Pharmacie: une aire confidentielle pas si confidentielle que ça…

Lettre d'opinion Il y a quelques jours, je me suis rendu, comme patient, dans une pharmacie. C’était dans la succursale d’une grande bannière bien connue et la soirée était achalandée.Alors que je m’installais dans la salle d’attente afin de recevoir mes médicaments, j’ai pris le temps d’observer la configuration des aires de travail de la pharmacie.Dans le brouhaha provoqué par la présence d’une dizaine de personnes entassées les unes devant les autres face au comptoir des ordonnances, il devenait apparent que le modèle était devenu désuet. Eh oui, il faut bien croire que c’est parfois utile de se mettre du côté des patients pour mieux comprendre leur réalité.La remise d’un médicament implique entre autres un conseil pharmaceutique, principe de base de l’exercice de la pharmacie. Bien entendu, la rencontre entre le pharmacien et son patient doit se faire dans le respect strict de la confidentialité. Cette règle, pourtant bien connue des pharmaciens et de leur ordre professionnel, ne semble pas être en adéquation avec ce qui se passe sur le terrain, où l’on voit une certaine stagnation de l’aménagement des pharmacies qui date des années quatre-vingt. En effet, il est frappant d’observer que «l’aire confidentielle» qui n’est souvent qu’un petit espace, muni de gauche à droite d’un mince plexiglas, est fréquemment située tout juste à côté de la caisse où les patients font la file. Comment la remise d’un conseil sur des sujets délicats comme l’utilisation d’une crème vaginale, l’amorce d’un antidépresseur ou d’un traitement pour la dysfonction érectile peut-elle se faire en toute confidentialité avec un tel aménagement des pharmacies? C’est d’autant plus difficile quand il y a une dizaine de personnes dans la salle d’attente, à quelques mètres à peine du comptoir, qui fixent d'un regard perçant le pharmacien et son patient lors de la remise du conseil. La réalité, c'est que notre volonté d’être des praticiens de soins, à l’écoute et au service des patients, se voit freinée par le modèle de fonctionnement des pharmacies communautaires qui, lui, est devenu profondément vétuste. Face à cet enjeu, une question est soulevée: comment voulons-nous ajouter de la crédibilité à notre profession si la valeur qu’on donne aux conseils pharmaceutiques est celle d’un entretien rapide sur le bout d’un comptoir devant tout le monde, comme si on donnait un café et une boîte de beignes? Abordons l’enjeu sous un autre angle: qu’ont en commun les cliniques médicales, dentaires, vétérinaires et optométriques? Les professionnels qui y pratiquent et qui rencontrent des patients le font loin de la salle d’attente, dans un endroit confidentiel et à l’abri des regards. Les pharmaciens s’acharnent à se donner l’image de praticiens de santé qui prodiguent des soins pharmaceutiques et qui ne se contentent pas uniquement de servir des médicaments. Pourtant, leurs lieux de pratique sont aménagés comme des restaurants. De surcroît, ils martèlent dans les médias qu’ils sont les professionnels les plus accessibles, tellement accessibles qu’ils exercent l’intégralité de leur travail à la vue des patients, au risque de se faire interrompre par des questions directement lancées par-dessus le comptoir. La pharmacie, ce n’est pas un fast-food, ce n’est pas un endroit où on attend pour recevoir des pots de pilules et où on se demande pourquoi ça prend vingt minutes au lieu de deux pour recevoir sa prescription. La pharmacie, c’est un endroit où on prend en charge et où on soigne des gens. Si on veut que le grand public comprenne et respecte notre rôle, il est temps que nous valorisions nous-mêmes notre métier et que nous repensions collectivement à la manière, entre autres, dont les conseils sont remis. La confidentialité doit impérativement être assurée. Heureusement, certaines pharmacies ont commencé à se doter d’espaces confidentiels pour la remise de conseils. Un point de départ serait de réglementer l’organisation des aires confidentielles pour toutes les pharmacies du Québec. L’Ordre des pharmaciens, dans son mandat de protection du public, a un rôle à jouer en collaboration avec l’ensemble des pharmaciens. Vous souhaitez vous aussi faire valoir votre point de vue sur un enjeu du système de santé? Apporter une réflexion vis-à-vis de votre profession? Envoyez-nous un texte d'opinion à titre de professionnel de la santé ou d'association en santé, afin qu'il soit relayé sur le site. Plus d'infos >

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