Un cours d'autocompassion pour aider les médecins à se relever

Onze médecins suivent actuellement le cours autocompassion en pleine conscience donné par la Dre Brigitte Bédard, qui s’intéresse depuis cinq ans aux bienfaits de cette pratique chez les médecins. Le suicide d’un médecin résident, dont elle était la mentor, lui a donné la motivation pour venir en aide aux soignants au bout du rouleau. «L’autocompassion, c’est d’être capable d’accepter ses défauts. C’est d’essayer d’être ami avec soi-même et de se soutenir quand c’est difficile. C’est aussi de ne pas trop se taper sur la tête quand j’ai fait une gaffe», souligne la Dre Bédard qui a suivi sa formation pour devenir enseignante d’autocompassion en pleine conscience à l’Université du Massachusetts, aux États-Unis. Dans un système où les médecins n’ont pas le droit à l’erreur et dans lequel ils doivent éviter de démontrer leur vulnérabilité, ceux-ci reçoivent peu de compassion de leurs patients, affirme l’omnipraticienne. Pourtant, les médecins doivent chaque jour exprimer leur compassion envers ses patients. «Les patients veulent notre compassion, mais de notre côté, nous n’en recevons pas. Ainsi, le médecin qui ne reçoit jamais de compassion, mais qui doit en donner à tout le monde se coupe des autres et de ses émotions et devient un docteur froid et arrogant qui regarde le patient de haut. Ce médecin n’est plus capable d’être ému par les histoires incroyables de leurs patients», explique l’omnipraticienne. Même entre collègues de travail, il y a très peu de compassion, dit-elle. «Il n’y pas d’entraide entre les médecins. Nous sommes dans une situation de survie où l’on s’est coupé de la blessure de l’autre.» Pour soutenir son propos, la Dre Bédard raconte qu’une médecin a été obligée de travailler le lendemain du décès de sa mère. «Comment se fait-il qu’il n’y a pas de compassion entre docteurs?» se demande l’enseignante. Énormément de souffrance À défaut de recevoir de la compassion de la part de ses patients ou de ses collègues, chaque médecin devrait diriger cette compassion vers lui-même, croit la Dre Brigitte Bédard. «Il faut porter attention à son cœur, sinon personne ne va le faire.» Depuis quelques semaines, les médecins de son cours, qui sont tous en arrêt de travail depuis au moins un an, ont décidé de le faire. «Il y a énormément de souffrance, mais aussi beaucoup de résilience, d’intelligence et de force. Les histoires me bouleversent chaque fois. Ce sont tous des médecins qui veulent aider, mais qui ont été brisés par le système», raconte celle qui a également enseigné ce cours à des étudiants de la Faculté de médecine de l'Université McGill. Le programme inclut huit cours d’environ trois heures. Il propose des méditations, des discussions de groupe et des exercices à domicile. Ce programme se base sur les travaux des psychologues Kristin Neff et Christopher Germer. Par exemple, lors d’une méditation, l’enseignante peut inviter les participants à fermer les yeux, respirer profondément et réfléchir à un de leurs problèmes. L’enseignante invite alors les médecins à laisser la place à l’inconfort et à s’ouvrir à leur souffrance et à l’apprivoiser. Des émotions difficiles et douloureuses peuvent se manifester pendant la pratique d’autocompassion. Accepter l'échec Durant la formation, la Dre Bédard aborde les trois principes de base de l’autocompassion: la bienveillance envers soi, l’humanité commune et la pleine conscience. La bienveillance envers soi permet de s’offrir le même soutien que l’on apporterait à autrui et d’accepter les échecs plutôt que de les condamner. L’humanité commune permet de comprendre que la douleur et les échecs font partis de l’expérience de tous les humains. Finalement, la pleine conscience permet de rester ancré dans le présent et d'accepter notre expérience avec plus d’aisance. La Dre Brigitte Bédard souhaite que cette méthode se répande au sein du corps médical et qu’elle permette aux médecins de famille de ne pas quitter leur poste pour une autre profession ou une retraite précipitée. «Je suis animée par l’urgence de dénoncer l’exode massif de médecins. Quand nous aurons perdu 50% de nos médecins, il sera trop tard et la population va en souffrir.»

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