Substitution d'un biologique par un biosimilaire: peu de données sur l'innocuité, conclut l'INESSS

Alors que Québec favorise l’utilisation des biosimilaires afin de réduire le coût des médicaments, très peu de données sont disponibles sur l’innocuité de la substitution d’un médicament biologique par un biosimilaire, conclut un rapport de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) daté du 1er juin.Lorsque des données scientifiques sont disponibles, la plupart «comportent des limites méthodologiques et soulèvent des incertitudes importantes», observe le groupe d’experts composé de 19 médecins et pharmaciens ayant participé au rapport.Pour rédiger ce document, les auteurs ont effectué une revue systématique de la littérature (lignes directrices, guides pratiques cliniques, énoncés de position et autres documents) publiée entre janvier 2013 et décembre 2019.Leurs recherches n’ont pas permis de mettre en évidence une différence statistiquement significative entre les personnes chez qui une substitution de traitement a été effectuée et les personnes qui ont poursuivi leur traitement initial. Cela concerne autant la perte d’efficacité du traitement, l’immunogénécité, le taux de rétention et les effets indésirables.Les données probantes appuyant la substitution du médicament biologique varient beaucoup d’une pathologie à l’autre, constate le pharmacien propriétaire Christophe Augé, qui fait partie du groupe d’experts. «Par exemple, je ne suis absolument pas stressé lorsque je change une insuline pour un biosimilaire. Par contre, ça peut être plus stressant pour ce qui est des médicaments en oncologie ou en gastroentérologie.»Non à une substitution obligatoirePar ailleurs, la décision de substituer un médicament biologique par un biosimilaire doit être prise par le patient et le médecin et non par le gouvernement, avertissent les cliniciens. Ceux-ci craignent, entre autres, qu’une politique de substitution obligatoire puisse déstabiliser des patients représentant des cas complexes et pour lesquels peu d’options de traitement sont disponibles.De plus, selon eux, le médecin est la personne la mieux placée pour bien évaluer le risque d’une substitution de traitement chez un patient.En 2019, la Colombie-Britannique est devenue la première province canadienne à adopter une telle politique. L’Alberta lui a emboîté le pas quelques mois plus tard. De son côté, l’Ontario est en période de consultation sur la pertinence d’instaurer une politique de substitution obligatoire similaire aux deux autres provinces.Dans l’éventualité où une politique de substitution non médicale serait mise en place au Québec, le groupe d’experts souligne que la transition «devrait être progressive et viser principalement les personnes stables et sans condition particulière».Le ministère de la Santé et des Services sociaux a mis en place en 2017 des règles restrictives favorisant l’expansion du marché des biosimilaires. Ces règles veulent que tous les patients naïfs soient traités avec un biosimilaire inscrit à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et que les coûts du médicament biologique de référence ne soient couverts que pour certains patients.Malgré tout, l’industrie du biosimilaire n’a pas encore réussi à prendre de l’expansion pour stimuler le marché. «Les investissements de certains fabricants ne génèrent pas assez de profits, ce qui ne favorise pas le développement du marché», observe l’INESSS.Ainsi, l’usage des biosimilaires demeure très faible dans la province. En 2019, les biosimilaires représentaient 3 % du nombre d’ordonnances admissibles, estimaient Jim Keon, président de Biosimilaires Canada et de l’Association canadienne du médicament générique, et Michel Robidoux, président et chef de la direction de Sandoz Canada, dans une lettre publiée dans La Presse, en juin 2019.En comparaison, l’utilisation de ces médicaments est très répandue en Europe, atteignant jusqu’à 80 % du nombre d’ordonnances dans certains pays, poursuivaient-ils.150 M$ par annéeSelon MM Keon et Robidoux, le gouvernement québécois pourrait économiser plus de 150 millions de dollars par année en favorisant une transition harmonieuse vers les options biosimilaires pour les patients utilisant déjà un médicament de référence.«Sans un usage optimal des biosimilaires, la progression importante de l’usage des médicaments biologiques pourrait créer une pression financière intenable pour les régimes publics d’assurance médicaments, ce qui pourrait compromettre grandement l’accès aux thérapies innovatrices», indique le rapport de l’INESSS.Malgré cela, les professionnels de la santé sont peu sensibilisés à l’aspect pharmacoéconomique, estime Christophe Augé. «Ils se demandent pourquoi changer un médicament s’il convient aux patients. C’est la même chose pour un générique : l’avantage n’est pas pour le patient, mais pour la société. Le gouvernement doit mieux promouvoir les avantages financiers de cette transition vers les biosimilaires.»Lire le rapport de l'INESSS

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