Sclérose latérale amyotrophique: un probiotique porteur d’espoir

Le hasard fait parfois bien les choses. L’équipe du professeur de neurosciences Alex Parker s’est vue confier par un fabricant de probiotiques une panoplie de 13 souches bactériennes différentes. En les testant sur des vers C. elegans, un modèle animal utilisé pour étudier la sclérose latérale amyotrophique (SLA), ils se sont aperçus que l’une d’entre elles, dénommée Lactase Bacillus rhamnosus HA-114, prévient la neurodégénérescence chez ces nématodes d’un millimètre qui partagent 60% de leur bagage génétique avec l’humain; bagage qui, dans ce cas-ci, a été modifié à l’aide de gènes associés à la SLA. Ce fut «une surprise totale», admet Audrey Labarre, la stagiaire postdoctorale s’estimant «très chanceuse». «Quand on fait de la science, des fois on pense avoir un bon filon, mais ça ne fonctionne pas. [Là], on a mis le doigt sur quelque chose qui est porteur d’espoir pour les patients atteints de SLA», indique la membre de l’équipe d’Alex Parker qui a signé comme première auteure l’étude publiée dans la revue Communications Biology étayant sa trouvaille. Dans celle-ci, les chercheurs émettent l’hypothèse que la perturbation du métabolisme des lipides contribue à la dégénérescence cérébrale et ils montrent que le probiotique HA-114, qui n’est pas encore commercialisé, contribue à la prévenir d’une manière unique. «Il stoppe la progression de la dégénérescence des motoneurones. La particularité de HA-114 tient dans sa teneur en acides gras qui sont utilisés par les cellules des vers comme source d’énergie et sans doute par leurs neurones», indique le professeur de l’Université de Montréal, Alex Parker, l’auteur principal de l’étude. Les personnes qui développent la SLA — 3000 Canadiens en sont atteints — voient leurs motoneurones se dégrader progressivement. Elles perdent ainsi leurs capacités musculaires jusqu’à la paralysie complète, leur espérance de vie étant en moyenne de trois à cinq ans après le diagnostic. «Plusieurs études récentes montrent que la perturbation du microbiote intestinal jouerait un rôle dans l’apparition et la progression de nombreuses maladies neurodégénératives, dont la SLA et la maladie de Huntington, notamment. D’autres recherches suggèrent également que ces patients présentent un problème sur le métabolisme de l’énergie. Si on connaît mieux ce mécanisme, on pourra explorer de nouvelles avenues thérapeutiques», explique Alex Parker. Il signale par ailleurs qu’il n’existe pas encore de traitement curatif pour la SLA, mais que le HA-114 pourrait améliorer grandement la qualité de vie des patients, l’avantage étant que «les probiotiques ne provoquent pas d’effets secondaires, ce qui renforce l’observance». Des hypothèses à confirmer En essayant de mieux comprendre le processus du métabolisme de l’énergie par les cellules, les chercheurs se sont rendu compte que les gènes acdh-1 et acs-20 des vers C. elegans — que l’on retrouve chez l’humain dans des formes équivalentes — jouent un rôle clé dans la fonction neuroprotectrice associée au probiotique HA-114. Ces deux gènes agissent dans le métabolisme des lipides et de la bêta-oxydation, opération par laquelle les acides gras sont décomposés en énergie dans la mitochondrie. «On est en train de chercher comment HA-114 active ces gènes. On pense que quelque chose est sécrété au niveau de la paroi des cellules, vraisemblablement des enzymes qui utilisent HA-114 pour fonctionner», détaille le chercheur régulier de l’axe «neurosciences» au Centre de recherche du CHUM. Son équipe a testé ces hypothèses sur des souris et leurs travaux, qui devraient être publiés d’ici la fin de cette année, semblent prometteurs. Au printemps, des tests seront également menés sur des humains lors d’un essai clinique auprès d’une cohorte de 100 participants. Affaire à suivre.

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