Pourquoi la médecine familiale est-elle importante?

J'ai écrit de nombreux articles sur les raisons pour lesquelles la médecine familiale est intenable. J'ai écrit sur les défis et la complexité de la médecine familiale. J'ai également essayé de montrer la nature ambiguë d'être à la fois comme un fonctionnaire tout en dirigeant une entreprise privée. Cet article porte sur le caractère exceptionnel de la médecine familiale dans son ensemble, qui s'appuie sur des relations longitudinales, indifférenciées, et centrées sur le patient. Il s'agit d'un article optimiste, donc si vous voyez des licornes, c'est normal. Relation longitudinale: accompagner les patients dans leur parcours de vie Amanda était une petite fille douce et souriante née avant terme d'une mère célibataire. Elle a commencé sa vie avec des problèmes respiratoires, un syndrome de reflux gastro-oesophagien, des coliques et un retard de croissance. Au début, Amanda et sa mère sont venues à notre clinique chaque semaine pour des pesées et un soutien à l'allaitement. Il fallait être à l'aise avec le lait maternisé en alternance avec l'allaitement et s'assurer que la mère pouvait se reposer entre les cycles de tétée et de changement de couche. Nous avons ensuite dû faire face à diverses allergies et intolérances alimentaires. Puis nous avons lutté contre des douleurs abdominales chroniques et de la constipation, tandis que la mère était au chômage et devait subir une mère tyrannique. Amanda s'est battue pour bien grandir, bien manger et atteindre un bon développement neurocognitif. Elle avait traversé beaucoup de défis, mais l'environnement familial était instable, les revenus étaient irréguliers, la grand-mère était tellement méprisante envers la mère d'Amanda, et puis il y a eu plusieurs petits amis. Amanda ne dormait pas bien. La mère souffrait d'un mélange d'anxiété et de dépression. De plus, elle souffrait de douleurs chroniques et prenait beaucoup de médicaments en vente libre. À la puberté, nous avons découvert qu'Amanda était atteinte du syndrome de Turner en mosaïque, et présentait des problèmes osseux, de santé mentale, de maladie cœliaque/IBS et des difficultés d'apprentissage. Nous avons obtenu du soutien du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario. Nous nous sommes battus pour que l'Aide à l'enfance s'implique. Amanda a manqué beaucoup de jours d'école. Elle n'a pas terminé le secondaire malgré son transfert dans une école spécialisée. Après des années de soutien, de guidance parentale, de conseils et de recherche de solutions, Amanda ne vit plus avec sa mère, mais dans un foyer pour personnes ayant un trouble développemental. Elle est employée à temps partiel chez Tim Horton's. La mère d'Amanda s'est remariée et a deux enfants «normaux». Ils soutiennent tous Amanda. Le parcours de santé d'Amanda a connu de nombreux rebondissements et seul un généraliste «longitudinal» qui suit une personne tout au long de sa vie peut comprendre les nuances du passé, du présent et du futur. C'est là tout le pouvoir de la médecine familiale: accompagner les patients dans leur parcours de vie. Relation axée sur les patients: les rencontrer là où ils se trouvent Dans l'histoire d'Amanda, nous avons parlé de sa mère, Claire, et de sa grand-mère, Ruth. Claire était une mère adolescente. Ruth était mariée à un alcoolique qui n'était pas présent, mais apportait un bon revenu. Ils vivaient à Smith Falls, une petite ville rurale à une heure au sud d'Ottawa. Claire était la plus jeune de la fratrie et son frère aîné était le préféré de sa mère. Claire s'est rebellée à l’école secondaire et a commencé à fumer et à boire comme son père. Ruth était très stricte. Le père ne faisait que boire. À 16 ans, Claire est tombée enceinte de son premier «amour», qui s'est avéré être un schizophrène violent. Les parents ont renié Claire. Claire a travaillé dans un fast-food tout en étant une mère célibataire. Elle a fini par retourner chez ses parents, où elle se faisait rabaisser et malmener par une mère en