Projet de loi 28: les étudiants en pharmacie inquiets pour leur future profession

Les étudiants en pharmacie craignent que certains pharmaciens propriétaires cessent de les recevoir en stage si le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Gaétan Barrette, réduit leurs honoraires, notamment ceux pour les piluliers.C’est l’une des inquiétudes que sont venues exprimer avec aplomb les deux associations étudiantes en pharmacie au cours de la présentation de leur mémoire respectif, le 5 février, devant les parlementaires de la Commission des finances publiques qui mène des consultations sur le projet de loi 28 (Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à l’équilibre budgétaire en 2015-2016).« Les maîtres de stage ne sont pas rémunérés quand ils nous reçoivent dans les pharmacies, a expliqué Yannick Harvey, président de l’Association générale des étudiants en pharmacie (AGEP) de l’Université Laval. Dans le fond, ça augmente leurs tâches de travail. Avec la diminution des ressources, ils vont devoir sélectionner les tâches prioritaires en pharmacie et il se peut que l’enseignement ne soit pas l’une de celles-là. »« La diminution des milieux de stage disponibles pourrait occasionner des reports de stage aux sessions d’été et d’automne et ainsi retarder l’entrée sur le marché du travail des étudiants en pharmacie », a mentionné pour sa part Cédric Lalonde, vice-président aux affaires externes de l’Association des étudiants en pharmacie de l’Université de Montréal – programmes Pharm. D. et QEP (AÉPUM).Les deux associations étudiantes ont souligné qu’avant même le dépôt du projet de loi 28, les deux facultés de pharmacie éprouvaient déjà des difficultés à trouver des stages pour les étudiants au Pharm. D. À l’Université Laval, par exemple, 90 étudiants en pharmacie sur environ 700 ont été contraints de se trouver un stage par eux-mêmes cet hiver.En raison du projet de loi 28, quelques pharmaciens ont déjà commencé à annuler leur participation aux stages dans les deux universités.« Je comprends l’enjeu et il va falloir qu’on trouve une façon de s’assurer que cela ne diminue pas la disponibilité des stages qui sont importants pour votre formation », a promis Carlos J. Leitão, ministre des Finances et présentateur du projet de loi 28.Selon ce dernier, il devrait y avoir une obligation pour les pharmaciens de recevoir des stagiaires dans les pharmacies.Non à la gratuité des nouveaux actes de la Loi 41Après avoir salué l’intention du gouvernement du Québec de mettre en vigueur les nouveaux actes des pharmaciens, l’AGEP et l’AÉPUM ont dit aux parlementaires que l’adoption du projet de loi 28 pourrait nuire à leur déploiement et à leur future profession.« Le contexte actuel de la mise en place du projet de loi 28 tel que proposé va entraver la pratique de la pharmacie moderne de façon un petit peu insidieuse, notamment en diminuant les revenus avec les honoraires des Dispill », a soutenu le président de l’AGEP.« En augmentant la charge de travail clinique des pharmacies, ce n’est pas toutes les pharmacies qui auront les ressources humaines et le temps disponibles pour pouvoir faire ces [nouveaux actes] cliniques. On trouve ça déconcertant, en tant qu’étudiants en pharmacie, de suivre un parcours académique aussi rigoureux et de ne pas être utilisés à notre plein potentiel. Le gouvernement passe à côté d’une main-d'œuvre super qualifiée qui pourrait augmenter l’efficience du système de santé et, à long terme, engendrer des économies. »La présidente de l’AÉPUM, Karina Savoie, a dit pour sa part qu’en assurant certains services à 0 $, « le gouvernement met en péril l’avenir de la profession de pharmacien ».« [Avec] la non-reconnaissance de la valeur des actes cliniques des pharmaciens et la diminution potentielle des honoraires reliés à leur distribution, il sera difficile d’offrir d’éventuels nouveaux services pharmaceutiques de qualité supérieure aux Québécois. […]. Il est inévitable de décrier l’injustice faite aux pharmaciens qui envoie comme message qu’une partie de leur expertise n’a aucune valeur. »Au lieu de réduire les honoraires des pharmaciens reliés aux piluliers, l’AGEP propose au gouvernement de mieux encadrer leur utilisation pour ne pas pénaliser les patients qui en ont réellement besoin.« Le Dispill permet de favoriser l’adhésion [du patient] à son traitement a fait valoir Yannick Harvey. Il peut éviter des hospitalisations et des problèmes reliés aux médicaments. »Pour l’AÉPUM, l’offre de service en pharmacie et la sécurité du public seront compromises advenant notamment une diminution des honoraires pour le service du pilulier hebdomadaire.Les deux associations étudiantes ont également demandé que tous les nouveaux actes puissent être rémunérés. « Il est possible de se questionner quant à la qualité et à l’accessibilité des soins pharmaceutiques encourues si aucune rémunération n’est associée à la prise de décision du pharmacien, considère Philippe Arbour, vice-président aux affaires académiques à l’AÉPUM. Il est utopique de penser qu’un professionnel effectuera un acte sans qu’aucune rémunération y soit associée. En effectuant un acte clinique, il investit du temps, il met à profit ses connaissances, mais surtout, il met en jeu sa responsabilité professionnelle. »Pour une question d’équité entre les patients, l’AGEP et l’AÉPUM ont recommandé que les nouveaux actes soient couverts en vertu du régime public d’assurance maladie au lieu du régime général d’assurance médicaments.Advenant le cas où cette proposition ne serait pas acceptée, les deux associations étudiantes sont d’avis que les pharmaciens propriétaires devraient pouvoir facturer à leurs patients leurs nouveaux services.Revoir le modèle de rémunération des pharmaciens Plus globalement, elles ont suggéré de revoir le mode de rémunération des pharmaciens, notamment en consultant l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP).« Il date de 1972, a souligné Michaël Cardinal, vice-président aux affaires corporatives à l’AÉPUM. Il ne tient pas compte de la réalité actuelle de la pharmacie au Québec. Ce dernier doit absolument être cohérent avec les enjeux de la pratique des pharmaciens et être davantage axé sur les soins pharmaceutiques dans l’intérêt de l’avenir de la profession. »

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