Savoir dire «non»: petit guide à l’usage du pharmacien

Dans un monde où tout va trop vite et où la pression est constante, nous sommes souvent amenés à jongler avec de multiples engagements et responsabilités. C'est là que l'art de dire «non» se révèle indispensable. C'est particulièrement crucial pour nous, pharmaciens. Étant les professionnels de la santé les plus accessibles, nous sommes abordables, disponibles et faciles à contacter pour les patients. Si cela nous a permis de devenir des professionnels parmi les plus dignes de confiance, cela a également créé une attente selon laquelle nous sommes toujours là pour fournir des renseignements gratuits rapidement. Nous devons réajuster notre sentiment à l’égard du «non» et réaliser que dire «non» ne signifie pas que nous compromettons les soins aux patients, mais plutôt que nous les améliorons.Imaginez votre vie comme une toile où chaque tâche est un coup de pinceau qui façonne votre création. Si vous dites «oui» sans discernement, votre toile sera bientôt encombrée de coups de pinceau aléatoires, ne laissant aucune place à l'émergence d'une image cohérente. En adoptant l'art du «non», vous pouvez choisir les coups de pinceau qui apparaîtront sur votre toile. Vous avez ainsi la possibilité de créer un tableau qui vous ressemble vraiment et qui reflète ce qui est important pour vous.Dire NON au travailLe temps est la ressource la plus limitée et la plus précieuse que nous possédons. C’est vrai pour tout le monde, et surtout pour les pharmaciens. Contrairement à la plupart des autres professionnels, nous avons peu de contrôle sur notre charge de travail quotidienne. Nous sommes littéralement à la merci du fax (oui, cette machine que Xerox a inventée en 1964 et que personne d'autre n'utilise), des appels téléphoniques entrants (lorsque nous les prenons), et des patients sur place. Le temps est une ressource que nous ne pouvons jamais récupérer; une fois dépensé, il est perdu à jamais. Si nous ne respectons pas notre temps, comment pouvons-nous attendre de nos patients qu'ils le respectent? En disant «non» dans certaines situations, nous pouvons faire un meilleur usage de notre temps et accorder notre attention à ce qui importe le plus, autant à nous-mêmes qu’aux clients que nous servons.À lire aussi: Lâchez-moi avec l’accessibilitéDire «non» ne consiste pas à refuser le service ou les soins; il s'agit plutôt de définir des limites et de prioriser les tâches qui correspondent à notre rôle et nos responsabilités professionnelles. À mesure que notre rôle dans le système de santé continue d'évoluer, il est judicieux d'embrasser notre champ d'exercice dans toute son entièreté. Cela implique de s'éloigner de notre ancien rôle de distributeur de pilules et d’assumer un rôle plus axé sur le service. Avez-vous un technicien ou un ATP dans votre équipe? Tirez-vous pleinement profit de ses compétences pour vous concentrer sur la prestation de services professionnels?Faire passer un message sans prononcer réellement le mot «non» est une manière efficace de dire «non». Par exemple, lorsque le patient demande un service immédiat mais que vous avez deux personnes en attente pour un vaccin contre la grippe, quelqu'un en attente au téléphone et un conseil à donner, vous pouvez lui dire: «Je comprends que vous aimeriez une réponse immédiate. Vous pouvez patienter. Cela me fera plaisir de vous aider une fois que j'aurai terminé avec les autres clients. Je vous appellerai quand je serai disponible.» Cela est tiré du livre de Greg Mckeown, Essentialism, et suit le format: «Vous pouvez X. Cela me fera plaisir de Y.» Plutôt simple, non?Combien de fois avez-vous mis plus de pression sur vos épaules et celles de votre équipe en disant «oui» trop souvent? J'ai constaté que le fait de tout accepter érode les relations entre les pharmaciens et les techniciens. J'ai aussi vu que cela draine les collègues jusqu'à l'épuisement professionnel.«Les gens sont efficaces parce qu'ils disent non.» — Peter DruckerLa plupart d'entre nous sont devenus pharmaciens avec l'intention louable d'aider les patients. Parfois, cela peut conduire à des engagements excessifs. Je me souviens de la revue de performance pour contrôler la rapidité de préparation d'une ordonnance. La question posée aux patients n'était pas: «Votre ordonnance était-elle prête en 10 minutes?», mais plutôt: «Votre ordonnance était-elle prête dans les délais prévus?» Former le personnel pour qu'il ait des attentes réalistes facilite le déroulement des opérations et le travail d'équipe.Nous pouvons également exploiter la technologie pour planifier des consultations et fournir des services professionnels lorsque nous disposons de suffisamment de personnel. Bien que nous ne puissions pas contrôler les divers facteurs systémiques en jeu, nous pouvons contrôler la quantité de charbon que nous mettons dans le feu. Contrôlez ce que vous pouvez contrôler.À lire aussi: Pharmacie: quand les interruptions tuent la concentrationIl est légitime que les patients s'attendent à ce que nous soyons disponibles. Ce que nous devons nous rappeler, c'est que les patients n'attendent pas toujours que nous leur fournissions une solution sur-le-champ. J'ai souvent expliqué aux patients que je pouvais répondre à leur question, mais que j'aurais besoin de temps pour faire des recherches et que je les rappellerais d'ici la fin de la journée. Cela ne fonctionne pas si un patient veut recevoir un service rapidement ou si son problème est urgent, mais vous seriez surpris du nombre de patients qui acceptent que vous ou votre équipe preniez le temps. Nous nous mettons souvent une pression inutile en raison de nos attentes démesurées sur la manière dont nous devrions aider.L’élargissement du champ de pratique nécessite un changement de mentalité pour de nombreux pharmaciens. Cela implique de reconnaître que dire «non» n'est pas une action négative, mais une décision stratégique qui nous permet de mieux servir nos patients. Nous ressentons souvent la pression de dire «oui» pour rayer des choses de la liste au lieu de dire «oui» à des choses qui nous aident à évoluer.Dire NON dans la vieDire «non» ne signifie pas être négatif ou méprisant; c'est poser ses limites et faire des choix conscients. C'est comprendre qu'à chaque fois que nous disons «non» à quelque chose ou à quelqu'un, nous disons «oui» à quelque chose d'autre, quelque chose peut être plus en phase avec nos objectifs personnels ou nos valeurs, comme passer du temps de qualité avec nos proches, investir dans notre croissance personnelle, ou simplement prendre un moment pour respirer et nous détendre.La peur de manquer quelque chose, ou FOMO (fear of missing out), joue un rôle dans le fait de dire «oui» à des choses qui ne nous servent pas. C'est là que le recadrage prend tout son sens. Face à un choix, Mckeown recommande de remplacer la question «Comment vais-je me sentir si je rate cette opportunité?» par «Si je n'avais pas cette opportunité, combien serais-je prêt à sacrifier pour l'obtenir?». Cela nous aide à mettre une valeur sur notre temps.L'art de dire «non» consiste vraiment à embrasser le pouvoir de la priorisation. Commençons à définir des limites et à faire des choix conscients. Cela nous permettra de créer un tableau qui reflète vraiment qui nous sommes et ce qui compte le plus pour nous. Nous avons la liberté de choisir les coups de pinceau qui figureront sur notre toile. En acquérant cette compétence, nous sommes en mesure de soigner nos patients sans compromettre notre bien-être.

Savoir dire «non»: petit guide à l’usage du pharmacien

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes