Pharmacie du sport: un nouveau terrain de jeu

À l’été 2023, j’ai été sélectionnée pour faire le camp de développement de Cyclisme Canada au vélodrome de Bromont grâce au programme des Recrues RBC. L’objectif de ce programme est de propulser le plus rapidement possible de jeunes athlètes aux Jeux Olympiques (JO). Alors que la rentrée scolaire me rappelait qu’il me restait encore deux années d’études en pharmacie, je vivais un dilemme à l’intersection de mes deux grandes passions: devais-je me laisser séduire par ce fameux rêve olympique ou plutôt terminer mes études en pharmacie? Pourquoi ne pas combiner les deux? Bien que la voie professionnelle m’ait davantage attirée, je me suis promis qu’un jour j’irais aux JO, non pas en tant qu’athlète, mais en tant que pharmacienne. La tenue des JO de Paris en juillet prochain fait renaître mon grand désir d’y être. Mes premières réflexions me donnent espoir que le pharmacien peut contribuer significativement au sport. Mais, il faudrait commencer à s’entraîner dès maintenant.Rejouer les grands momentsLes JO de Londres en 2012 ont été le point tournant pour la profession de pharmacien sur la scène sportive internationale. Afin de s’y préparer, un groupe de 100 pharmaciens volontaires ont été formés pour devenir des experts en médecine sportive et ont été au premier plan pour conseiller l’usage des médicaments pour les athlètes et non-athlètes. Le pharmacien n’était plus en périphérie des soins, mais bien au centre des services médicaux1,2. Le capitaine d’équipe dans tout ça? Le pharmacien Mark Stuart. Depuis son grand succès à Londres, il a été nommé par le Comité International Olympique (CIO) pour soutenir les pays hôtes afin d’assurer le bon déploiement des services cliniques. Pour y arriver, il doit naviguer à travers la réglementation médicale locale pour adapter la chaîne d’approvisionnement, comprendre les exigences d’importation des médicaments et participer à la sélection des médicaments d’urgence conservés dans les ambulances et à proximité des terrains de sport. Ses implications se sont poursuivies durant de nombreux JO subséquents notamment ceux de Pyeongchang à l’hiver 2018. Encore une fois, il a réussi à faire rayonner notre profession. L’apport remarquable des pharmaciens a été comptabilisé dans l’étude Pharmacy services at the Pyeongchang 2018 Olympic and Paralympic Winter Games3. On peut y lire que les pharmaciens ont notamment assuré la distribution de plus de 5300 ordonnances et ont fourni de l’information clinique aux athlètes et aux prescripteurs quant à l’usage des drogues dans le sport conformément aux règlements de l’Agence mondiale antidopage (AMA) . Ces résultats (non exhaustifs) de recherche m’enthousiasment. Passer le relai au pharmacien a sans équivoque une valeur ajoutée malgré la présence bien établie des médecins, kinésiologues et nutritionnistes dans le domaine du sport. J’en retiens que nous avons un vaste champ d’intervention autant dans la dispensation de la médication que dans la prévention du dopage. Comment les pharmaciens québécois peuvent-ils faire partie de l’équipe?Sur la ligne de départAvant de se rendre à l’international, il faut d’abord développer notre expertise locale en pharmacie sportive. Anne Julie Frenette, pharmacienne aux soins intensifs à l’Hôpital Sacré-Cœur, professeure titulaire de clinique à l’Université de Montréal et athlète de bateau-dragon ayant participé à un championnat du monde, a été rencontrée à ce sujet. Elle partage: «Il a beaucoup de questions auxquelles le pharmacien peut répondre sur le sujet du sport et la santé, mais pour y arriver, il faut commencer petit et construire nos outils d’intervention.» Notre séance de discussion nous a permis de soulever de nombreux champs dans lesquels le pharmacien peut bâtir son expertise: Le pharmacien «Serena Williams», précis dans ses interventions. Certains athlètes prenant de la médication pour une condition médicale diagnostiquée pourraient malheureusement tester positif à un test anti-dopage si ce médicament est indiqué dans la Liste des interdictions de l’AMA. Voici quelques-unes des classes médicamenteuses pouvant être interdites: les diurétiques, l’hormonothérapie et les béta-2 agonistes. Pour éviter son expulsion, l’athlète doit déclarer son usage en amont des tests anti-dopage. Le pharmacien, avec une meilleure compréhension de cette liste, pourra soutenir l’athlète et l’aider à remplir son formulaire de déclaration et justifier aux autorités l’usage légitime de ses médicaments.Le pharmacien «Roger Federer», méticuleux dans ses réflexions. Le pharmacien peut soulever certaines utilisations de médicament moins adaptées. Par exemple, un athlète de cross-fit sous une statine pourrait être à plus haut risque de rhabdomyolyse. Un patient diabétique participant à un marathon lors d’une journée chaude pourrait sauter sa dose de IECA la vieille de la compétition pour réduire le risque de déshydratation. Toutefois, il faudra que le logiciel informatique soit adapté pour pouvoir documenter le sport pratiqué et le niveau d’intensité. Il est essentiel que le patient-athlète tienne informés ses professionnels de la santé, incluant son pharmacien, sur ses objectifs et son calendrier de compétitions.Le pharmacien «LeBron James», leader et influent dans son domaine. Le pharmacien peut jouer un rôle de conférencier afin de sensibiliser les médecins et les athlètes sur l’usage éthique de la médication dans le sport. Si les fondements moraux sont bien ancrés, il sera plus difficile d’y déroger. Certains athlètes voudront quand même chercher à se doper intentionnellement pour atteindre un plus haut niveau de performance. À ce moment, il faudra privilégier une approche de réduction des méfaits. Depuis quelques années, le domaine de sports pharmacie est en pleine émergence et de plus en plus de formations pour être capable de faire de telles interventions sont offertes (pour plus d’informations, voir le site de Sportsoracle ou celui de l’Université de Sherbrooke).Une chose est sûre, il faut prendre la balle au bond et suivre les bons coups de notre pionnier, Mark Stuart, pour que les pharmaciens québécois brillent sur la scène tantôt locale tantôt internationale dans le domaine du sport. Notre potentiel est immense. La balle est dans notre camp. À nous de marquer des points. 1. Community pharmacy news. London Olympic put pharmacy on a global stage. Cité le 9 juin 2024, publié le 8 mars 2013. [En ligne]. Disponible au: https://www.chemistanddruggist.co.uk/CD016042/London-Olympics-put-pharmacy-on-a-global-stage2. Stuart M, Mottram D, Thomas T, Innovations in Olympic and Paralympic pharmacy services, British Journal of Sports Medicine 2013;47:404-406.3. Stuart M, Kwon YI, Rhie SJ, Pharmacy services at the PyeongChang 2018 Olympic and Paralympic Winter Games, British Journal of Sports Medicine 2019;53:1105-1110.

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Derrière ce blogue:

Clara Scattolin

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