Refus de revoir l'incorporation des médecins: un réflexe corporatiste?

«Médecins ou médecins Inc? L’incorporatisme». Tel est le titre de l’éditorial d’Antoine Robitaille, dans Le Devoir du 10 mars. Il indique que le gouvernement Couillard se comporte comme une médicalocratie face au dossier de l’incorporation des médecins. En effet, écrit-il, alors que Philippe Couillard avait entrouvert la porte à un débat sur une éventuelle remise en question de cette pratique, le ministre Gaétan Barrette s’est dépêché de la fermer. THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot«Depuis 2007, les médecins, parmi les mieux nantis de notre nation, peuvent pratiquer leur métier dans une société par actions ou une société en nom collectif , écrit l’éditorialiste. Leur taux d’imposition est alors de 19 %, plutôt que 48 %. Même si s’incorporer exige de la paperasserie, près de la moitié (48 %) des médecins québécois le font, selon Coalition Avenir Québec (CAQ).La CAQ déposait tout récemment une motion qui se lit comme suit: «Que l’Assemblée nationale demande au gouvernement d’étudier sérieusement, dès maintenant, la possibilité de mettre fin à l’incorporation des médecins.» Le gouvernement refusa la motion. Dommage, fait observer Antoine Robitaille, car une commission qui aurait étudié l’incorporation des médecins «aurait pu mettre dans la balance "l’équité interprofessionnelle" chère à M. Barrette et l’équité tout court. On aurait pu évaluer ce que cette mesure coûte à l’État québécois.»Les défenseurs de l’incorporation des médecins, dont le ministre Barrette, répondent que presque tous les professionnels peuvent, depuis 2002, se constituer des sociétés. Or, précise Antoine Robitaille, la très grande partie des médecins — contrairement aux autres professionnels qui bénéficient de l’incorporation — n’a qu’un seul payeur: la Régie de l’assurance maladie. De plus, les médecins ne prennent aucun risque entrepreneurial, n’ont aucune recherche de «clients» à faire. «Ils sont travailleurs autonomes, tout en ayant droit à une "clause remorque" leur assurant de profiter des augmentations de salaire prévues aux conventions collectives des salariés de l’État!»Antoine Robitaille évoque aussi «les augmentations de rémunérations plantureuses (entre autres négociées par Gaétan Barrette): 60 % pour les omnipraticiens et 72 % pour les spécialistes. Alors qu’il cherche des revenus partout, l’État a donc dû depuis sept ans renoncer à prélever son dû sur une bonne partie de cette nouvelle manne».Comme tout ce qui relève de la rémunération des médecins, poursuit Antoine Robitaille, on nage dans l’opacité. La CAQ a demandé à Revenu Québec d'évaluer ce que coûte à la société l'incorporation des médecins. Revenu Québec a bien «retracé» un document sur les coûts de la mesure, précise l’éditorialiste. Manque de chance, a répondu Revenu Québec, «il s’agit d’une "esquisse", d'une "ébauche", d’un "brouillon" ou d’une "note préparatoire". La loi sur l’accès à l’information ne permet pas de divulguer de tels documents », déplore Antoine Robitaille.L’accumulation des avantages consentis aux médecins ces dernières années n’a jamais eu pour contrepartie des exigences efficaces quant à la productivité, conclut l'éditorialiste. «En refusant d’ouvrir un débat sur l’incorporation, le ministre Barrette s’est privé d’un levier important dans la négociation qui s’amorcera bientôt pour le renouvellement des ententes avec les fédérations de médecins. Réflexe corporatiste?»Source : Le Devoir

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