Réduire les coûts des chirurgies tout en augmentant leur nombre est réalisable

Il a fallu un chirurgien traumatologue pour trouver un moyen de réduire les coûts, d'améliorer l'efficacité et d'augmenter le nombre de chirurgies orthopédiques dans un grand hôpital de l’Ontario.La solution ne consistait pas à trouver des sutures ou des outils moins chers, ou ce que le Dr Abdel-Rahman Lawendy appelle des «micro-changements». Il s’agissait plutôt de modifier les processus plus vastes liés au fonctionnement et à l'organisation de certaines salles d'opération.En gros, il s'agissait en grande partie de trouver un moyen de transformer certaines interventions chirurgicales en interventions ambulatoires.Le Dr Lawendy a présenté sa démarche lors de la récente conférence annuelle de l'Ontario Orthopaedic Association. Il est chirurgien traumatologie et directeur médical du centre de chirurgie ambulatoire du London Health Sciences Centre.En 2016, de nombreux hôpitaux parlaient de budgets, mais beaucoup de discussions portaient sur les micro-changements. «D’un point de vue philosophique, tous les petits changements peuvent conduire à une amélioration, mais je pense que la plupart des entreprises ou équipes chirurgicales ont constaté que ce qu'elles avaient changé dans la salle d'opération ne se traduisait pas réellement par des économies sur une longue période», a-t-il commenté.Ce qu'il faut, c'est améliorer l'efficacité. Il a fait remarquer qu'en Ontario, les salles d'opération doivent être dotées d'un maximum de personnel, quelle que soit la procédure chirurgicale. L'équivalent temps plein (ETP) requis dans la salle d'opération comprend généralement 2,5 à 3,0 infirmières ETP, plus un anesthésiste, et généralement deux chirurgiens, dont un assistant.«On peut atteindre jusqu'à sept ETP par heure en salle d'opération. Il s'agit sans aucun doute de la plus grande demande de ressources pour l'hôpital, et du coût le plus élevé pour l’hôpital», a-t-il affirmé. En tant que spécialiste du pied et de la cheville, il s'est dit que ce niveau de mobilisation n'était pas nécessaire pour tous les cas.Et pourtant, le système actuel ne permet pas d'économiser de l'argent autrement qu'en réduisant le nombre de cas. «C’est ce que nous avons entendu pendant longtemps de la part des hôpitaux, à l'époque pré-COVID, ce qui va à l'encontre de ce que nous voulons faire en général, à savoir plus d'interventions chirurgicales avec la même enveloppe financière», a-t-il précisé.Pourtant, le ministère de la Santé de l'Ontario avait publié un objectif d'augmentation du nombre de procédures.«Ils voulaient des technologies plus efficaces pour des heures d'ouverture plus longues, pour normaliser les meilleures pratiques et améliorer le flux de patients», a-t-il ajouté.Le Dr Lawendy souhaitait valider un processus chirurgical rationalisé et a proposé au directeur général de l'hôpital d'introduire un nouveau processus. Il s'agirait d'une étude comparative destinée à prouver le bien-fondé de la démarche. C'est ainsi qu'est née l'idée d'une étude comparant les coûts et la sécurité associés à la la réduction ouverte et fixation interne (ORIF) de la cheville en milieu hospitalier et en milieu ambulatoire.Le projet n'a pas été lancé du jour au lendemain. Il a fallu un énorme travail de préparation et d'adhésion à l'idée, ainsi que pour apporter des changements à un groupe de patients ambulatoires. Il a fallu consulter la direction des soins infirmiers, le syndicat des infirmières, le service biomédical, le service de retraitement des dispositifs médicaux, de chirurgie d'un jour et l'unité de soins post-anesthésiques (USPA), et bien d'autres encore, et obtenir leur accord quant aux changements à apporter. Le Dr Lawendy a découvert qu'il devait apprendre exactement quel était le rôle de chacun, en détail, de la phase préopératoire à la phase postopératoire.