Quand faut-il mettre fin à la relation thérapeutique?

La plupart des relations médecin-patient sont fondées sur la collaboration et la confiance, et elles durent souvent des années, voire des décennies. Mais comme dans d'autres relations, il arrive que les choses ne se passent pas comme prévu. Par exemple, le respect n'est plus au rendez-vous ou un incident survient et la relation se transforme en un différend irréconciliable. Dans certains cas, mettre fin à la relation thérapeutique est absolument nécessaire, comme lorsqu'un patient est violent envers un médecin ou le personnel. Dans d'autres cas, la situation est plus subtile, et il peut être difficile pour un médecin de déterminer si la situation justifie la rupture des liens ou si elle est même juste, en particulier dans un contexte d'un manque d'accessibilité aux médecins. Heureusement, l'Association canadienne de protection médicale (ACPM) et les collèges des provinces et des territoires décrivent les considérations et les directives que les médecins doivent suivre dans de telles situations pour assurer tant le bien-être de leurs patients que le leur. «Il s'agit de faire ce qui est dans l'intérêt du patient, c'est-à-dire de lui permettre d'avoir accès à un prestataire de soins de santé en qui il a confiance, qu'il respecte et avec qui il peut collaborer pour que des soins optimaux puissent lui être fournis», a indiqué le Dr Dennis Desai, directeur, Soutien et bien-être des médecins à l’ACPM. «Si le médecin n'a pas cette relation positive avec le patient, il est alors peu probable ou potentiellement impossible de lui fournir des soins», ajoute-t-il. Pourquoi rompre les liens? Selon le Dr Desai, les trois principales raisons pour lesquelles les médecins veulent mettre fin à une relation thérapeutique sont les suivantes: Comportement du patient: violence verbale ou physique à l'égard des médecins et/ou du personnel de leur cabinet; Plaintes auprès des collèges ou actions en justice; Perte de confiance/respect mutuel dans la relation médecin/patient. Si les abus physiques ou verbaux sont en tête de liste, ce n'est pas un nouveau phénomène. En effet, le nombre de rapports de médecins victimes de harcèlement a augmenté ces dernières années. Le Dr Desai précise toutefois qu'il n'y a pas eu d'augmentation significative des appels à l'ACPM de la part de médecins souhaitant rompre leurs relations pour cette raison. «Bien qu'il puisse y avoir une augmentation du nombre de membres qui se sentent harcelés par des patients, notamment en raison de la position antiscientifique de certains, nous ne constatons pas d'augmentation notable des appels concernant cette question depuis la dernière année», a-t-il dit. Dans le second cas, les plaintes en cours indiquent généralement une relation tendue qui empêcherait le médecin de fournir des soins optimaux au patient. Le troisième cas, selon le Dr Desai, «est une situation où un patient peut tout simplement refuser d'accepter les conseils ou les recommandations du médecin, car il n'a pas confiance dans les compétences ou l'expérience de ce dernier et refuse de lui offrir sa collaboration. En conséquence, le médecin peut être incapable de recueillir des informations pertinentes et de fournir la qualité des soins que l'on attend de lui». Autres circonstances Selon l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario (OMCO), d'autres circonstances peuvent mener à la résiliation d’une relation: fraude liée à une ordonnance, absence fréquente de rendez-vous sans raison valable ou sans préavis, refus de payer les frais d’annulation. En même temps, certaines raisons sont considérées comme inacceptables pour mettre fin à une relation thérapeutique. Par exemple, l’OMCO déclare que «les médecins doivent respecter l'autonomie du patient en ce qui concerne son style de vie, ses objectifs en matière de soins de santé et ses décisions de traitement, et ne pas mettre fin à la relation médecin-patient uniquement parce que le patient ne suit pas les conseils (par exemple, en ce qui concerne l'arrêt du tabac, la consommation de drogues ou d'alcool, ou la décision du patient de ne pas se faire vacciner ou de ne pas vacciner ses enfants), souffre d'une addiction ou d'une dépendance, prend une dose élevée d'un médicament ou d'une substance contrôlée prescrite ou cherche à obtenir un traitement auquel le médecin s'oppose pour des raisons de conscience ou de croyances religieuses.» Tenter de combler le fossé Idéalement, selon l'ACPM et les collèges, le médecin qui a des difficultés avec un patient