PL 81: «Il faut donner un coup de barre, et c’est ce que je fais» - Gaétan Barrette

En commission parlementaire, plusieurs intervenants ont demandé au ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, de retirer complètement ou en partie le projet de loi 81. Sa réponse a été claire : « Les possibilités que je le retire sont très faibles, voire inexistantes. » Photo : Francis VachonLe 14 mars, soit quelques jours après la fin des consultations particulières sur le projet de loi 81, le ministre a accepté de répondre aux questions de Profession Santé afin de partager ses réflexions sur ce qu’il a entendu lors de ces travaux parlementaires portant sur le secteur économique fort complexe du médicament.Gaétan Barrette estime qu’un « coup de barre » doit être donné, car le Québec paie une facture trop élevée pour ses médicaments génériques. Il estime que les marges bénéficiaires des différents acteurs de la chaîne du médicament (fabricants, grossistes, chaînes et bannières) sont trop importantes.Lors de la commission, le ministre a également abordé d’autres enjeux relatifs au secteur de la pharmacie, comme les honoraires plus élevés que réclament certains pharmaciens propriétaires aux assurés des régimes privés en comparaison des tarifs versés par le régime public d’assurance médicaments pour les mêmes actes. Comme le projet de loi 81 ne porte pas sur ces sujets, il se garde toutefois de dire ce qu’il entend faire à ce chapitre.Quels sont vos constats à l’issue de la commission ?C’est un projet de loi dont l’objectif est de permettre d’aller chercher de meilleurs prix pour les médicaments. À ce chapitre, tout le monde a admis en commission qu’il y a de la marge dans la chaîne du médicament générique pour réaliser ces économies.Avez-vous été surpris par des éléments entendus lors de la commission ?Tout ce que j’ai entendu durant la commission, je l’avais déjà entendu dans ma vie professionnelle antérieure. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Ce qui m’a surpris, c’est à quel point certains intervenants se sont ouverts involontairement. Tout le monde admet qu’il y a une marge de profit, mais tout le monde décrit cette marge comme se trouvant chez le voisin. Cela veut dire qu’il y a de la marge partout dans la chaîne. Il reste maintenant à voir la profondeur de cette marge.Quel est le raisonnement qui vous a poussé à présenter le projet de loi 81 ?De la matière première pour fabriquer les médicaments jusqu’aux patients, s’il y a de l’argent dépensé sans valeur ajoutée pour la société, c’est de l’argent dépensé pour rien.Cette dépense sociétale est importante pour le régime public, mais également pour les régimes privés d’assurance médicaments. Dans ce cas, ce sont les citoyens qui paient, mais une partie de la facture est aussi envoyée aux employeurs.Combien de molécules pourraient être visées par les appels d’offres pour les médicaments génériques ?Comme on l’a vu avec l’exemple de la Nouvelle-Zélande, des appels d’offres, ça peut se faire pour des centaines, voire des milliers de molécules. Cela ne pose pas de problème.Avez-vous appris quelque chose dans les recommandations de certains groupes pour éviter les effets indésirables des appels d’offres ?Au Parti québécois, on nous parle de certaines de ces recommandations comme des révélations, alors que ce sont des banalités. Des appels d’offres, cela fait des années que j’en fais et certains d’entres eux étaient bien plus compliqués à réaliser sur le plan technique¹. Ce que je trouve intéressant du côté des médicaments, c’est qu’il y a un potentiel d’économies plus spectaculaire qu’ailleurs.Plusieurs intervenants vous ont demandé le retrait de l’article sur les appels d’offres visant les grossistes. Que leur répondez-vous ?Quand il y a une convergence pour ne pas toucher à un secteur en particulier, surtout lorsque l’objet du débat est une question de marges, c’est peut-être là que se trouve la plus grosse marge.Plusieurs vous ont aussi demandé de prioriser la participation du Québec à l’Alliance pharmaceutique pancanadienne (APP).En commission, tout le monde m’a confirmé qu’il y avait de la marge, mais plusieurs me disent