Pistes d’intervention pour le traitement du pseudo-TDAH: détecter les environnements anxiogènes

Suite à différents malaises (vertiges, serrements au cœur, etc.), un de mes patients, adulte, est allé voir un médecin. Les différents symptômes physiques étaient probablement dus à de l’anxiété, mais il valait mieux vérifier s’il n’y avait pas un problème cardiaque sous-jacent.Lors de notre rencontre, il m’a rapporté la conversation qu’il avait eue avec son médecin après l’auscultation. D’abord, ce dernier l’a rassuré: il n’avait pas de lésions particulières, les indices physiologiques étaient normaux. Puis, il lui a prescrit des médicaments. Le patient, surpris, s’est exclamé: «Mais, docteur, vous me dites que je n’ai rien?»«Vous avez raison, a-t-il répondu, vos symptômes ne sont que la manifestation de votre anxiété, mais tout le monde veut être performant. Monsieur travaille comme un fou. Madame tout autant. Ils veulent la grosse voiture, la grosse télé... Et on s’étonne que, à un moment, l’anxiété atteint un plafond qui rend tout le monde dysfonctionnel, y compris les enfants. Alors, les gens demandent des médicaments, parce qu’ils ne veulent pas renoncer ni à la voiture ni à la télé, ni au spa ni aux vacances à Cuba…»Trop de demandes d’adaptation L’enfant aborde l’environnement familial et scolaire comme un ensemble de facteurs anxiogènes qui, parfois, perturbent sa capacité d’adaptation. En effet, notre mode de vie induit des habitudes et des attitudes qui peuvent apparaître problématiques pour l’équilibre affectif des enfants.Longtemps, les adultes sont partis de l’idée que les enfants s’adaptaient à tout. C’était peut-être le cas auparavant, mais c’est de moins en moins facile pour eux. Diverses situations compliquent en effet leur développement affectif.Dans un plan de traitement global, il s’agit d’envisager tous les facteurs de stress qui requièrent une adaptation de l’enfant, et d’outiller les parents pour répondre mieux aux besoins de leurs enfants.Il est aussi nécessaire de les aider à distinguer le «caprice» du «besoin», eux-mêmes ne faisant pas nécessairement la différence... Par exemple, les achats compulsifs ou les vacances payées à crédit sont monnaie courante de nos jours, mais quel stress cela induit-il sur la famille toute entière?Il faut donc entamer un processus, tantôt éducatif, tantôt thérapeutique, pour contribuer à leur épanouissement, et cela comprend une responsabilisation des différents acteurs. C’est la raison pour laquelle je fais beaucoup d’interventions familiales. L’enfant fait partie d’un système. Et le tout repose sur un lien de confiance afin que chacun parle des vraies choses, des vrais enjeux.Fondamentalement, je crois que les comportements maladroits ou dérangeants reflètent, bien souvent, des dysfonctions relationnelles sur lesquelles on peut travailler plus efficacement en impliquant la famille. Bien sûr, on peut répertorier ces maladresses sur les grilles d’évaluation diagnostique, mais rend-on justice à l’enfant? Ou même au parent?Faut-il lui faire croire que les irritants sont d’origine génétique ou neurologique pour éviter toute forme de culpabilisation? La culpabilité apparaît quand nous ne sommes pas en paix avec nos choix. En se coupant de cet «audit interne», ne risque-t-on pas d’éviter une révision nécessaire des décisions parentales?Pourquoi avoir tellement peur de confronter les adultes quand nous voyons un enfant en souffrance? Le respect et la bienveillance sont de mise pour nos patients, mais occulter leur part de responsabilité n’induit-il pas une augmentation de la détresse et des troubles pédopsychiatriques?