Un médecin de famille radié 5 ans pour inconduite sexuelle

C’est plutôt rare pour être souligné: le Dr Philippe-Luc Michel n’a pas cherché à se disculper ni à atténuer la portée de ses actes, lui qui croyait de bonne foi que sa patiente partageait aussi des sentiments à son égard. À l’issue de sa première rencontre avec l’enquêteur du syndic du Collège des médecins, l’omnipraticien a démissionné du tableau de l’Ordre, se disant «humilié d’avoir agi ainsi». Il a ensuite plaidé coupable à l’infraction d’inconduite sexuelle qui lui était reprochée et consenti aux sanctions préconisées par le syndic adjoint du Collège. En se joignant ainsi à l’instruction menée contre lui, malgré son statut de non-membre et alors qu’il réside actuellement en France, le Dr Michel a favorisé « la célérité du traitement de la plainte et du processus décisionnel», souligne le Conseil de discipline du Collège qui a jugé, dans une décision datée du 17 mars dernier, que «la recommandation conjointe des parties constitue un dénouement avantageux préservant les intérêts des parties, du public et de la justice.» Le médecin de famille se voit donc imposer une radiation temporaire de cinq ans accompagnée d’une amende de 7500$. Conformément au souhait des parties, le Conseil recommande au conseil d’administration de l’Ordre de «remettre l’amende versée, en tout ou en partie, à la patiente pour couvrir le coût des soins thérapeutiques reliés aux actes reprochés». Ces actes se sont déroulés entre le 10 juillet 2019 et le 15 juillet 2020. La patiente du docteur Michel se trouvait alors en récidive de cancer et subissait des traitements de chimiothérapie. Le syndic indique qu’elle «n’avait aucune énergie» et qu’elle «se sentait mal physiquement et émotionnellement». Son cancer, diagnostiqué en 2012, avait profondément affecté sa vie ainsi que son mariage et elle avait le sentiment d’avoir perdu la bataille contre sa maladie. Bref, au moment des faits, «elle était en dépression depuis plusieurs années. Elle l’est toujours d’ailleurs», précise le syndic. Sa première rencontre avec l’omnipraticien, en juillet 2019, s’effectue dans le cadre d’un rendez-vous de nature médicale, la femme voulant obtenir des informations sur les soins palliatifs. Après l’avoir écoutée, le Dr Michel lui a demandé de se verser un verre de vin vers 19h, de s’assoir à l’extérieur, d’apprécier le moment et qu’il allait faire de même de son côté en pensant à elle. Il lui a également demandé de prendre soin d’elle à défaut de quoi «he would kick her in the ass», puis il lui a donné son numéro de cellulaire afin qu’elle le contacte si besoin. Selon la patiente, ses premiers rendez-vous avec le clinicien se sont bien déroulés. Ce dernier lui semblait «gentil et doux». Il la rassurait, l’écoutait et tentait de l’aider à se sentir mieux. Au courant de ses problèmes conjugaux, le Dr Michel lui témoignait «beaucoup d’empathie (…) et l’invitait à demeurer optimiste. Elle n’était pas habituée à cette attention», peut-on lire dans la décision du Conseil. Échanges de textos et plus si affinités Leur relation va prendre un tour nouveau, fin novembre 2019, lorsque l’omnipraticien commence à lui envoyer des textos. Des messages auxquels la patiente répond. Deux mois plus tard, elle le rencontre à nouveau dans un cadre médical. Le médecin tente à ce moment-là de l’embrasser doucement sur les lèvres; elle ne l’a pas repoussé. Après ce premier baiser, les deux vont continuer à s’envoyer des textos, certains écrits par le médecin ayant une «connotation sexuelle». La femme ne s’en offusque pas, convaincue qu’il y avait un potentiel de relation amoureuse avec le Dr Michel, à tel point qu’elle avait même envisagé quitter son mari. Le 1er avril 2020, l’omnipraticien passe la voir lors d’une de ses séances de chimiothérapie à l’hôpital. Ils échangeront encore par textos le jour même. Elle le revoit ensuite en rendez-vous fin juin. Au cours de cette rencontre, qui s’avérera leur dernière, le médecin l’a spontanément et vigoureusement embrassée à deux reprises. Au syndic, la patiente dira ensuite qu’elle «a senti sa barbe lui irriter les joues par l’intensité des baisers». Lire aussi: Inconduite sexuelle: plus de la moitié des médecins coupables évitent la sanction minimale Les deux vont néanmoins poursuivre leurs conversations par textos, l’omnipraticien lui tenant des propos à caractère sexuel, dont plusieurs étaient «graphiques», selon elle. Ces textos lui provoquent alors un sentiment de dégoût et de frustration. Ils lui donnent également l’impression de tromper son mari. À partir de là, la patiente va se sentir «stupide et naïve» et se raviser: à ses yeux, le Dr Michel jouait désormais un jeu. C’est ainsi qu’elle décide de mettre un terme à leur relation et annule un autre rendez-vous, prévu le 7 juillet 2020, avec le médecin de famille. Suite à ces événements, la femme se confie à des professionnels de l’hôpital et décide dans la foulée, avec l’appui d’une psychologue et d’une infirmière, de déposer une demande d’enquête devant le syndic du Collège. Aujourd’hui, la patiente considère qu’elle a été manipulée par le Dr Michel, que celui-ci a profité de sa vulnérabilité et elle veut que personne d’autre ne vive la même chose. Depuis, elle a en effet le sentiment de porter un lourd secret qui pèse sur son esprit. Elle se sent humiliée et dit «vivre quotidiennement des montagnes russes émotionnelles», tout en étant atteinte d’un cancer de stade 4 pour lequel elle est traitée en oncologie. Au final, elle estime que ce médecin de famille, qui devait l’aider, a empiré sa condition. Plates excuses De son côté, le Dr Michel, qui ne présentait aucun antécédent disciplinaire en 25 ans de pratique, a pleinement collaboré à l’enquête. Dès sa première rencontre avec l’enquêteur du syndic, il a aussitôt reconnu les faits, sans chercher à les minimiser. Il a ainsi admis avoir tenu des propos à connotation sexuelle par textos et avoir embrassé sa patiente à trois reprises, mais qu’ils ne se sont jamais vus à l’extérieur de l’hôpital et n’ont pas eu de relation sexuelle. Pour sa défense, le médecin a d’abord cru que la patiente s’intéressait à lui et il lui a donné son numéro de cellulaire en l’invitant à aller prendre un verre. Il dit avoir ensuite développé des sentiments envers elle et que ceux-ci semblaient partagés par l’intéressée. A posteriori, l’omnipraticien regrette ses gestes et convient qu’il a commis des erreurs en ayant initié et entretenu cette relation d’intimité avec sa patiente. Il n’avait pas d’ailleurs réalisé l’impact que cette relation a eu auprès d’elle et il déclare s’en excuser sincèrement, puisque telle n’était pas son intention. En démissionnant rapidement du tableau de l’Ordre, il s’est également excusé auprès du Collège et de ses pairs pour les impacts négatifs de sa conduite sur la confiance du public et le discrédit que cela a pu entraîner.

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