Trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité: Des soins en collaboration et un traitement personnalisé sont la clé du succès

Le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) est le trouble psychiatrique le plus fréquemment diagnostiqué chez les enfants canadiens, touchant environ 5 à 12 % de cette population (8 % étant le chiffre le plus couramment avancé). La grande majorité des cas – plus des deux tiers – persisteront à l’âge adulte, tout comme les nombreux effets psychosociaux liés à cette affection. Ces effets sont notamment une faible estime de soi, un sentiment d’échec persistant, une moins bonne qualité de vie, de l’anxiété, et plus encore. La recherche donne également à penser que les patients atteints de TDAH présentent un risque significativement accru de voir apparaître d’autres pathologies à médiation dopaminergique telles que la dépression, l’anxiété, des problèmes de toxicomanie et de comportement, le trouble bipolaire et même le trouble de stress post-traumatique.Le diagnostic du TDAH est généralement mieux compris lorsqu’il est établi chez des enfants et des adolescents que chez des adultes. Il existe ainsi une plus grande disponibilité des ressources de prise en charge au-delà du traitement pharmacologique pour les patients plus jeunes. Les critères diagnostiques actuels tirés du DSM-IV se concentrent sur des schémas comportementaux, notamment les symptômes persistants d’inattention et d’hyperactivité/ impulsivité entraînant avec le temps une difficulté significative dans des contextes multiples. Des profils de symptômes sont utilisés pour classer les patients en fonction du sous-type de TDAH qui prédomine chez eux : l’inattention, l’hyperactivité-impulsivité, combiné ou non spécifique.« Il est absolument crucial de détecter tôt le TDAH et de traiter les personnes atteintes d’emblée, car le risque d’échec à long terme est extrêmement élevé », dit Joel Lamoure, pharmacien spécialisé en santé mentale et professeur adjoint aux départements de psychiatrie et de médecine à la Schulich School of Medicine and Dentistry de London (Ontario).La troisième édition des Lignes directrices canadiennes sur le TDAH (2011) de CADDRA (Canadian ADHD Resource Alliance) souligne que le TDAH nécessite un modèle de soins collaboratif fournissant un traitement personnalisé aux patients autonomes qui sont engagés dans leur processus de traitement. La prise en charge du TDAH pédiatrique comprend le plus souvent une combinaison d’interventions psychosociales et pharmacologiques. La majorité des cas peuvent être pris en charge dans un établissement de soins primaires, bien qu’il soit préférable d’orienter vers un spécialiste les patients âgés de six ans ou moins et ceux qui ont besoin d’une combinaison de médicaments avant que leur réponse au traitement soit adéquate.« Une fois que le diagnostic est confirmé, le patient doit savoir et comprendre ce qu’est le TDAH, et les mécanismes d’adaptation qu’il est possible de mettre en place afin de l’aider, explique la Dre Annick Vincent, professeure de clinique en psychiatrie à l’Université Laval et membre du comité de rédaction des lignes directrices de CADDRA. Les cliniciens doivent d’abord se familiariser eux-mêmes à l’aide de livres et de sites Web utiles, et avec des groupes de soutien conçus pour aider les enfants atteints de TDAH à fonctionner de façon optimale – les familles qui doivent composer avec ce diagnostic ont besoin d’un soutien solide et constant. »Il a été démontré que les interventions psychosociales faisant partie du programme de traitement collaboratif et multimodal, ainsi que les médicaments, améliorent les habiletés sociales, les performances scolaires, les relations interfamiliales et le soutien parental, le respect des approches thérapeutiques, et entraînent d’autres résultats positifs. Selon les recommandations de CADDRA, les modalités psychothérapeutiques telles que les thérapies interpersonnelle, familiale et cognitivo-comportementale ainsi que le soutien psychologique ne sont utilisées que dans le cas d’adolescents et d’adultes qui ne présentent pas de trouble comorbide tel que la dépression.Les médicaments de première intention dont l’utilisation chez les patients atteints de TDAH est approuvée au Canada comprennent les psychostimulants