TDAH: des risques liés à l’utilisation prolongée des médicaments

Utilisés à long terme et à plus forte dose, les médicaments contre le trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) sont associés à un risque accru de maladie cardiovasculaire (MCV), dont les plus préoccupantes sont l’hypertension et les maladies artérielles.Alors que les étiquettes d'avertissement recommandent déjà d'éviter les médicaments chez les patients présentant une pathologie cardiaque connue, les nouvelles conclusions suggèrent que les patients en bonne santé sans maladie cardiovasculaire préexistante peuvent être exposés à un risque accru de maladie cardiovasculaire. De plus, le risque augmente avec la durée et le dosage du traitement«Les cliniciens doivent surveiller avec une grande vigilance les signes et symptômes de maladies cardiovasculaires, en particulier chez les patients recevant des doses élevées», estime la Dre Le Zhang, chercheuse post-doctorale à l'Institut Karolinska en Suède et coautrice d’une étude publiée dans le JAMA Psychiatry. Cette dernière a examiné les taux de MCV incidentes chez les personnes atteintes de TDAH à l'aide d'une base de données nationale en Suède. À lire aussi: Le temps d'écran exacerbe les symptômes du TDAH, dit une étudeCes travaux ont été motivés par des études antérieures qui laissaient entendre que les médicaments contre le TDAH pouvaient accroître le risque de MCV, ainsi que par plusieurs essais cliniques ayant déjà démontré un lien entre ces médicaments et l'augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle.Toutefois, «rien ne montrait clairement si ces effets pouvaient se traduire par des diagnostics cardiovasculaires cliniquement significatifs à long terme. Notre hypothèse était que les médicaments contre le TDAH pouvaient augmenter le risque de MCV en stimulant potentiellement le système nerveux sympathique», précise la chercheuse au Medical Post.Un risque accru chez les enfants présentant des MCVEn effet, selon une synthèse parue dans Paediatric Drugs en 2010, les médicaments contre le TDAH ont des conséquences cardiovasculaires en raison des effets catécholaminergiques centraux et périphériques qui entraînent des augmentations significatives de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle. Mais leur impact chez les enfants ne souffrant pas de MCV préexistantes n’avait pas été établi. Bien que les événements cardiovasculaires graves aient été rares selon les auteurs, ces médicaments faisaient courir un risque accru aux enfants présentant une pathologie cardiaque préexistante. Les mises en garde apposées sur les étiquettes des médicaments déconseillent déjà leur utilisation chez les patients présentant une pathologie cardiaque.À lire aussi: TDAH: les erreurs médicamenteuses ont augmenté de près de 300% depuis 2000À première vue, les nouvelles conclusions de la Dre Zhang et de ses collègues semblent aller à l'encontre d'une étude qu'elle et son équipe avaient publiée dans JAMA Network Open en 2022. Cette méta-analyse de 19 études concluait qu'il n'y avait «pas d'association statistiquement significative entre les médicaments contre le TDAH et le risque de MCV dans tous les groupes d'âge.»Toutefois, les données provenaient d'études dont la durée de suivi variait avec une moyenne de 1,5 ans, et n’ont pas pu déterminer la régularité avec laquelle les patients prenaient leurs médicaments au fil du temps.Une durée de traitement plus longue expose à un risque accru de MCVDans cette nouvelle étude, «nous avons examiné l'utilisation cumulative des médicaments contre le TDAH et la dose moyenne de ces médicaments. Cette approche nous a permis d'étudier les schémas d'utilisation à long terme dans le monde réel et la relation dose-réponse», explique Le Zhang.L'étude cas-témoins a porté sur toutes les personnes résidant en Suède, âgées de 6 à 64 ans, chez qui un diagnostic de TDAH a été posé ou ayant reçu des médicaments contre le TDAH entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2020. Les personnes ayant utilisé des médicaments contre le TDAH pour des indications autres