devrait d'abord essayer de résoudre les problèmes par une communication ouverte et honnête. Une écoute active, sans jugement, peut aider à désamorcer la situation. Toutefois, on ne s'attend pas à ce que les médecins tolèrent les abus ou les menaces de préjudice dans le cadre de leur rôle de prestataires de soins de santé. «La clé d'une relation médecin/patient bénéfique réside dans la confiance et le respect mutuels au sein de cette relation. Si cela fait défaut, le médecin peut avoir du mal à examiner et à diagnostiquer les problèmes avec précision, et le patient peut ne pas tenir compte des conseils ou des suggestions qui lui sont donnés», indique le Dr Desai. «Toutefois, un désaccord sur les options de traitement n'est pas synonyme de rupture de confiance. Ce n'est que dans une petite minorité de circonstances qu'un désaccord impliquerait une rupture de la relation médecin-patient», a-t-il ajouté. Une erreur faite par les médecins Bien qu'il soit recommandé d'essayer de résoudre les conflits, le plus souvent, les médecins font l'erreur de tolérer les mauvais comportements. «Parfois, les médecins peuvent supporter une quantité importante d'abus sans vouloir répliquer, mettre quelque chose de négatif dans les notes ou compromettre de quelque façon que ce soit les soins aux patients», souligne le Dr Desai. «À long terme, l'impact de ces abus peut conduire le médecin à être tellement traumatisé que cela affecte les soins de ce patient, et d'autres patients de de sa clinique également.» Il s'agit pour les médecins de comprendre qu'ils ont toujours le droit d'être traités avec respect, a déclaré le Dr Desai, et qu'ils doivent avoir une tolérance zéro contre les abus et réagir dès que possible lorsque ceux-ci surviennent. Que faire quand le moment est venu de rompre les liens L'ACPM décrit les mesures spécifiques à prendre lorsqu'un médecin estime qu'il est temps de mettre fin à une relation thérapeutique. Les recommandations générales sont les suivantes: Tentez une résolution, si approprié; Vérifiez les politiques et les exigences de votre collège pour mettre fin à de telles relations dans votre province ou territoire; Adoptez une approche compatissante; Prévenez le patient en personne si votre sécurité n'est pas en jeu (sinon, écrivez une lettre); Donnez au patient un préavis suffisant, en tenant compte de sa situation et de la disponibilité d'autres ressources; Fournissez au patient des informations ou des instructions spécifiques concernant son état de santé particulier; Facilitez la recherche d'un nouveau médecin par le patient; Informez votre personnel et, le cas échéant, d'autres professionnels de la santé et organisez le transfert confidentiel des dossiers; Conservez soigneusement les dossiers sur les incidents qui ont conduit à la cessation de la relation, ainsi que sur le processus de cessation; Suivez les procédures de votre collège. Documentez, documentez, documentez «La chose la plus importante que les médecins doivent faire lorsqu'ils mettent fin à une relation médecin-patient est de s'assurer que la documentation soit exacte», affirme le Dr Desai. «Si le problème est un événement soudain (comme une violence verbale manifeste ou des menaces physiques), il doit être consigné au dossier dès que possible. Si le problème se développe au fil du temps, il serait alors important de documenter la discussion que le médecin a eue avec le patient pour l'informer du problème et les mesures que le médecin a prises pour le résoudre avant qu'il ne soit nécessaire de mettre fin à la relation», ajoute le Dr Desai. Si tous les collèges ont des directives généralement similaires, il est quand même conseillé aux médecins d'en examiner les spécificités. Par exemple, tous acceptent qu'il doit y avoir une confiance et un respect mutuels dans la relation médecin/patient, et l'utilisent comme principe de base, mais il peut y avoir de légères différences dans la manière dont les médecins doivent aborder ces patients et documenter ces questions. Il convient de noter qu'il existe des variations dans les seuils de ce qui est considéré comme justificatif à une fin de relation. Toutefois, malgré l'attention accrue portée aux rencontres difficiles avec les patients en raison des circonstances stressantes entourant la COVID-19, «la très grande majorité des relations entre médecins et patients sont positives. Et la plupart de celles qui ne le sont pas peuvent être corrigées par une communication ouverte et sans jugement», conclut le Dr Desai.

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