et tu vas aimer ça], etc. Viagra et sexe intense À l’été 2016, l’omnipraticien finit par inviter chez lui son patient, en laissant entendre qu’il connaissait du monde bien placé qui pourrait l’aider à propulser sa carrière de chanteur d’opéra. L’homme se rappelle qu’à son arrivée, le Dr LeBlanc l’attendait avec de la soupe et un jus d’orange dans lesquels il est convaincu qu’il y avait de la drogue puisqu’il s’est senti euphorique tout au long de la soirée. Peu de temps après, son hôte lui a donné du Viagra. S’en sont suivi plusieurs relations sexuelles, à différents endroits de la maison, dans la chambre à coucher, sur les escaliers et dans le sous-sol. Après cette soirée qu’il qualifie d’«intense», l’homme s’est dit troublé par ce qu’il avait vécu. À nouveau invité par son médecin de famille, il revient chez lui à l’automne 2016. Il est là encore accueilli avec du jus d’orange et du Viagra, et le même scénario se reproduit: l’omnipraticien et son patient vont avoir plusieurs relations sexuelles débridées. Lire aussi: Agression sexuelle sur une patiente: un médecin radié à vie L’homme rapporte d’autres évènements qui se sont cette fois-ci déroulés à la clinique du Dr LeBlanc. Il se souvient entre autres d’un french kiss et d’au moins une fellation dans le bureau du clinicien. Dans une situation de plus en plus inconfortable, il se confie à une amie, laquelle a témoigné en sa faveur. Après avoir longuement réfléchi et obtenu de l’aide, il décide de mettre fin à son suivi médical avec le médecin au printemps 2020. Par la suite, il dépose une demande d’enquête auprès du syndic du CMQ. Une attitude pour le moins déconcertante Durant celle-ci, le Dr LeBlanc va avoir un comportement «erratique», selon le Conseil de discipline qui estime que «sa collaboration et son attitude ont été pour le moins déconcertantes». À son audience sur culpabilité, il va nier avoir eu des relations sexuelles avec son patient, en prétextant qu’il avait subi une chirurgie qui l’en empêchait. Lors de sa première rencontre avec la syndique, il avait pourtant reconnu tous les faits en admettant qu’il était amoureux de son patient et qu’il avait eu des relations intimes avec lui. Il va ainsi déclarer à l’enquêtrice qu’il était très attiré par cet homme et qu’il s’agissait d’une attraction fatale, très intense. Il admet qu’il l’a invité chez lui à quatre ou cinq reprises, qu’il lui a donné du Viagra et il confirme le scénario de ces soirées tel que rapporté par son patient. Il convient également qu’il a discuté avec lui du fait qu’il devrait le transférer à un autre médecin étant donné la nature de leur relation. Finalement, il reconnaît qu’il a tout mélangé et qu’il n’a pas pensé qu’il avait causé autant de détresse à son patient puisque leurs relations intimes et sexuelles étaient consenties. Lire aussi: Un médecin de famille à nouveau coupable d’inconduite sexuelle Pour le Conseil, l’argument du consentement ne tient pas. Il juge que le Dr LeBlanc «a tiré avantage de son patient qui lui faisait confiance tant sur le plan professionnel que personnel», et qu’il «a abusé de son statut pour dénaturer la relation professionnelle dont il était pourtant le gardien». Une conduite «totalement à l’opposé du comportement attendu de la part d’un médecin», insistent ses pairs en affirmant que «les gestes posés par [l’omnipraticien] portent atteinte à l’honneur et à la dignité de sa profession et éclaboussent ses collègues, en plus d’anéantir la relation d’aide dont le patient avait besoin». Fin de carrière S’agissant des comprimés de Viagra que le médecin a remis à son patient, alors que ceux-ci n’étaient pas médicalement nécessaires, «il est sans contredit que le comportement [du Dr LeBlanc] est encore une fois très préoccupant et va à l’encontre de toutes les valeurs qui doivent animer un médecin. Certaines de ces valeurs sont l’honneur, la probité, la confiance, la bienveillance et surtout la santé des patients». Or l’intéressé les a toutes bafouées, comme le démontre la preuve. Durant son audience sur sanction, le médecin famille, qui est inscrit au tableau du Collège depuis septembre 1979 et n’avait jusque là aucun antécédent disciplinaire, s’est montré bref. Il a accepté les plaidoiries de la syndique adjointe du Collège, la Dre Isabelle Amyot, en mentionnant simplement que la radiation de sept ans proposée par cette dernière «indique la fin de sa carrière».

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