À la maisonPrincipalement, on peut régulièrement observer un manque de cohérence dans les stratégies éducatives. La relation entre les parents et les enfants n’est plus celle que nous avions quand nous étions enfants. Nous voulons nous engager dans des relations plus respectueuses, mais le risque de lutte de pouvoir reste présent tout au long de l’enfance et de l’adolescence. Parfois, certains parents permettent, au contraire, tout et n’importe quoi. D’enfant teflon à enfant roi, c’est mal partir dans la vie…La qualité de la relation dépend de la qualité de la présence. Et il faut une certaine quantité de présence également. La sur-stimulation est parfois aussi problématique que la sous-stimulation.Par ailleurs, il faut prendre en compte le moment de nos interventions. Si on n’est disponible que pour punir, peut-on s’attendre à autre chose que des bêtises pour attirer notre attention… avec le stress que cela occasionne et l'incertitude de valoir quelque chose aux yeux des parents. Personnellement, je ne lève le ton à la maison que si j’interviens trop tôt ou trop tard. Ma posture de «papa fâché» m’invite donc à me réajuster pour la prochaine fois…Bien sûr, la vie moderne est très exigeante pour les parents. Les couples, même initialement unis dans l’amour, sont à risque lorsque les facteurs de stress sont trop importants. Disputes, attentes, déceptions… Parfois, la séparation s’avère le meilleur choix. Toutefois, pour l’enfant, c’est tout un défi. Quand il est chez papa, maman manque. Quand il est chez maman, papa manque. Il y a également un risque de conflit de loyauté, d'autant plus lorsque le divorce est difficile.Si les parents se sont séparés, il est possible qu’il n’y ait pas de cohérence entre les règles des deux maisons. Il faut aussi que l’enfant s’adapte à la nouvelle relation de l’un ou de l’autre: autres conflits de loyauté en vue. Relations parfois changeantes, s’attacher, se détacher sans aucun moyen de contrôler la situation. Et il y a parfois l’acceptation de la présence d’autres enfants. Les familles reconstituées sont souvent la cause de nouvelles difficultés d’adaptation.Le travail d’intervention avec les deux (voire les quatre) parents peut donc s’avérer nécessaire. Rendre les interventions disciplinaires et les sanctions les plus homogènes possibles. Encore mieux si c’est cohérent avec le code de vie de l’école. Le livre de Nancy Doyon, «Parents gros bon sens», ou ceux d’Hélène Renaud et Jean-Pierre Gagné sont de bonnes ressources pour les parents.À l’écoleOn constate également que les écoles représentent un facteur de stress important. À nouveau, quand nous étions enfants, nous avions un ou deux professeurs par année, le titulaire et l’éducateur physique.Aujourd’hui, les écoles copient le modèle médical et optent pour un recours à des «spécialistes» qui, malheureusement, ne sont pas toujours bien formés pour le cours qu’ils enseignent ou pour un éparpillement des ressources d’intervention psychosociales.Quand je demande à l’enfant d’énumérer les figures d’autorité dans son quotidien scolaire, on monte régulièrement à un minimum de 12 personnes (cinq à sept profs et un ou deux directeurs, auxquels s’ajoutent les éducatrices du service de garde, les TES, les psychoéducatrices, les orthopédagogues, etc.).Il y a également le stress de performance, les moqueries des adultes, les tensions relationnelles entre pairs, l’intimidation, la peur du rejet, les cours qui ne correspondent pas aux lois biologiques (en ce sens qu’on demande parfois des choses aux enfants que leur cerveau ne peut pas encore produire), le contenu des cours qui n’est pas toujours intéressant, la position de l’enfant dans sa classe, les professeurs qui transgressent eux-mêmes le code de vie de l’école et s’avèrent de véritables cerbères pour le faire respecter par les enfants, les professeurs désabusés ou épuisés, etc.Nous ne pouvons pas intervenir sur les facteurs stressants du milieu scolaire, mais comprendre que l’enfant est biologiquement programmé pour répondre par des comportements maladroits comme «fly», «fight» or «freeze» permet de douter d’un éventuel TDAH.Dans un tel cas, une médication répond aux besoins des adultes plutôt qu'à ceux des enfants… Et, il est probable que l’intervention psychosociale constituerait un support non négligeable, voire plus pertinent pour l’enfant en difficulté…Pour aller plus loin :J. Monzée (dir.), Ce que le cerveau a dans la tête, Liber 2011.J. Monzée (dir.), Neurosciences, psychothérapie et développement affectif de l’enfant, Liber, 2014.

Neurologiquement Vôtre

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Derrière ce blogue:

JOEL MONZEE