«Tous ces processus ont dû être mis en œuvre afin de pouvoir modifier la façon habituelle de faire, a-t-il affirmé. Nous voulons améliorer l'accès aux soins en temps voulu et nous voulions vraiment normaliser et optimiser». Une structure de gouvernance a été mise en place pour exécuter le projet.L'une d'entre elles consistait à réduire le nombre d'instruments sur le plateau du chirurgien et à obtenir l'accord de tous les chirurgiens participant à l'étude. Cette simple mesure a permis de réduire le temps de préparation. L’anesthésie lors de la procédure quant à elle serait régionale.«Nous avons décidé d'attribuer les ressources infirmières en fonction de l'intensité de la procédure chirurgicale», a-t-il ajouté.Les chirurgiens ont évalué les patients et les ont placés dans l'un des trois nouveaux niveaux, en fonction de la complexité de l'opération, de l'état de santé sous-jacent du patient et de la possibilité ou non de bénéficier d'une chirurgie ambulatoire.«Les chirurgiens ont assumé une part beaucoup plus importante du travail en termes de sélection des patients, de modification de leur pratique, de conseil aux patients, de transmission d'un discours différent, d'amélioration de la disponibilité de leurs cliniques», a-t-il soutenu. Dans le cadre de la nouvelle approche, les chirurgiens installent leur propre plateau d'instruments, plutôt que ce soit les infirmières qui le fassent.Bien que cette approche exige beaucoup plus de travail en amont de la part des chirurgiens, ils ont pu doubler leur productivité le jour même, a partagé le Dr Lawendy. Mais l'approche à haut débit ne convient pas à tout le monde. Certains chirurgiens ont préféré s'en tenir aux approches standard utilisées dans les salles d’opération.«Nous avons repensé l'ensemble du processus. Nous avons pris les choses en main et nous avons fait notre étude», a-t-il déclaré.Résultats de la démarcheLes résultats sont impressionnants. Tout d'abord, l'étude pilote a montré que le nombre d'instruments a été réduit d'un peu moins de 85 à 20.Il a été impressionnant de constater que «l'un des changements les plus importants est que nous avons constaté que le temps de rotation, qui a tendance à frustrer les chirurgiens de manière significative, est passé d'environ 23 minutes à un peu plus de neuf minutes. Nous avons réduit les coûts de 56% dans le cadre du projet pilote. C'est devenu un argument très convaincant en faveur du changement», s'est réjoui le Dr Lawendy.De plus, au lieu d'organiser trois ou quatre chirurgies non urgentes dans une salle d’opération comme c’était le cas initialement, il était désormais possible d'en faire sept ou huit. Une partie des économies réalisées provient de la réduction des besoins en personnel infirmier. Après le projet pilote, davantage de chirurgies ambulatoires ont été réalisées, et l'approche a été modifiée et améliorée.Le changement a été un tel succès qu'il a impressionné la direction de l'hôpital et a conduit à la création du Centre chirurgical Nazem Kadri. Dédié aux patients externes en chirurgie, il a ouvert ses portes au début de l'année 2020, en face de l'hôpital Victoria.Le Dr Lawendy a admis que certaines des idées ayant inspiré la démarche provenaient de cliniques privées aux États-Unis et d’entretiens avec des chirurgiens de ce pays.«Les Américains se sont montrés très généreux, bien qu'il s'agisse de groupes privés. Moins de 8% des centres chirurgicaux aux États-Unis appartiennent à des hôpitaux», a-t-il précisé. Les patients jugés à faible risque par leur chirurgien peuvent désormais subir des chirurgies du pied, des arthroscopies de la cheville, de la hanche et du genou, ainsi que des réparations du ligament croisé antérieur (LCA) au centre. De plus, en y étant envoyés en tant que patients ambulatoires, ils n'occupent pas les lits nécessaires aux patients souffrant de problèmes plus complexes.«Notre hôpital a réalisé plus d'interventions chirurgicales que n'importe quel autre hôpital de taille comparable, parce que nous utilisions moins de ressources infirmières et que nous étions entièrement ambulatoires», a partagé le Dr Lawendy.

Réduire les coûts des chirurgies tout en augmentant leur nombre est réalisable

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