que le TDAH ont été exclues, de même que les personnes ayant des antécédents de MCV.Les chercheurs ont ensuite vérifié s'il existait un lien entre la prise de médicaments contre le TDAH et certaines formes de MCV, notamment l'arythmie, les maladies artérielles, les maladies cérébrovasculaires, l'insuffisance cardiaque, l'hypertension, les cardiopathies ischémiques et les maladies thromboemboliques.Des médicaments spécifiques ont également été examinés: des médicaments stimulants comme le méthylphénidate, l'amphétamine, la dexamphétamine et la lisdexamfétamine, ainsi que des médicaments non stimulants tels que l'atomoxétine et la guanfacine.Cependant, «nous n'avons pas examiné séparément la guanfacine, l'amphétamine ou la dexamphétamine en raison d'un manque de puissance statistique. La guanfacine n'a été prescrite en Suède qu’à partir de 2014, et l'amphétamine l’a rarement été pendant la période de l'étude», précise la coautrice.À lire aussi: Entrevue avec le Dr Martin Gignac: Plus d’interdisciplinarité pour un meilleur diagnostic du TDAHL'étude a ainsi porté sur 10 388 personnes âgées de 6 à 64 ans (âge médian de 34,6 ans au début de l’étude) chez qui un diagnostic de TDAH avait été posé. Parmi elles, 6154 (59,2%) étaient des hommes et 4234 (40,8%) des femmes. Il y avait 51 672 témoins appariés.Le méthylphénidate était le médicament le plus utilisé, suivi de l'atomoxétine et de la lisdexamfétamine. Les formes les plus courantes de MCV étaient l'hypertension (4210 personnes, soit 40,5%), et l'arythmie (1310 personnes, soit 12,6%).De manière générale, «une durée cumulée plus longue d'utilisation des médicaments contre le TDAH a été associée à un risque accru de MCV par rapport à une absence d’utilisation», indique l'étude.En effet, chaque année supplémentaire d'utilisation de médicaments contre le TDAH a été associée à une augmentation de 4% du risque de MCV, et l'augmentation correspondante pour les trois premières années d'utilisation de médicaments était plus élevée, à savoir 8%. Des résultats similaires ont été observés chez les enfants, les adolescents, les adultes, les hommes et les femmes. Plus de risque si la DDD est dépasséeÀ l'instar de la durée, le dosage semble aussi avoir un effet, dans la mesure où le risque de MCV augmente d'autant plus que la dose moyenne est élevée. Un phénomène mesuré à l'aide de la «dose journalière définie» (DDD), une mesure établie par l'Organisation mondiale de la santé et qui peut être utilisée pour les comparaisons internationales. Il s'agit de «la dose d’entretien moyenne présumée par jour pour un médicament utilisé pour son indication principale chez l'adulte».L'étude a révélé que le risque accru de MCV était significativement élevé chez les personnes dont la dose moyenne était au moins 1,5 fois supérieure à la DDD.Par exemple, chez les personnes ayant une DDD moyenne de 1,5 à 2 ou moins pour un médicament tel que le méthylphénidate, «chaque année supplémentaire de consommation était associée à une augmentation de 4% du risque de MCV», établit l'étude.À lire aussi: QUIZ - Prendre en charge l’hypertensionL'examen des MCV spécifiques a révélé que l'utilisation à long terme de médicaments contre le TDAH était associée à un risque accru d'hypertension et de maladie artérielle nettement plus élevé que chez les personnes qui n'utilisaient pas ces médicaments.«Toutefois, nous n'avons pas observé d'augmentation statistiquement significative du risque d'arythmie, d'insuffisance cardiaque, de cardiopathie ischémique, de maladie thromboembolique ou de maladie cérébrovasculaire», déclarent les chercheurs.L'utilisation à long terme du méthylphénidate et de la lisdexamfétamine a été associée à un risque accru de MCV au cours des trois premières années d'utilisation, tandis que le risque lié à l'utilisation de l'atomoxétine n'a été significatif que pendant la première année d'utilisation. Ces risques se sont ensuite stabilisés.La Dre Le Zhang souligne enfin que «cette étude d'observation ne permet pas de déduire des interprétations causales.»

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