de nous en tenir à notre participation à l’APP. Pourquoi, croyez-vous ? Ils savent que je vais aller plus loin.D’ailleurs, l’APP regarde ce que nous faisons. C’est pour cette raison qu’il y avait autant de monde sur les banquettes arrière lors de la commission. Ils savent que ce que je fais aura un impact ailleurs au Canada.Estimez-vous que l’indépendance professionnelle des pharmaciens est menacée par certains modèles d’affaires des chaînes et bannières de pharmacies ?Dans la chaîne du médicament, il y a de gros joueurs et de petits joueurs. Les pharmaciens, qui sont des petits joueurs, sont au début de la chaîne. Ce sont eux qui sont en difficulté et pas les autres. Ma réflexion est que l’on doit s’assurer d’une certaine protection professionnelle, mais aussi d’une indépendance administrative des pharmaciens.L’indépendance des pharmaciens est-elle davantage menacée dans les modèles d’intégration verticale, lorsqu’une chaîne de pharmacies possède également un fabricant de médicaments et un distributeur ?Il n’y a aucun doute que l’indépendance professionnelle et l’indépendance financière des pharmaciens sont menacées. L’intégration verticale est un principe qui entraîne également un coût dont ne bénéficient pas nécessairement les patients et l’État.En commission, vous avez abordé d’autres sujets comme la transparence des factures en pharmacie. Avez-vous d’autres plans ?J’analyse présentement l’ensemble du secteur du médicament, mais je ne dirai pas quels sont mes autres plans.Allez-vous rédiger une nouvelle Politique du médicament ?Le projet de loi 81 ne contient que trois articles. Le Parti québécois voudrait que nous transformions le projet de loi 81 en une nouvelle Politique du médicament. Cela n’arrivera pas. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas lieu de réfléchir à autre chose. Il sera intéressant de voir si le PQ fera de l’obstruction.Quelle est votre priorité entre le projet de loi 81 et l’adoption du règlement sur le « déplafonnement » des allocations professionnelles ?Je travaille sur les deux en même temps. La roue a commencé à tourner et elle ne peut pas s’arrêter.L’AQPP estime que l’économie de la pharmacie communautaire est fragilisée par le retard du déplafonnement²…Le souhait de l’AQPP est que le déplafonnement des allocations professionnelles soit permanent et irréversible. Cela n’arrivera pas. Je comprends toutefois les problématiques des pharmaciens et je vais m’y attarder.D’ailleurs, n’avez-vous pas convenu d’une révision éventuelle du mode de rémunération avec l’AQPP ?Oui, mais cela ne fait pas partie du cadre de discussions entourant le projet de loi 81.Dix mois après l’entrée en vigueur des activités professionnelles des pharmaciens octroyées par la Loi 41, êtes-vous satisfait ?[Grâce à l’entente que nous avons signée avec l’AQPP], nous avons ouvert une porte toute grande aux pharmaciens, mais ils n’y sont pas encore entrés pleinement. Ce n’est pas de ma faute, c’est à eux de le faire.Même si le projet de loi 81 concerne la pharmacie, les médecins doivent-ils s’y intéresser ?Il y a bien des choses qui n’intéressent pas les médecins lorsqu’il s’agit de conséquences économiques dans la société. Étant les prescripteurs, les médecins doivent réaliser l’impact économique qu’ont leurs décisions, car cela finit par avoir un impact économique sur eux-mêmes. Personne n’est en vase clos dans ce système, incluant les médecins.À lire aussi: Commission parlementaire sur le PL 81: prudence avec les appels d’offres, plaident plusieurs intervenants1. Lorsqu’il était notamment président de l’Association des radiologistes du Québec, Gaétan Barrette avait participé à la réalisation d’appels d’offres pour remplacer des équipements de radiologie vétustes.2. Depuis septembre 2015, les pharmaciens doivent verser des montants au gouvernement. Leur entente prévoit le déplafonnement des allocations professionnelles pour atténuer l’impact de cette mesure. À la mi-mars 2016, le règlement sur ce déplafonnement n’était pas encore adopté.

PL 81: «Il faut donner un coup de barre, et c’est ce que je fais» - Gaétan Barrette

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes