Réorganisation de la santé: Dubé présente son plan

«Les problèmes perdurent depuis longtemps. Les solutions sont généralement connues, mais elles n’ont pas été appliquées. L’heure est maintenant à l’action.» C’est le mot d'ordre du ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, qui s’affiche en introduction du «plan pour mettre en oeuvre les changements nécessaires en santé», un document de 80 pages présenté ce mardi matin à la presse (voir le PDF en bas de page). Ce plan, attendu depuis l’automne dernier, s’articule autour de 50 orientations destinées à rendre le réseau de la santé «plus humain» et «plus performant». «Le réseau d’hier était devenu bureaucratique, lourd et dépassé sur le plan technologique. Le réseau de demain sera simplifié et humain. Il s’appuiera sur les meilleures technologies et les meilleures pratiques», indique Christian Dubé, dont le plan «s’inscrit sur l’horizon 2025». Dans les grandes lignes, le gouvernement mise sur une série de «plus»: «plus pour le personnel»; «plus de données»; «plus de technologies de l’information»; «plus d’accessibilité»; «plus pour nos aînés et personnes vulnérables»; «plus pour la santé mentale»; «plus pour les jeunes»; «plus de prévention»; «plus de préparation»; «plus d’innovation»; «plus d’efficacité»; et «plus d’autonomie». Cette longue addition vise à permettre à tous les Québécois «d’avoir accès à des soins et à des services auprès de bons intervenants, dans des délais raisonnables», croit-il. Après deux ans de pandémie, les objectifs à court terme sont aussi d’entreprendre «un rattrapage des interventions chirurgicales» et de «désengorger les urgences» tout en veillant au bien-être des ainés et en s’occupant des besoins en santé mentale». Concrètement, le plan dévoilé mardi matin s’appuie sur 50 axes d’amélioration (qui sont présentés en pied de page, où se trouve aussi le document remis à la presse), mais cette feuille de route ne contient à peu près aucune mesure spécifique, détaillée ou chiffrée pour appuyer la stratégie du gouvernement. La seule sur laquelle Christian Dubé s’est véritablement commis lors du point presse concerne les guichets d’accès à la première ligne (GAP). Inspirés du projet-pilote déployé depuis deux ans dans le Bas-Saint-Laurent, le ministre a annoncé que «la moitié des patients orphelins pourront passer par les GAP d’ici la fin de l’été» pour accéder à des services en santé. Des données collectives et non plus nominatives Pour s’assurer que ces plateformes de prise de rendez-vous fonctionnent, le ministère compte sur l’adhésion des groupes de médecine familiale (GMF) à l’orchestrateur afin qu’ils y renseignent leurs disponibilités. Il table aussi sur le projet de loi 11 qui prévoit une série de dispositions pour mieux connaître l’emploi du temps et la charge de travail des omnipraticiens. «Visant à augmenter l’offre de services de première ligne par les médecins omnipraticiens et à améliorer la gestion de cette offre», ce projet de loi avait suscité l’ire de ces derniers lors de son étude en février. Depuis, le discours officiel a quelque peu changé, a constaté le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Marc-André Amyot, à l’issue du point presse: «Le ministre Dubé a clairement dit ce matin en anglais qu’il ne voulait pas des données nominatives du médecin, mais des données du GMF où il pratique. On a toujours dit qu’on est d’accord avec l’idée qu’il faut des données pour améliorer les choses, mais pas des données nominatives pour aller jouer dans les horaires d’un médecin et faire la chasse aux sorcières. Donc c’est un pas dans la bonne direction», estime le Dr Amyot. Lire aussi: Le GAP du Bas-Saint-Laurent, un modèle pour tout le Québec? Par ailleurs, le délai de 36 heures pour obtenir une consultation auprès d’un professionnel de la santé ne semble plus être l’alpha et l’oméga du gouvernement. Le plan évoque plutôt des «délais raisonnables» ou de «courts délais». Christian Dubé a justifié ce changement en expliquant vouloir prôner «l’accès adapté» en fonction de l’état du patient. Si sa condition nécessite une consultation, il pourra avoir un rendez-vous dans les 36 heures, mais s’il veut consulter pour un bilan annuel, il pourrait attendre deux semaines, a illustré le ministre de la Santé. Interdisciplinarité renforcée Afin d’éviter que les médecins de famille et les urgences soient submergés, les infirmières praticiennes spécialisées, les techniciens ambulanciers paramédicaux et les pharmaciens seront notamment mis à contribution dans la réorganisation des soins de première ligne. Québec veut ainsi élargir leurs champs de compétences afin de leur donner davantage d’autonomie. Les paramédics auraient par exemple la capacité d’«orienter le patient vers le bon soin et le bon professionnel au lieu de systématiquement effectuer un transport aux urgences». S’agissant des pharmaciens communautaires, le plan mentionne que «la pandémie a montré qu’[ils] peuvent être mis à contribution. Facilement accessibles et bénéficiant désormais d’une autonomie accrue, ils sont efficaces pour assurer une continuité dans les soins donnés aux patients». Ceci dit, le gouvernement veut leur donner encore plus d’autonomie pour qu’ils prodiguent davantage de services. Lesquels? Christian Dubé est resté évasif sur la question. Décentralisation à planifier Québec veut miser sur la «décentralisation du système de santé» pour «ramener les opérations du réseau vers les régions et recadrer la mission du [MSSS] sur les orientations stratégiques». Hormis la présence sur le terrain d’un cadre responsable dans chaque établissement ou la gestion locale des horaires du personnel, le plan ne précise cependant pas comment pourrait s’opérer cette décentralisation. Cela fera l’objet d’un autre plan, qui sera établi par la sous-ministre à la Santé, Dominique Savoie, et devrait être présenté «dans les prochains mois». Collaboration avec le secteur privé Le gouvernement entend «faire plus de place au privé, dans le respect de l’universalité et de la gratuité des soins». Il souhaite notamment «un recours accru aux services des cliniques médicales privées pour prendre en charge un plus grand nombre d’interventions chirurgicales ambulatoires». Le plan signale que depuis le début de la pandémie, les ententes conclues avec 15 cliniques privées ont permis de réaliser plus de 85 000 opérations. «C’est 14% du total de l’activité chirurgicale effectuée actuellement au Québec.» Un chiffre que le gouvernement souhaiterait faire augmenter autour de 20%. Les 50 axes d’intervention du plan Dubé Accessibilité Véritable prise en charge au sein d’un groupe de médecine familiale, pour des consultations dans des délais raisonnables pour tous Mode de rémunération des médecins favorisant une véritable prise en charge Guichet d’accès à la première ligne (GAP): service téléphonique permettant non seulement d’obtenir des conseils en santé, mais aussi une prise de rendez-vous si une consultation est nécessaire Services de télésanté permettant d’avoir une consultation médicale sans avoir à se déplacer Rôle accru pour les infirmières praticiennes spécialisées Davantage d’autonomie et de services offerts par les pharmaciens Grand rattrapage des chirurgies pour combler le retard accumulé durant la pandémie Réduction du temps d’attente aux urgences avec l’ajout de lit et une meilleure gestion de ces lits Modernisation des services préhospitaliers impliquant l’élargissement du champ de pratique des techniciens ambulanciers paramédics Davantage d’outils d’autosoins pour la population Plan de valorisation de la médecine familiale Efficacité accrue Financement aux établissements axé sur le patient Évaluation de la pertinence et la performance des soins et services mettant à profit l’expertise de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux et de l’Institut de pertinence des actes médicaux Mesure périodique de la satisfaction de la clientèle du réseau de la santé Hausse nécessaire du Transfert canadien en matière de santé Publication périodique d’un tableau de bord national et régional sur l’atteinte des objectifs du plan stratégique et des priorités Soins aux aînés et aux personnes vulnérables Virage massif vers les soins à domicile Plus de soutien et plus de répit pour les personnes proches aidantes Construction de maisons des aînés offrant des milieux de vie adaptés à échelle humaine Soutien accru aux groupes communautaires Plan d’action et de suivi de la nouvelle Politique d’hébergement et de soins et services de longue durée Standardisation des systèmes d’évaluation de qualité de tous les milieux de vie, peu importe leur statut ou leurs clientèles Pouvoir d’enquête accru à l’égard des résidences privées pour aînés, des CHSLD privés et des ressources intermédiaires Repas de meilleure qualité pour nos aînés en CHSLD Ressources humaines Formation, rétention et recrutement massif de personnel Meilleure organisation du travail pour offrir de meilleures conditions d’exercice et une meilleure conciliation vie personnelle-travail Allégement des tâches administratives du personnel clinique Élimination du recours au temps supplémentaire obligatoire Meilleur encadrement du recours aux agences privées de placement de personnel Autonomie accrue aux différents professionnels de la santé et des services sociaux basée sur l’interdisciplinarité et le décloisonnement des professions Données et nouvelles technologies Accès complet pour le citoyen à ses propres informations de santé et meilleur accès aux données pour les gestionnaires et les chercheurs Plan ambitieux de modernisation technologique qui permettra de simplifier les tâches administratives et de déployer un seul dossier santé numérique pour chaque patient partout dans le réseau Partage des données sur la performance du réseau québécois avec l’Institut canadien de l’information de la santé et autres organisations autonomes reconnues pour permettre une comparaison sur une base de valeur avec les autres provinces canadiennes et juridictions dans le monde Santé mentale et prévention Services de proximité et orientation des jeunes vers le bon intervenant au bon moment en améliorant l’accès aux services de santé mentale Partenariat avec les organismes communautaires Plan visant l’amélioration de l’état de santé et de la qualité de vie de la population ainsi que la réduction des inégalités sociales ayant un impact sur la santé Plus d’importance accordée à la prévention et la promotion des saines habitudes de vie pour diminuer la demande en soins curatifs Effort accru pour le dépistage des cancers Préparation et innovation Stratégie national de préparation à une prochaine pandémie Réforme du secteur de la santé publique pour plus d’indépendance, de transparence et d’efficacité Rôle accru du privé et du communautaire en santé, dans le respect de l’universalité, l’accessibilité et la gratuité du système public Soutien à la recherche pour de meilleurs traitements et médicaments aux patients Adoption accélérée des pratiques innovantes Gestion du réseau Plan de décentralisation du système de santé et de services sociaux afin de rendre le réseau plus efficace et imputable des résultats et assurer une stabilité organisationnelle Séparation des orientations et des opérations entre le Ministère et le réseau Cadre responsable dans les installations principales du réseau Performance des gestionnaires mesurées en fonction Établissements Rénovation des CHLSD vétustes Nouveaux hôpitaux à la fine pointe permettant l’ajout de lits Jeunesse Mise en oeuvre des recommandations de la commission Laurent, pour réformer le système de protection de la jeunesse et mieux protéger les enfants vulnérables

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