Trouble obsessionnel-compulsif, dépressif ou anxieux?

On pensait déjà tout savoir des pensées intrusives qui caractérisent le trouble obsessionnel-compulsif (TOC), mais Jean-Sébastien Audet, stagiaire postdoctoral à l’Université Laval, a décidé de creuser cette question. Dans une revue systématique de 15 articles comptabilisant 1891 participants, il a comparé les caractéristiques distinctives des pensées intrusives chez les personnes avec et sans TOC, ou aux prises avec un trouble anxieux ou dépressif. «Les caractéristiques qui semblent être les plus spécifiques aux obsessions dans le TOC sont la fréquence, la détresse et leur persistance dans le temps», résume Jean-Sébastien Audet, premier auteur. Les résultats, parus le 22 juillet dans Clinical Psychology & Psychotherapy, montrent que ces pensées causent plus de détresse, de culpabilité et d’émotions négatives chez les personnes vivant avec des TOC, comparativement à la population générale. Il ressort aussi de l’étude que de nombreuses particularités des obsessions dans le TOC se distinguent de celles des autres troubles anxieux ou dépressif, comme la culpabilité, l’égodystonique, l'acceptabilité et l'incontrôlabilité des pensées. Le manque de preuves directes, c’est-à-dire d’informations internes ou externes au sujet qui valident la peur, constitue aussi une différence majeure. Par exemple, malgré le fait d’avoir barré une porte, une personne avec un TOC aura encore peur de ne pas l’avoir fait, même après l’avoir vérifié. «La personne va rejeter l’information tangible, réelle, au profit de l’information qui viendrait de son imaginaire, d’informations hypothétiques», explique Jean-Sébastien Audet. Question de définition Les revues systématiques précédentes s’étaient surtout concentrées sur le contenu des pensées intrusives dans le TOC, et non pas sur ses caractéristiques. «On a trouvé assez peu d’articles [sur ce sujet]», souligne Jean-Sébastien Audet. La définition du TOC dans le DSM-5, le manuel de référence publié par l'Association américaine de psychiatrie «correspond assez bien» aux observations du chercheur. Cependant, «à la lumière de ce qu’on a vu dans la littérature, il y a peut-être des spécificités qui pourraient être un peu améliorées, surtout au niveau du diagnostic différentiel», indique-t-il. «Parfois, il y a beaucoup de similitudes entre les pensées obsessionnelles compulsives, la dépression ou l'anxiété généralisée qu’on voit souvent en clinique, et dont le diagnostic est souvent confondu avec le TOC», explique-t-il. À l’inverse d’autres troubles, les obsessions dans le TOC sont involontaires et non-productives, ce que reconnaît le sujet. Diagnostiquer rapidement Tout le monde peut être confronté à des pensées intrusives passagères. Des études ont même montré que «sur un échantillon de 400 personnes, 100% rapportent une idée intrusive dans les trois derniers mois», indique Jean-Sébastien Audet. Cependant, de très nombreuses années peuvent s’écouler entre l’apparition d’un TOC et la première consultation, ce qui laisse au trouble le temps de s’installer et de causer des dommages. Les personnes avec un TOC ont un risque plus élevé de dépression à cause des difficultés à conserver un travail et des relations familiales et amoureuses. Un trouble anxieux, comme une phobie sociale, peut également se développer. Il s’agit d’un trouble source de beaucoup de détresse car les obsessions qu’il génère sont en contradiction avec la façon dont le sujet se perçoit et agit. Par exemple, «les gens qui ont peur de faire mal aux autres sont ceux qui passent le plus de temps à s’excuser, à penser si les autres sont corrects», explique Jean-Sébastien Audet. «Le moment pour en parler, c’est quand on a le sentiment que [la situation] n’est pas normale», insiste-t-il. Un médecin de famille peut alors évaluer la présence du TOC et référer le patient à un psychiatre pour accéder à la psychothérapie. Thérapies La psychothérapie cognitive comportementale est considérée comme la plus efficace contre le TOC. «On va regarder quelles sont les croyances de la personne en lien avec cette obsession pour essayer de la convaincre que son obsession n’est pas dangereuse», indique Jean-Sébastien Audet. La thérapie par exposition et prévention de la réponse est une autre possibilité. Les patients établissent une hiérarchie de leurs peurs et s’y exposent sans reproduire leur compulsion. Mais cette approche n’est pas toujours la plus adaptée. Jean-Sébastien Audet donne l’exemple d’une patiente qui avait peur que le diable vole son âme. «Pour quelqu’un de croyant, aller en enfer pour l’éternité est un gros risque à prendre pour tester quelque chose», explique-t-il. C’est pourquoi le chercheur et son équipe misent sur la thérapie cognitive comportementale basée sur les inférences, qui cherche à comprendre le raisonnement derrière l’obsession afin que le patient se rende compte que ses peurs sont infondées. Les résultats préliminaires d’un essai clinique de non-infériorité montrent que cette thérapie n’est pas moins bonne que l’exposition à la prévention de la réponse.

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