Pharmacologie: une nouvelle méthode de marquage isotopique sans gaz radioactifs

L’utilisation de marqueurs isotopiques est essentielle à la conception de nouveaux médicaments. Ces marqueurs permettent d’observer le comportement et la trajectoire des molécules présentes dans ces médicaments en devenir dans le métabolisme de l’organisme auquel ils sont administrés. La précision de ces marqueurs est telle qu’ils peuvent être suivis même à une concentration nanomolaire.Ces marqueurs sont toutefois radioactifs, et c’est cette radioactivité qui peut être observée, explique le professeur de chimie de l’Université McGill Bruce A. Arndtsen. «Une fois que le marqueur est inséré dans la molécule, on peut l’observer dans le corps, suivre sa trajectoire, comment la molécule marquée se fait métaboliser et voir si le tout fait ce qu’on veut.»La méthode de marquage isotopique traditionnelle requiert un haut niveau de ressources: non seulement l’intégration du marqueur isotopique à la molécule est difficile, longue et coûteuse, mais peut s’avérer risquée, car l’individu procédant à la recherche devra manipuler des produits gazeux radioactifs. Cette méthode demande de prendre un gaz radioactif, qui contient généralement le marqueur isotopique 14C, afin de l’incorporer à la molécule d’intérêt, spécifie le professeur de chimie.Une heureuse rencontreUn congrès de chimie a été l'occasion pour le professeur Arndtsen de faire la rencontre de représentants du laboratoire pharmaceutique Merck, qui l’ont rapidement mis en contact avec Donald Gauthier, chercheur pour l'entreprise.Comme les deux chercheurs ont un intérêt convergent pour les marqueurs isotopiques, ils ont cherché s'il y avait des méthodes alternatives et plus sécuritaires de marquage isotopique.Le fruit de leurs travaux est une étude publiée cette année dans le journal Nature Chemistry. Les chercheurs ont réussi à marquer des molécules à l'étude qui contiennent des acides carboxyliques par «une réaction d’échange de groupes fonctionnels catalysée par un métal», selon la publication. Grâce à cet échange, aucun gaz radioactif n’est produit lors du processus de marquage. Seul bémol: toutes les molécules pharmaceutiques ne sont pas compatibles avec cette méthode.À lire aussi: Le grand marché du médicamentL’étude réservait une autre surprise pour les chercheurs: aucune indication de perte de molécules radioactives gazeuses n’a été constatée après la réaction d’échange. «En théorie, ces molécules auraient pu être émises lorsqu’un fragment de la molécule est intégré à une autre molécule», indique le professeur Arndtsen. Ces molécules gazeuses adhèrent cependant extrêmement bien au métal utilisé pour catalyser la réaction, évitant qu’elles ne s’y dérobent.Il ajouta que le catalyseur retient si bien ces gaz que, bien qu’il ne le recommande pas par mesure de sécurité, les manipulations pourraient presque se faire à l’air libre.«Nous étions agréablement surpris de constater à quel point cette méthode est largement applicable, concède-t-il. On peut donc s’y fier et en faire usage régulièrement afin d’augmenter l’efficacité du processus.» Ce processus d’intégration de marqueurs isotopiques étant plus simple que la méthode conventionnelle, le professeur Arndtsen espère que cela rendra la recherche et le développement de médicaments plus accessible à tous les scientifiques. Les recherches pourront se faire plus rapidement, car les scientifiques n’auront plus à passer par l’entremise de compagnies spécialement outillées pour gérer la manipulation d’éléments radioactifs, ajoute-t-il.

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