Santé mentale des médecins: le diagnostic en demi-teinte du PAMQ

Le rapport annuel du Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ) constitue un baromètre assez fidèle de la santé mentale des cliniciens. Et pour cause: bon an, mal an, un médecin québécois sur vingt fait appel aux services de soutien par les pairs de l’organisme à but non lucratif. Pour 2022-2023, le tableau est contrasté. Les nouvelles demandes d’aide se sont stabilisées (976 contre 1046 en 2021-2022). «C’est une bonne nouvelle en soi», affirme la Dre Chantal Brien. Toutefois, poursuit la directrice de l’intervention, de la prévention et de la recherche du PAMQ, «nous constatons une augmentation du nombre de clients qui ont fait l’objet d’un suivi».D’une année sur l’autre, 1301 cliniciens (comparé à 1056 en 2021-2022) ont ainsi repris contact avec le médecin-conseil qui les épaulaient. En moyenne, ils ont eu besoin de deux à quatre rencontres pour surmonter leurs difficultés. «On est sorti de deux années pandémiques, mais les défis auxquels les médecins sont confrontés dans le cadre de leur pratique perdurent», explique la Dre Brien. Ses collègues et elle ont notamment remarqué qu’un plus grand nombre de cas présentent un degré élevé de complexité. «Les problématiques sont plus sourdes et peuvent concerner à la fois leurs sphères professionnelle, personnelle et familiale», ce qui requiert un accompagnement plus personnalisé.Les difficultés d’ordre professionnel — épuisement, surcharge de travail, (dés)organisation du milieu de pratique, contexte conflictuel, irritants divers et variés — demeurent le premier motif de consultation du PAMQ. Viennent ensuite les problèmes de santé mentale: détresse psychologique, stress exacerbé, troubles anxieux ou de l’humeur, etc. Les erreurs, les plaintes en déontologie et les poursuites judiciaires complétant le podium.Parmi les raisons d’appel à l’aide, les enjeux familiaux (problèmes conjugaux, ennuis avec les enfants, proche aidance) sont sensiblement en hausse, signale par ailleurs la Dre Brien qui explique cette tendance par une meilleure diffusion des services offerts par le PAMQ. «Plusieurs ont appris qu’on pouvait aussi répondre à leurs besoins de cet ordre-là», indique la médecin-conseil en précisant que le Programme n’intervient pas directement auprès de la famille, mais qu’il outille les médecins pour qu’ils puissent résoudre la situation.Dans le détail, la directrice de l’intervention, de la prévention et de la recherche du PAMQ observe un alourdissement de la charge cognitive de ses pairs au travail qui résulte de plusieurs facteurs. Les contraintes institutionnelles, politiques et administratives pèsent particulièrement dans la balance. Du côté des omnipraticiens, la paperasse et le temps passé à gérer les labos et les résultats d’examens «contribuent à la détérioration du sens et de l’essence de leur métier», note la Dre Brien. Si le projet de loi 15, adopté sous bâillon le week-end dernier, planait au-dessus de tous les cliniciens, il a principalement préoccupé les spécialistes. «Ils ne nous appelaient pas pour ça, mais ça fait partie des stresseurs.»Lire aussi: Pour sa santé mentale et son bien-être, quelles activités sportives privilégier? Globalement, le contexte actuel du réseau de la santé, miné par les pénuries de personnel, est également une grande source d’incertitude et d’inquiétude. «La réflexion autour du travail interdisciplinaire amène les médecins à se demander si c’est à eux de faire telle ou telle chose ou quel professionnel devrait la faire. Leurs fédérations et le gouvernement se posent aussi la question», note la médecin-conseil. Résultat: tout le monde est plus ou moins plongé dans l’expectative.En première ligne, les médecins de famille — qui restent année après année les premiers clients du PAMQ — subissent quant à eux une pression forte. «Ils se retrouvent au centre des décisions à prendre pour leurs patients. Ils doivent intégrer les inputs des différents professionnels de la santé impliqués au dossier alors qu’ils ont devant eux des personnes en attente de réponses immédiates. Ce n’est pas toujours évident à gérer», convient la Dre Brien.Un sujet encore tabouDans ce climat mouvant, davantage de médecins ont appelé cette année le PAMQ pour porter assistance à un collègue (77, contre 57 en 2021-2022). Grâce à une subvention de l’Institut de la pertinence des actes médicaux (IPAM), l’organisme est en train de concevoir un programme de formation ad hoc. Il sera destiné d’une part aux médecins gestionnaires et aux chefs de département afin de les outiller à faire face aux réalités de leur groupe et, d’autre part, aux médecins pour accroître leur aisance à approcher un collègue qui va moins bien.«La santé mentale demeure encore un sujet tabou. Moins chez la nouvelle génération, mais c’est une chose de consulter et c’en est une de dire exactement ce qui se passe», relativise la Dre Brien. Jeunes et moins jeunes, «les médecins nous consultent souvent par étapes. Au premier appel, ils nous parlent d’un enjeu. Au second, ils en rapportent un autre. Ça prend du temps pour qu’ils se livrent». Au final, ils en ressortent gagnants. Un sondage de satisfaction mené au printemps 2023 auprès de 572 médecins, résidents et étudiants en médecine ayant fait appel au PAMQ montre que pour 93% d’entre eux, cette expérience a eu des retombées positives sur leur vie professionnelle.

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