Racisme: un jeune médecin témoigne des commentaires ignorants de ses patients

Le Dr Nguyen le spécifie d’emblée : la forme de racisme «est légère», dit-il, et a plus à voir avec une forme d’ignorance de ses patients. Toutefois, ces situations méritent d’être dénoncées, estime le jeune médecin de 26 ans. Celui-ci a contacté ProfessionSanté.ca dans l'objectif de conscientiser les professionnels de la santé à ne pas avoir peur de dire à des patients qu'ils sont indisposés par certains commentaires. « Si on n’identifie pas ces situations, le danger est que ça nous mène vers un racisme ostentatoire, comme celui qu'on voit aux États-Unis », estime celui qui exerce à la clinique ExcelleMD, à Montréal. Depuis le début de ses stages jusqu’à sa pratique en cabinet aujourd’hui, le Dr Nguyen a reçu plusieurs commentaires ou questions de ses patients qu’il a trouvé déplacés. Voici ceux qu'il a le plus fréquemment entendus : 1- « Votre français est vraiment bon ! » 2- « Depuis combien de temps êtes-vous au Québec ? » 3- « Connaissez-vous (insérez le nom d’une personne, dont le nom de famille est Nguyen) ? » 4- « À quel endroit avez-vous eu votre formation ? » Ces exemples de questions et ce commentaires ne lui sont pas dits chaque jour ni même chaque semaine, mais il les a entendus à plusieurs reprises au fil des années. Il est convaincu que ses collègues asiatiques, afro-américains et hispaniques ont également été confrontés à ce genre de propos. Il y a quelques années, durant ses stages au Saguenay-Lac-Saint-Jean ou en Beauce, le Dr Nguyen ne réagissait pas à ces paroles. Préoccupé par l'importance d’avoir une bonne évaluation de ces supérieurs, le Dr Nguyen ne voulait surtout pas créer de remous en répondant aux propos déplacés de certains patients. Aujourd’hui, il se sent coupable d’avoir gardé le silence. « Le fait de rester silencieux a pour conséquence que le problème continue. Depuis ce temps, chaque fois que j’ai ce genre de commentaire, je réagis, mais jamais d’une manière méchante », raconte-t-il. Par exemple, il va répondre en demandant au patient s’il poserait cette question à un médecin blanc. « En posant cette question, le patient va réfléchir et réaliser que sa question est uniquement en lien avec mon apparence et non avec mon diplôme ni mes formations ». D’ailleurs, il fait une petite parenthèse pour constater à regret l’importance démesurée accordée à l’apparence, souvent au détriment des compétences. Souhaitant éventuellement tourner sa pratique vers la médecine esthétique, il a beaucoup réfléchi à la question dernièrement. « Pour tout le monde, le “gold standard”, c’est le visage caucasien. Effectivement, la plupart du temps il est symétrique avec de grands yeux et un petit nez. Toutefois, on oublie que la diversité, ça fait partie de la beauté aussi. Ce n’est pas parce qu’un visage s’éloigne de celui d’un caucasien qu’il n’est pas nécessairement beau et aussi attirant ». Pas plus de racisme depuis la pandémie Alors que les cas de racisme anti-asiatiques ont beaucoup augmenté au Québec, comme partout dans le monde depuis le début de la pandémie, le Dr Alex Nguyen n’a pas vécu davantage de racisme l’an dernier. « Le fait que je suis médecin m’a peut-être protégé », avance-t-il. Néanmoins, ce ne fut pas le cas pour des médecins asiatiques ailleurs dans le monde. En effet, dans certains pays, des patients ont refusé catégoriquement d’être vus par un médecin asiatique à cause de la pandémie, souligne le Dr Nguyen qui n’a pas été mis au courant d’un tel cas au Québec. Celui-ci s’inquiète aussi du problème inverse. « J’ai peur qu’il y ait des médecins qui ne vont pas voir des patients asiatiques à cause de la pandémie », souligne-t-il. Il dit craindre que des professionnels prodiguent des soins de moindre qualité à des patients à cause de leur couleur de peau. « Ça s’est vu durant la pandémie : le taux de succès des traitements des personnes de couleur noire, d’origine asiatique ou hispanique a été beaucoup moins important. Nous ne savons pas pourquoi, mais je crois que c’est en lien avec le fait qu’il y a du racisme systémique. Règle générale, nous faisons plus attention aux patients devant nous s’il a une couleur de peau un peu plus pâle », affirme-t-il. Des mouvements comme Black lives Matter et des événements comme la mort dans des circonstances tragiques de Joyce Echaquan ont ouvert les yeux sur le racisme de nos sociétés. Le décès de la femme atikamekw a d'ailleurs convaincu le Collège des médecins à prendre position pour dénoncer le racisme systémique, dit le jeune médecin. « Je suis à Montréal depuis un petit bout et je vois maintenant une plus grande ouverture aux autres cultures. L’information et l’éducation vont permettre de diminuer l’ignorance dans notre société et créer une culture de tolérance et d’acceptation », estime le Dr Nguyen.

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