Quand des pharmaciens documentent l’utilisation du Paxlovid

Entre février 2022 et janvier 2023, quelque 930 pharmaciens communautaires ont participé à un projet inédit d’Accessa, l’entreprise filiale de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires du Québec (AQPP) qui gère des programmes de soutien aux patients (PSP) pour des médicaments de spécialité. L’objectif: collecter des données du contexte réel, autrement dit du terrain, sur l’usage du PaxlovidMC, l’antiviral contre la COVID-19 que les pharmaciens québécois ont été autorisés à prescrire à compter du 1er avril 2022. La finalité de ce projet était double. D'abord, sur le plan clinique, il s’agissait de mesurer l’efficacité, l’innocuité et l’observance de ce traitement relativement dispendieux (environ 950$). Sur un total de 1189 dossiers distincts renseignés par les pharmaciens participants, 1004 ont été retenus pour l’analyse dont les résultats ont ensuite été partagés avec l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), partenaire du projet. «On a constaté une baisse des hospitalisations des patients covidés à risque, de 5% à 1%, qui était conforme aux prétentions du fabricant du Paxlovid», observe le président d’Accessa, Jean Bourcier qui en conclut qu’autoriser les pharmaciens à prescrire l’antiviral oral a été «une bonne décision qui a sauvé des vies et des coûts hospitaliers». Ensuite, du côté d'Accessa, ce projet était avant tout une preuve de concept afin de valider que sa plateforme informatique maison, dénommée Curo, qui sert à l’administration de ses différents PSP, pouvait collecter des données fiables, neutres et structurées, accessibles en temps réel. «On voulait aussi voir si les pharmaciens avaient un intérêt pour ce genre de projet et s’ils étaient capables de colliger des infos cliniques de qualité», précise la vice-présidente de l’entreprise, Nadia Khassassi. Dans les trois cas, la réponse a été positive. Ces données collectées auprès des patients, qui ont été anonymisées avant d’être exploitées, sont d’un grand intérêt pour les décideurs publics, les organismes certificateurs, les régimes d’assurance publics et privés, les fabricants de médicaments ou encore les chercheurs, signale Jean Bourcier. «Les informations qu’on peut colliger avec Curo sont assez uniques et très utiles pour éclairer ces parties prenantes. On est par exemple en mesure de fournir des données qui répondent aux exigences de Santé Canada et de l’INESSS», indique le vice-président de l’AQPP qui voit là l’opportunité d’un nouveau créneau d’affaires à exploiter pour Accessa en indiquant que d’autres projets de la sorte sont déjà «dans les tuyaux». Deux formulaires à remplir Dans le cadre du projet Paxlovid, les pharmaciens participants devaient remplir deux formulaires distincts, spécialement développés afin de permettre la collecte des données de façon structurée. «Le premier formulaire était renseigné au début du traitement pour capter les informations de base du patient: âge, taille, poids, fonction rénale, historique de vaccination contre la COVID, antécédents d’infection, etc. Le second devait être rempli 14 jours après pour saisir des données sur l’évolution de l’état de santé du patient, l’observance et l’efficacité du traitement», indique Nadia Khassassi en précisant que le premier formulaire prenait 10 à 15 minutes à remplir, le second, de 5 à 10 minutes. Pour chacun, les pharmaciens étaient rétribués 17,50$. «Ça s’insérait très bien dans la chaîne de travail. On avait déjà beaucoup d’infos à collecter auprès des patients pour prescrire le Paxlovid. Il suffisait juste de les documenter dans Curo. Ce n’était pas une grosse tâche en plus», témoigne Philippe Desmarais, un des pharmaciens participants qui a transmis une quarantaine de dossiers à Accessa. «C’est mon devoir de suivre l’efficacité d’un traitement», ajoute le copropriétaire d’une pharmacie sous la bannière Proxim, à Saint-Denis-sur-Richelieu. «Participer au projet m’a permis de mieux encadrer mes suivis et de remplir mes obligations professionnelles.» Contribuer localement à la science Sur un plan plus personnel, le pharmacien y a vu l’occasion de «contribuer à l’avancement de la science de façon locale». Il a notamment constaté que «les patients étaient très ouverts à cette idée. Ils donnaient facilement leur consentement. Au final, ils étaient gagnants, car ils étaient entendus et suivis de près. Ça a renforcé notre lien de confiance.»

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