à longue durée d’action – les sels mixtes d’amphétamine (Adderall XR), le chlorhydrate de méthylphénidate (Biphentin et Concerta), le dimesylate lisdexamfétamine (Vyvanse) et l’atomoxétine, un inhibiteur du recaptage de la noradrénaline à longue durée d’action (Strattera). Les médicaments de deuxième intention sont le sulfate de dextroamphétamine (Dexédrine, Dexédrine Spansule) et le chlorhydrate de méthylphénidate (Ritalin, Ritalin SR) à durée d’action courte ou intermédiaire. L’imipramine, le bupropion, le modafinil et autres sont considérés comme des médicaments de troisième intention, non indiqués pour le TDAH que seul un médecin spécialiste peut prescrire.« Dans de nombreuses juridictions canadiennes, les médicaments à longue durée d’action constituent le choix de première intention principalement parce qu’ils offrent un contrôle des symptômes couvrant toute la journée, explique la Dre Vincent. C’est important en particulier en termes d’observance et de réduction des risques. Une dose donnée le matin signifie que l’enfant n’aura pas besoin d’emmener un comprimé avec lui à l’école, comprimé qu’il pourrait oublier de prendre ou refuser de prendre parce qu’il sent qu’il n’en a pas besoin ou en raison de la pression exercée par ses pairs (« tu es plus drôle quand tu ne prends pas tes médicaments »), explique-t-elle. Les enfants qui doivent quitter leur classe pour recevoir leur médicament au secrétariat de l’école risquent de révéler leur diagnostic confidentiel, ce qui pourrait les exposer à la stigmatisation significative associée au TDAH. Les stimulants qu’il est possible d’écraser et de priser ou de dissoudre et d’injecter pourraient être vendus ou volés et faire l’objet d’abus.Tous les médicaments indiqués pour le TDAH ne sont pas égaux même s’ils contiennent le même ingrédient actif. Par exemple, la dose initiale de Biphentin fournit 40 % de la dose quotidienne de méthylphénidate alors que Concerta en fournit 22 %; les deux médicaments atteignent leur effet total par libération prolongée de la dose en 8 à 12 heures, en fonction de la façon dont ils sont métabolisés.« Certaines personnes réagissent mieux à l’un qu’à l’autre, dit la Dre Vincent. Ces médicaments diffèrent beaucoup, même s’ils contiennent le même composant. Il est essentiel que les médecins qui traitent des enfants et des adolescents atteints de TDAH se familiarisent avec ces différences parfois subtiles de façon à individualiser le traitement afin qu’il réponde aux besoins individuels des patients. »Des considérations d’ordre général sur le choix des médicaments sont résumées au tableau I. La Dre Vincent a relevé que tous les médicaments conseillés dans les lignes directrices de CADDRA sont indiqués pour tous les âges avec des différences concernant les doses de départ et les doses maximales ainsi que les schémas posologiques.« Les considérations principales en matière de médicament pour un patient qui n’a jamais reçu de traitement sont le coût, la durée de l’effet, le moment de la journée où il est nécessaire que le patient ressente l’effet, le fait qu’il puisse ou non avaler des comprimés (il est possible de diluer Vyvanse dans de l’eau et d’ajouter Adderall XR et Biphentin à des aliments), et ce que préfère le patient. S’il entend de bonnes choses sur un certain médicament venant d’un ami ou d’un membre de sa famille, il sera plus enclin à prendre ce médicament. Ce sont ces types de questions que doivent poser les médecins et les pharmaciens. »Selon M. Lamoure, il est essentiel d’impliquer le patient et sa famille dans le processus de traitement pour réussir, mais cela nécessite plus que de simples paroles.