Radiation pour un médecin de famille un peu trop familier

Le Dr René Lavigueur, qui a également reconnu sa culpabilité pour avoir failli à l'obligation du secret professionnel, a écopé de trois mois de radiation. En décembre 2017, la patiente nouvellement arrivée en Gaspésie avec sa famille consulte le Dr Lavigueur à l’Hôpital de Sainte-Anne-des-Monts pour deux de ses enfants. Une relation amicale s'est rapidement développée entre le médecin et sa patiente, qui commenceront à pratiquer des sports ensemble. Le médecin et sa conjointe se sont aussi impliqués dans la vie des enfants de la patiente, par exemple en les amenant faire du patin et du ski, en les gardant et en leur donnant des cours de piano. Plus encore, l’épouse du médecin a fait don d’un piano à l’un des enfants, tandis que le Dr Lavigueur leur a créé un régime d’épargne-études dans lequel il a déposé un montant de 7500$ en mai 2019. À l’occasion, le médecin de famille a également remis à sa patiente des sommes d’argent pour s’assurer que les enfants puissent continuer leurs activités. Au fil du temps, la patiente s’est confiée sur sa relation conjugale et les difficultés qu’elle a dû surmonter. Le médecin lui recommande alors un avocat et paie sa première consultation. «Pour le Conseil de discipline, il est clair que l’intimé a confondu sa relation professionnelle avec la patiente avec une relation amicale et personnelle, indique le conseil de discipline dans une récente décision. Ainsi, l’intimé n’a pas su mettre des limites entre le cadre personnel et le cadre professionnel, et une confusion s’est installée.» «Difficile de tracer la ligne» De son côté, le médecin gaspésien, qui pratique la médecine depuis 45 ans, affirme qu’il était de bonne foi et qu’il était animé seulement par un sentiment d’entraide. Très impliqué dans sa communauté, notamment auprès des jeunes, il ajoute qu’il a à cœur la santé des enfants de la région et qu’il était normal pour lui d’aider cette famille nouvellement arrivée. Le Dr Lavigueur reconnait toutefois que son aide est allée au-delà de ce qui est envisageable, mais a noté qu’en région, «il est parfois difficile de tracer la ligne entre la relation amicale et celle du médecin». Bien au fait que, dans ce contexte, il peut parfois être difficile de maintenir une distance professionnelle, le conseil de discipline a néanmoins jugé que «cette difficulté ne permet certainement pas d’agir comme l’intimé l’a fait et d’outrepasser ses obligations déontologiques». Des secrets professionnels révélés En plus d’avoir été trop familier avec sa patiente, le médecin a fait défaut de préserver le secret professionnel en lui ayant révélé des informations concernant deux autres patients. Après avoir divorcé, en 2019, la patiente a fait la connaissance d’un homme qui est aussi l'un des patients du Dr Lavigueur. Ce dernier lui a révélé des informations de nature confidentielle sur l’état de santé de son nouveau conjoint, jugeant que sa patiente devait connaitre cette information. Quelque temps après, la femme met fin à la relation. «En rétrospective, l’intimé reconnaît qu’il n’aurait pas dû faire part à madame A d’un potentiel diagnostic concernant son patient», indique la décision disciplinaire. Quelques mois plus tard, la patiente a rencontré un autre homme. À la demande de la femme, il rencontrera le Dr Lavigueur en tant que patient. Encore une fois, le médecin lui a dévoilé certains faits concernant l’état de santé de son conjoint. «Le médecin doit agir comme le gardien de la vie privée de ses patients ainsi que du secret professionnel», indique le conseil de discipline, ajoutant que le secret professionnel constitue «la pierre angulaire sur laquelle s’appuie la relation de confiance entre un médecin et ses patients». Recommandation conjointe Après que le médecin ait signifié à la patiente vouloir prendre ses distances, celle-ci a adressé une demande d’enquête au Collège des médecins concernant l’omnipraticien. Mais en septembre 2021, la femme a écrit à l’Ordre pour leur indiquer qu’elle ne souhaite plus poursuivre la démarche. Or, le syndic adjoint a décidé de poursuivre son enquête et de porter plainte le mois suivant. Dans le présent dossier, la partie plaignante et le médecin ont recommandé une peine de trois mois de radiation. La sanction a été appuyée par le conseil de discipline, qui a pris en compte certains facteurs atténuants, dont le plaidoyer de culpabilité, l’absence d’antécédents disciplinaires, les remords sincères et l’introspection amorcée par le médecin.

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