Remplacements en pharmacie: des besoins toujours difficiles à combler

Les étés se suivent et se ressemblent... Cette année encore, les pharmaciens manquent et la demande pour des remplacements est très forte, constatent les experts du secteur. «Nous recevons entre 15 et 20 demandes par jour», observe Rachel Nantel, présidente de l’agence de remplacement Evolupharma, qui compte un important bassin de 2500 pharmaciens et ATP remplaçants, dont environ 500 sont présentement actifs. Le constat est le même pour l’agence Solupharm, dirigée par Zahra Moungid. Si l’on observe toujours un pic des demandes de remplacement durant l'été, l’entreprise avoue être particulièrement sollicitée cette année. «L’été, tout le monde part en vacances et la demande augmente. Une mini-pénurie se crée, les propriétaires le savent», observe la fondatrice de Solupharm. Mais même si elles y sont préparées, les agences ont de plus en plus de mal à faire face. «On a plus de difficultés à combler les besoins, reprend Zahra Moungid. Alors que le reste de l’année, on comble rapidement.» Et ces demandes émanent aussi bien des régions éloignées que du Grand Montréal.De son côté, la petite agence PharmaciensRemplacants.com est moins sollicitée que les années précédentes, notamment car les pharmaciens propriétaires ont su anticiper leurs besoins, soulignent les cofondateurs Nicolas Babineau et Anton Soucy-Faulkner. Avec leur bassin de 25 pharmaciens remplaçants à temps plein et 150 à temps partiel, ils travaillent davantage sur le long terme avec une clientèle fidèle. «Nous favorisons les disponibilités de notre équipe et les demandes des pharmaciens propriétaires avec qui nous faisons affaire à moyen-long terme au lieu d’à court terme.» La majorité de leurs remplaçants sont d’ailleurs déjà bookés jusqu’au mois de décembre. Malgré cette stratégie, Nicolas Babineau et Anton Soucy-Faulkner reconnaissent n’avoir réussi à répondre qu’à la moitié des demandes de remplacement reçues pour cet été. À lire aussi: Pharmaciens: choisir de travailler en région ruraleZahra Moungid a elle aussi remarqué une anticipation bienvenue de certains propriétaires en région. «En Abitibi, au Saguenay, à Baie-Comeau, certaines demandes entrent dès le mois de février. Ce sont des endroits vraiment très affectés par la pénurie, et comme les ressources y sont minimes, les pharmaciens propriétaires ne veulent pas se retrouver le bec dans l’eau.» Selon elle, les demandes de dernière minute proviennent surtout du Grand Montréal. «Une cliente nous a même appelés hier soir pour un remplacement aujourd’hui!» Des taux horaires recordSi la pénurie de main-d’œuvre est à blâmer, ce n’est pourtant pas la seule explication aux difficultés de remplacement, analysent les cofondateurs de PharmaciensRemplacants.com. Selon eux, le trop grand nombre de pharmacies dans la province, et surtout leur incapacité à travailler ensemble pour répartir les heures d’ouverture, contribue à cette situation tendue.Cette concurrence entraîne aussi une surenchère des taux horaires, particulièrement cet été. Pour être sûrs d’avoir un ou une remplaçante en période estivale, les pharmaciens propriétaires n’hésitent pas à se montrer compétitifs. «Dès le mois de mars, les propriétaires de région nous communiquent leurs besoins et n’hésitent pas à monter les taux horaires jusqu’à 150 voire 175$», affirme Zahra Moungid. La présidente de Solupharm précise que les taux horaires peuvent augmenter de 10 à 15$ de l’heure en été, voire de 20 à 25$ dans le Grand Montréal. «Habituellement, on ne dépasse pas les 135$ de l’heure.» Les taux pour les demandes urgentes peuvent néanmoins aller jusqu’à 150$, expliquent les spécialistes du secteur.À lire aussi: Haro sur les agences de remplacement en pharmacieSi Rachel Nantel concède que ces surenchères restent minoritaires, elle constate un vrai désespoir chez certains pharmaciens propriétaires. «On peut aller jusqu’à 130, 150$ de l’heure, avec les frais d’hôtel, de déplacement, de repas payés. Mais parfois, ce n’est toujours pas suffisant pour faire venir les remplaçants en région éloignée.» Selon elle, les besoins des propriétaires ont aussi changé. Alors qu’ils cherchaient à combler des besoins temporaires, ils sont désormais de plus en plus nombreux à chercher à recruter de manière permanente, quitte à passer par des remplaçants en attendant. «On a des annonces qui proposent de devenir associé de la pharmacie, ou même d’acquérir la pharmacie. C’est devenu une éventualité pour les pharmaciens propriétaires.»À lire aussi: Les pharmaciens remplaçantsUne nouvelle concurrence plus agressiveEn plus du désespoir de certains pharmaciens, l’émergence de nouvelles compagnies de remplacement accroît aussi la concurrence dans le secteur, et pipe les dés. «Ces surenchères ont pu être engendrées par la publicité parfois trompeuse, en proposant des mandats de 150$ voire 200$ de l’heure», observe Nicolas Babineau. Des mécanismes qu’ont pu observer tous les experts interrogés par ProfessionSanté.ca. Ces petites entreprises pour la plupart en ligne essaient de s’approprier le marché en captant le contingent de nouveaux pharmaciens dès leur sortie de la faculté, déplore Nicolas Babineau, confondateur de PharmaciensRemplacants.com: «Elles promettent à ces jeunes gradués qui ne connaissent pas le terrain des taux qui n’ont pas de bon sens. Pendant une journée carrière, on a entendu un représentant dire aux étudiants: “160$ fois 40 heures par semaine, tu vas faire 400 000$ par année!” Mais ça n’existe pas dans la vraie vie.» En plus de créer des attentes irréalistes chez bon nombre de remplaçants, ces pratiques contribuent à la mauvaise presse des agences de remplacement, regrette-t-il. Mais l’ouverture de nouveaux actes aux pharmaciens rend les agences de remplacement d’autant plus incontournables, assurent les spécialistes, qui appellent les pharmaciens propriétaires à la vigilance au moment de choisir leurs partenaires de recrutement.

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