Rapport de Burnoutville: Démissionner ou ne pas démissionner?

Je suis allé chez mon boucher récemment. Notre jeune boucher préféré, Benjamin, encore plus pimpant que d'habitude, s'est approché de nous avec un sourire. «J'ai des nouvelles», a-t-il dit en souriant. «Bonne ou mauvaise ?» J'avais de l'appréhension, je craignais qu'il ne quitte le magasin. Je ne voulais vraiment pas perdre ce jeune homme sympathique et compétent. Dans son livre intitulé The Village Effect, ma vieille amie Susan Pinker parle de l'importance, pour la santé mentale d'une personne, de ce que les spécialistes des sciences sociales appellent les «relations informelles», c'est-à-dire les interactions occasionnelles avec des personnes qui ne sont pas des intimes, mais avec lesquelles vous entretenez des relations occasionnelles positives. Avec mon obsession pour la nourriture, les marchands du marché Atwater ont joué un rôle important dans ma santé mentale pandémique. «J'ai acheté le magasin!» Il a souri. J'étais soulagé. «Vous savez, a-t-il poursuivi, j’ai commencé à travailler ici quand j'avais dix-sept ans. C'est le seul emploi que j'ai jamais eu et maintenant...» «Félicitations», ai-je dit au jeune nouveau propriétaire. Je me suis retourné et j'ai souri à un homme distingué, à peu près de mon âge, qui disséquait un gigot d'agneau sur l'épaisse table de boucherie en bois derrière le comptoir. C'était Le Patron, le désormais ancien patron. «Félicitations à vous aussi!» lui ai-je dit. Je lui ai fait un petit signe de tête et un signe de reconnaissance. Il m'a regardé avec un mélange de fatigue, de fierté et de tristesse, un léger boitement et le visage légèrement incliné révélant peut-être une raison à sa décision. «C'est le temps de passer la flamme. Le temps de passer la flamme», a-t-il répété. «Pourquoi travailles-tu encore?» J'étais en vacances ces deux dernières semaines et, dans le cadre de cette période de plaisir familial et de repos, j'ai eu de longues discussions avec des personnes qui me connaissent et m'aiment. «Pourquoi travailles-tu encore?» est une question récurrente. Je profite donc de ce moment pour réfléchir. Devrais-je prendre ma retraite? Pourquoi? Pourquoi pas? Il y a un vieux dicton en yiddish qui dit: si une personne vous appelle un âne, ignorez-la. Si deux personnes vous traitent d'âne, inquiétez-vous, mais si trois personnes vous traitent d'âne, il est peut-être temps de prendre des mesures pour une selle et une bride. La pandémie fait des ravages sur nous tous, et les pressions exercées sur les soins primaires dans ce pays sont bien documentées dans cette publication-ci et bien d'autres. J'ai toujours considéré que j'étais dans la meilleure position possible. Je travaille dans un CLSC au Québec et dans une petite clinique très bien gérée. Je ne fais que de la supervision clinique et des soins primaires en obstétrique, travaillant trois demi-journées par semaine, avec un quart de jour de douze heures en obstétrique toutes les deux semaines. J'ai accès à des infirmières, des infirmières praticiennes, des nutritionnistes, et même des travailleurs sociaux, et un accès limité aux soins de santé mentale pour mes patients. J'adore enseigner, et je crois que je suis douée pour cela. J'éprouve encore des émotions fortes lorsque je vois des résidents devenir des cliniciens compétents en intégrant les éléments que je leur ai enseignés. J'aime le moment où l'étudiant répond à la question qu'il ne s'était pas posée, où l'anxiété et la peur du patient disparaissent et où la confiance s'installe. J'aime l'environnement fou et charmant du travail et de la salle d’accouchement. Je suis une accro de la naissance depuis longtemps et la sensation d'une nouvelle vie qui vient au monde entre mes mains est l'un de mes grands plaisirs. J'aime l’important travail d’équipe en salle d’accouchement. C'est un cercle de soins qui entoure les femmes avec amour, énergie et compétence dans ce moment le plus important de leur vie. Honnêtement, j'aime aussi l'argent. Même avec cet horaire très réduit, je suis en mesure de subvenir aux besoins de mon mari et de moi-même sans puiser dans nos économies. C'est une bonne chose pour quelqu'un qui a passé la majeure partie de sa carrière comme médecin de famille universitaire au Québec, à une époque où cela équivalait pour les médecins à faire vœu de pauvreté. Le fait d'avoir quatre enfants dans des écoles privées et une nounou à plein temps ne m'a pas permis de faire des économies excessives au début de ma carrière, même si cela a contribué à la stabilité de notre famille et à ma santé mentale. Ces raisons et une incapacité financière générale ont contribué à mon important manque de pécule de retraite. J'ai également une peur profonde de ne pas gagner d'argent. Ainsi, même si j'approche les 68 ans, je suis anxieuse à l'idée de ne pas avoir de revenu. C'était la même chose lorsque j'étais en congé de maternité, il y a si longtemps; ne pas avoir de revenu pendant un an était émotionnellement difficile. Difficile sur le corps D'un autre côté, le travail devient difficile! Je ne suis plus aussi jeune qu'avant et, pour citer Leonard Cohen, «j'ai mal aux endroits où j'avais l'habitude de jouer». Cela inclut, pour moi, ma cheville gauche. J'aime faire une sieste l'après-midi. Je trouve particulièrement éprouvantes les 12 heures passées debout, comme c'est si souvent le cas pour un poste en obstétrique. Il me faut parfois trois jours pour me remettre d'un appel chargé. Je n'ai plus la patience de faire face à l'incivilité qui semble infester le monde en ce moment. Alors, que dois-je faire? Comme tout bon médecin de famille, j'ai consulté. Mon conseiller financier m'a dit que si je pouvais éviter de retirer de l'argent de mon épargne pendant encore deux ans, cela ferait une différence importante, mais pas dévastatrice si je le fais. J'ai parlé à mes collègues qui, heureusement, ont indiqué qu'ils apprécieraient que je continue à apporter ma contribution en tant qu'enseignante. Enfin, et c'est peut-être le plus important, j'ai parlé à la directrice de mon département, une femme merveilleuse à qui j'ai enseigné durant sa résidence. C'est une personne rigoureusement intelligente, organisée et créative - et quelqu'un qui est d'une gentillesse sans faille et qui sort des sentiers battus. Nous avons parlé pendant deux heures. Nous avons partagé des histoires, nous avons partagé la douleur. Nous avons partagé des plans et des rêves. Je me suis sentie écoutée, valorisée et comprise. Alors, comme de bons médecins de famille, nous avons élaboré ensemble un plan qui me permet de continuer à faire ce que j'aime pendant les deux prochaines années tout en prévoyant de passer le flambeau. Je me sens beaucoup mieux maintenant. Vous souhaitez vous aussi faire valoir votre point de vue sur un enjeu du système de santé? Apporter une réflexion vis-à-vis de votre profession? Envoyez-nous un texte d'opinion à titre de professionnel de la santé ou d'association en santé, afin qu'il soit relayé sur le site. Plus d'infos >

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