Réseau de la santé: le président du Collège dépeint un sombre tableau

Lorsqu’il est parti faire sa tournée des pôles de soins de santé du Québec, le président du Collège des médecins du Québec (CMQ), le Dr Mauril Gaudreault, ne s’imaginait sans doute pas qu’il dresserait pareil constat. «L’état du réseau est tel que le décrivent les médias au quotidien. Dans certains endroits auxquels les journalistes n’ont pas accès, c’est même pire. (…) Si le réseau n’a pas encore implosé, malgré toutes les prophéties, c’est assurément en raison de l’engagement du personnel à soigner le public», peut-on lire dans la conclusion du rapport présentant le bilan de ses visites aux quatre coins de la province, qui se sont déroulées entre mai et septembre 2022. Obtenu par ProfessionSanté.ca, ce document de 38 pages — disponible à la fin de cet article — détaille les résultats accablants d’un sondage sur l’accès aux soins, réalisé en amont de la tournée auprès du public et des médecins. Ils ont été corroborés par les rencontres effectuées par le président du Collège avec des PDG d’établissements et de centres hospitaliers, des membres de l’exécutif des conseils des médecins dentistes et pharmaciens (CMDP), des directeurs des services professionnels (DSP), des chefs de départements, les chefs de département régional de médecine générale (DRMG), des résidentes et résidents et des comités d’usagers. Parmi les constats généraux, le Dr Gaudreault s’est aperçu que l’enjeu de l’accessibilité est «plus dramatique dans certaines régions où des soins de santé ne sont carrément pas disponibles. Les listes d’attente pour des chirurgies ou des soins spécialisés sont asymétriques d’une région à l’autre et illustrent l’absence d’une gestion interrégionale adéquate». Pire, dans les hôpitaux d’un même territoire, on ne parvient pas à offrir un accès uniforme aux services avec une même couverture d’effectifs. Le Collège va jusqu’à écrire que «la question du maintien de certains établissements devient problématique et revêt un caractère politique». Il souligne par ailleurs que le problème de la retraite des médecins est «préoccupant dans toutes les régions». Lire aussi: Les médecins sont inaccessibles et ils le savent Le rapport est émaillé de plusieurs témoignages édifiants. Comme celui de ce patient, confronté à une journée de déplacement de plus de huit heures en autobus pour subir une délicate intervention dans un grand centre, qui a préféré perdre l’usage d’un œil plutôt que de revivre une telle épreuve. Ou de ces médecins qui se disent hantés par la crainte de découvrir un patient décédé en salle d’urgence pendant leur quart de travail. Et de ces autres, qui considèrent carrément qu’ils n’opèrent pas les bons patients, car on favorise les chirurgies de courte durée qui ne nécessitent pas de séjours aux soins intensifs. Une seule avenue Quant aux gestionnaires des établissements, ils déplorent «l’inertie et le manque de cohérence» d’un réseau de la santé et des services sociaux qu’ils qualifient de coûteux, inefficace et sous-utilisé. Ils critiquent aussi «l’immobilisme et le manque d’écoute de décideurs de la fonction publique», qui leur rappellent sans cesse leur rôle de subalterne alors qu’on leur demande de faire des miracles avec des moyens qui s’amenuisent. «Au sens figuré, la laisse administrative est trop souvent un étrangleur», mentionne le rapport du CMQ. «Alors qu’on voit le réseau craquer de toutes parts, le moment serait bien choisi pour poser des gestes courageux et mettre de l’avant des mesures qui assureraient un véritable accès du public aux soins de santé dans leur région immédiate», est-il ajouté. Tandis que le ministre Christian Dubé s’apprête à déposer, d’ici mercredi ou jeudi, son projet de loi visant à créer l’agence Santé Québec et, plus largement, à renforcer l’efficacité du réseau, le Collège ponctue son rapport par un message sans équivoque: «Il faut toutefois que l’ensemble de l’appareil gouvernemental aille dans le même sens et que certains réflexes ou certaines résistances de la fonction publique soient délaissés, pour penser et agir autrement. C’est la seule avenue possible.»

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