Recette pour une préretraite active

Derrière son écran d’ordinateur, la Dre Marie-Ève Morisset semblait sereine et radieuse le 10 janvier au matin. Ce jour-là, elle amorçait une nouvelle étape dans sa pratique qui va l’amener «tranquillement, pas vite» vers une retraite dont elle n’a pas encore fixé l’échéance. Elle sait juste qu’elle ne finira pas comme son père — un infectiologue féru de sa spécialité — qui pouvait encore travailler 100 heures par semaine lorsqu’il a raccroché son sarrau à l’âge de 78 ans. «C’est un autre extrême», convient la médecin en regrettant à demi-mots qu’il ne se soit «pas occupé de ses enfants ni de ses petits-enfants». La veille de son entrevue par visioconférence avec ProfessionSanté.ca, l’omnipraticienne avait effectué son dernier jour de bureau au sein de la résidence pour aînés où elle exerçait depuis 2011 à Baie-Comeau. «Tout ne s’arrête pas aujourd’hui. Je vais donner suite aux examens que j’ai prescrits et je resterai présente tant que mon successeur n’aura pas vu tous les résidents. C’est un jeune docteur, diplômé en octobre, qui prend ma relève. Il a l’âge de mes enfants; je vais le garder sous mon aile.» Si le cordon avec la gériatrie n’est pas définitivement coupé, la Dre Morisset a néanmoins vécu un «certain soulagement» en refermant la porte de son bureau pour la dernière fois. Un sentiment qui contraste avec les émotions intenses qu’elle a vécues lors de ses deux précédentes réorientations de carrière. «Quand j’ai arrêté l’obstétrique en 2003, puis l’urgence en 2010, j’étais vraiment en deuil. Ces deux pratiques m’ont passionnée, je m’y suis consacrée corps et âme, mais j’y ai renoncé pour des raisons familiales. Je voulais avoir une vie plus stable et des horaires plus fixes afin de pouvoir m’occuper de mes enfants», confie la mère divorcée. Ses motivations sont cette fois-ci d’une autre nature. «La gériatrie est une pratique très exigeante. La prise en charge des patients aux multiples pathologies est très lourde, les infirmières me textaient à répétition», explique la médecin de famille. Elle évoque également les lourdeurs administratives, les obligations diverses et variées fixées par le ministère de la Santé, la facturation à faire tous les mois ou encore les conditions salariales avec moins de 500 patients inscrits. «Je n’en suis tout simplement plus capable», lâche-t-elle dans un soupir. Boucler la boucle À l’approche de ses 60 ans, qu’elle fêtera dans trois mois, la Dre Morisset n’a pas envisagé une seconde prendre sa retraite. Elle veut seulement lever le pied. Désormais, elle va consacrer une partie de son temps à la fonction de coroner qu’elle occupe depuis 2019. «C’est super intéressant et ça me permet d’allonger ma carrière d’une manière plus raisonnable», explique-t-elle. Elle y voit également une belle façon de boucler la boucle. «J’ai fait naître des bébés, j’ai sauvé des vies à l’urgence et j’ai accompagné des aînés dans leur fin de vie. En tant que coroner, je dois protéger la vie en comprenant les raisons des décès pour éviter qu’ils ne se reproduisent. C’est une continuité dans ma carrière.» Lire aussi: Êtes-vous prêt à prendre votre retraite? En parallèle, elle va continuer ses activités de médecin-conseil en médecine du travail. Une pratique qu’elle a d’abord effectuée à l’aluminerie Alcoa de Baie-Comeau, puis au sein du CISSS de la Côte-Nord. «Ça me plaît, car au-delà du volet expertise qui me stimule intellectuellement, il y a aussi un volet social à considérer», indique l’omnipraticienne. Avec du recul, elle porte un regard nostalgique sur ses années de pratique «avant l’ère Barrette» et les réformes imposées par l’ancien ministre de la Santé. «En plus de l’obstétrique et de l’urgence, j’ai fait de tout: de l’ambulatoire, de la clinique externe, de l’hospitalisation, même de la cardiologie et de l’oncologie!» Une époque révolue, déplore la Dre Morisset. «Aujourd’hui, il n’y a que la prise en charge qui est valorisée. On veut que les médecins de famille ne fassent que du bureau et soient bons dans tout, auprès de toutes les clientèles. Ce n’est pas mon idée du métier.»

Recette pour une préretraite active

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