« Les médecins et les pharmaciens pensent souvent savoir de quoi le patient a besoin, mais nous ne savons pas toujours simplement le leur demander, a-t-il dit. Nous pensons que le succès est de mieux réussir à l’école, mais pour l’adolescent, ce sera d’aller jouer au baseball après l’école ou d’aller passer une nuit chez un ami. Il s’agit de définir le succès, ce qui nous permet de mesurer les résultats et de pouvoir ajuster les doses de médicaments pour l’atteindre – et le patient adoptera le traitement si les objectifs sont les siens.Si nous ajustons le médicament de façon à ce que les patients ne fonctionnent que de 8 heures à 16 heures, que se passera-t-il le reste de la journée ? Leur protection n’est pas complète et ils pourraient réussir à l’école mais connaître des échecs dans leur environnement social. Les médicaments doivent être efficaces pendant toute la journée qu’ils passent à se comporter et à interagir avec d’autres personnes. » Les autres éléments importants à prendre en compte dans le traitement du TDAH que se partage l’équipe de soins axés sur la collaboration sont :1. L’observance• Les patients souffrant de TDAH, en particulier les adolescents, ne respectent pas bien leur traitement. Selon une analyse récente, la non-observance pourrait atteindre 64 %; d’autres estimations suggèrent qu’elle atteint 80 %. « Nous devons chercher pourquoi les patients ne prennent pas leur médicament – est-ce en raison des effets secondaires ou parce qu’ils pensent ne plus en avoir besoin ? L’objectif est de trouver le médicament qui leur permet d’être eux-mêmes, dit la Dre Vincent. Encore une fois, lorsque nous traitons un enfant atteint de TDAH, nous avons tendance à parler aux parents, mais nous devrions tous demander aux enfants comment ils se sentent, ou s’ils pensent que leur médicament les aide ou pas. Il arrive qu’on entende une autre histoire. »• Si le problème est l’oubli de prendre son médicament, l’utilisation de plaquettes alvéolées ou d’autres systèmes de distribution peut aider, ainsi que les agents à longue durée d’action administrés le matin à la maison.2. Les effets secondaires• Les effets secondaires habituels sont les insomnies, la sécheresse buccale, une perte d’appétit et des symptômes cardiaques tels que l’hypertension artérielle et des palpitations cardiaques. Des recommandations spécifiques sur les façons de gérer ces effets secondaires figurent au document de support 7C des lignes directrices canadiennes. Les médecins et les pharmaciens doivent dépister ces effets indésirables lors de chaque visite – le formulaire CADDRA de suivi pharmacologique peut servir au patient d’outil d’auto-évaluation.3. Le changement de médicament• Le changement d’un médicament unique en raison de la persistance de ses effets secondaires ou de réponses partielles peut être pris en charge en soins primaires. C’est lors d’une consultation avec le patient et sa famille qu’il faudrait le faire afin d’éviter les périodes critiques dans la vie du patient, comme les examens scolaires ou les compétitions sportives éliminatoires. Les patients plus âgés qui prennent un médicament à longue durée d’action peuvent essayer de nouveaux médicaments pendant les fins de semaine en reprenant leur premier médicament le lundi, jusqu’à ce qu’une molécule convenant mieux soit identifiée.• Les stratégies d’augmentation de dose et de combinaisons médicamenteuses doivent être commencées et prises en charge par un médecin spécialiste.4. La durée du traitement• Le traitement pharmacologique pourra être ajusté pour une efficacité maximale au cours de toute la journée, pas seulement pendant les heures d’école.• Le TDAH est une maladie chronique et les supposés « congés thérapeutiques » ne sont plus considérés comme utiles ou appropriés.5. Le suivi• Les évaluations de suivi doivent avoir lieu toutes les trois à quatre semaines jusqu’à l’obtention de l’optimisation du médicament. Puisque les enfants traversent des périodes de changements rapides au cours de leur développement, les consultations de suivi doivent être menées tous les six mois pour les patients stabilisés et tous les trois mois pour les cas complexes. Les pédiatres et médecins de premier recours peuvent mener ces visites de suivi.Ressources sur le TDAHCanadian ADHD Resource Alliance (CADDRA) : www.caddra.caDes informations générales sur le TDAH par la Dre Annick Vincent : www.attentiondeficit-info.comCentre for ADHD Awareness Canada (CADDAC) : Une organisation faîtière nationale qui fait autorité en matière d’éducation et qui appuie les organisations qui se consacrent au TDAH et aux particuliers qui en sont atteints. www.caddac.caPANDA (Parents Aptes à Négocier avec le trouble du Déficit de l’Attention) : Ce site Web fournit des renseignements sur les groupes PANDA locaux et provinciaux, des informations, des ressources et des liens concernant le TDAH/TDA.

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