colère qui n'arrêtait pas de lui dire : «Je te l'avais dit.» Claire a lutté contre la dépression, l'anxiété, avait une faible estime de soi et avait besoin d'être rassurée par des figures d'autorité (comme son médecin) pour tout ce qu'elle faisait. Lorsque sa vie s'est stabilisée, Claire a terminé l’école secondaire, puis quelques cours au collège. Connaître les parcours de vie d'Amanda, de sa mère et de sa grand-mère, et savoir ce dont chacune avait besoin est un signe distinctif du pouvoir de la médecine familiale. Généralité: l'obligation de savoir quelque chose sur tout Amanda, Claire et Ruth ont toutes trois été confrontées à diverses difficultés physiques, psychologiques et situationnelles dans leur vie. En tant que médecins de famille, nous alternons souvent entre savoir ce qu'il faut faire et devoir apprendre de nouvelles choses. Toutes les connaissances cliniques acquises à la faculté de médecine sont constamment remises en question. Il n'existe aucune autre discipline médicale qui connaisse un tel éventail de toutes les autres spécialités. Dans le cas présent, il s'agissait de compétences cliniques en pédiatrie, en soins postnataux (et éventuellement en nouveaux soins prénataux), en nutrition, en allaitement, en maladies génétiques, en santé mentale et en toxicomanie, en soutien social, en besoins éducatifs, en accès aux ressources communautaires, en discordes conjugales, en relation avec l'aide à l'enfance, en états de santé urgents et chroniques, et ainsi de suite. Avoir des connaissances de base et soutenir d'autres spécialités dans les domaines médicaux et paramédicaux est une incroyable prouesse. Pourquoi cette histoire est-elle importante? Eh bien, ce n'est qu'une histoire dans le parcours d'une famille. En 30 ans, j'ai vécu 10 000 histoires dans la vie de milliers de patients. Chaque interaction change les trajectoires. Elle soutient d'autres praticiens, améliore des vies, réduit les morbidités et permet d'économiser des coûts. C'est le miracle de la médecine familiale. Malheureusement, ces licornes sont lentement en voie de disparition. Si Amanda et sa famille n'avaient pas un médecin de famille qui s'investisse dans leurs objectifs de santé longitudinaux, combien de fois seraient-elles allées aux urgences? Ou dans des cliniques sans rendez-vous déconnectées? Combien de médecins auraient-elles vus? Combien de tests inutiles auraient-elles subis? Combien de spécialistes auraient-elles vus? Combien de défis innombrables auraient-elles dû relever? Et quelle est la probabilité qu'on en soit arrivé au résultat actuel? Voici donc le portrait d'ensemble: il faut un point d'entrée unique pour tous les patients au Canada. Je soutiens que ce point d'entrée ne peut être qu'un médecin de famille longitudinal, généraliste et axé sur la relation avec le patient. Chaque médecin doit d'abord être un médecin de famille (avant de devenir un spécialiste). C'est sur la prévention et les soins primaires que doivent se concentrer nos fonds limités. C'est la base pour soutenir et servir tout le monde équitablement. Chaque patient au Canada a besoin de son propre médecin de famille. Donc, comme environ cinq millions de Canadiens n'ont pas d’omnipraticien, nous avons besoin d'environ 5 000 nouveaux médecins de famille au Canada maintenant. Chacun devrait être un employé fédéral avec des avantages sociaux. Pas un opérateur du privé. Chaque médecin de famille devrait travailler régulièrement 37,5 heures par semaine et être responsable d'environ 1 000 patients. La médecine familiale est le seul moyen d'améliorer l'efficacité du système de santé. Qu'en pensez-vous? Cet article a déjà été publié en anglais dans Healthy Debate. Vous souhaitez vous aussi faire valoir votre point de vue sur un enjeu du système de santé? Apporter une réflexion vis-à-vis de votre profession? Envoyez-nous un texte d'opinion à titre de professionnel de la santé ou d'association en santé, afin qu'il soit relayé sur le site. Plus d'infos >

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